« Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !

Messe du 31 décembre 2020

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« Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ;
oui, consolide l’ouvrage de nos mains ».
(Ps 89, 17)

C’est la prière que j’ai choisie pour le bilan de cette année. Sur la jolie carte de remerciements que deux jeunes médecins que j’ai mariés cet été avaient fait imprimer, ils avaient écrit : ‘Mariage Covid, mariage solide’.

Les temps d’épreuves sont des temps de consolidation. Ne s’écroule que ce qui n’était pas fait pour durer.

Certes, l’incertitude n’est pas terminée, déjà pour les fiancés : la moitié des couples (une cinquantaine) que j’accompagnais cette année se sont mariés, le tiers ont reporté et ne savent pas à ce jour comment ça va se passer. D’autres ont disparu, sans que je sache ce qu’ils sont devenus.
Nous avons perdu beaucoup de paroissiens, qui sont partis, qui ont quitté Paris, qui ont cessé de venir à l’Eglise, à la messe ou pour des sacrements. Disons une moitié, pour les baptêmes d’enfants comme pour les pratiquants. J’espère seulement que le nombre d’amoureux n’a pas baissé.

Qu’est-ce qui alors s’est consolidé ? C’est la question que je vous invite à vous poser : sur qui ou sur quoi vous êtes-vous reposé, avez-vous pris appui cette année ?

Pour moi, la foi au Christ, la force des sacrements. Notre foi est notre joie.

Cette crise a révélé l’écart que nous vivions depuis des années entre des chrétiens pour qui l’Evangile est un message d’humanité : « aimez-vous les uns les autres ». Je l’ai inscrit en arrivant sur le mur de la paroisse. – Et ceux qui ajoutent : « comme je vous ai aimés », dit Jésus.
L’écart s’est creusé entre deux visions de l’Eglise : une Eglise associative et une Eglise sacramentelle. L’Eglise associative entend remédier humainement, matériellement, sensiblement aux injustices. L’Eglise sacramentelle fonde le rejet de Dieu comme la seule injustice fondamentale dont dépendent toutes les autres.

Lors de son élection, le Pape François avait déclaré que l’Eglise n’est pas une ONG. Elle a été traitée comme telle cette année par les pouvoirs publics parce qu’elle se comporte comme telle depuis trop longtemps.

Nous venons de célébrer la naissance du Sauveur, le mystère et la joie de notre Salut. Cela suppose que nous soyons soit clairs sur sa nécessité. De quoi nous voulons être sauvés ? Si la Messe est ‘vitale’ comme tous les autres sacrements, c’est parce qu’ils sont nécessaires au Salut. Il n’est pas sûr que cela puisse se faire en vidéo.

Un événement de cette année a été la forme très personnelle de l’encyclique du pape François sur la fraternité, plus personnelle que magistérielle. Il a confirmé cette volonté dans sa Lettre du 8 décembre dernier sur saint Joseph, de « partager quelques réflexions personnelles sur cette figure extraordinaire ».
Ce n’est pas seulement dans l’Eglise que les avis personnels ont pris le pas sur nos missions et nos responsabilités. C’est peut-être le plus grand défi pour les années à venir, d’apprendre à s’effacer comme saint Jean-Baptiste.

Faisant le bilan du nombre d’obsèques célébrées, semblable aux années précédentes, je pensais à celles de ma maman. Le matin de sa mort, je me suis fait remplacer par le curé de sainte Odile pour la messe de funérailles d’un paroissien. Il a dû faire face, et avec brio, à une situation inédite, cocasse en d’autres circonstances : le chauffeur des pompes funèbres avait oublié le cercueil : fourgon vide ! Il s’était rendu à ‘l’adieu au visage’, et il était revenu sans le corps. Pas très agréable pour la famille.
Cela m’a rappelé cet autre enterrement récent où le cercueil que la famille avait voulu le plus beau – était trop large pour entrer dans la Chapelle. Certains membres de la famille portugaise avaient commencé à démonter la porte avant que je les persuade de faire la célébration à l’église basse.

De l’inédit, des contretemps, de l’improbable et de l’incertain, des épreuves et des drames, nous en aurons toujours. Elles font la part entre ce qui ne fait que passer et ce qui est appelé à entrer dans l’éternité.

La veille de Noël, l’évangile de la naissance de Jean-Baptiste raconte l’étonnement des gens qui disaient : « Que sera donc cet enfant ? » (Lc 1, 66). Il n’en va pas seulement de chaque enfant, mais de chaque personne, et de chaque année : que sera donc cette année ?

L’imprévisibilité fait partie de la transcendance et du sacré.

La plupart des événements que nous avons vécus cette année n’avaient rien d’imprévisible en soi : ce sont nos réactions qui l’ont été. Il en ira de même de notre mort dont seul le jour et l’heure nous sont inconnues, mais à laquelle il nous revient de nous préparer. C’est pourquoi je vous invite à prier : « Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ; oui, consolide l’ouvrage de nos mains »

Et demandez-vous ce qui pour vous s’est consolidé cette année.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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