6ème dimanche de Pâques - 25 mai 2025

Jn 14, 23-29

Lecteur audio

 

Quand on dit d’un prêtre ou à un prêtre qu’il est ‘moderne’, est-ce que c’est bon signe ?

Pas forcément. Il n’y a pas loin de la modernité à la mondanité, dans le sens de l’esprit du monde, et il nous faut être sûrs, nous Chrétiens, que nos paroles viennent de l’Esprit-Saint, pour ne pas, comme nous l’entendons dans la 1ère lecture de ce dimanche, « jeter le trouble et le désarroi » (Ac 15, 24), et être prudents quant aux « obligations à faire peser » (Ac 15, 28) sur ceux qui veulent suivre le Christ.

L’annonce de l’Evangile est un exercice difficile dans notre monde bouleversé : que devons-nous dire et de quelle façon s’adresser à des auditeurs souvent échaudés, déçus, ‘désenchantés’ et sur la défensive ?

Une jeune fille de douze ans que j’avais baptisée, mon enfant dans la foi, est revenue dégoûtée d’une retraite de Confirmation, et y a renoncé, après deux jours de leçons de morale au lieu d’enseignements religieux. Notre Dieu n’est pas un maître de morale ! Dieu est Amour.

Est-ce que vous diriez de Jésus qu’il était ‘moderne’ ?

Le mot n’existait pas à l’époque, même si les tensions et les conflits étaient les mêmes sur la place à donner à la Tradition, sur ce qu’il fallait garder et ce qu’il fallait changer.

Il est remarquable que ce soit à propos de Jésus que la notion de modernité est apparue, en tout cas qu’elle a trouvé son essor au 15ème siècle, dans ce qu’on l’a appelé la devotio moderna, la dévotion ‘moderne’ qui se démarquait des manières d’alors de prier excessivement formelles et ritualistes, pour privilégier une relation personnelle et vivante au Christ dans la lecture de l’Ecriture sainte et dans la vie quotidienne.
L’Imitation de Jésus Christ en a été le point d’orgue, un des plus grands best-sellers de l’histoire, à avoir encore aujourd’hui sur sa table de chevet, en lire une page chaque soir avant de se coucher.

Etre moderne c’est revenir au Christ, celui qui « fait toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5). Vous vous souvenez ? C’était la 2ème lecture de dimanche dernier.

La modernité a l’inconvénient d’induire une rupture avec le passé. Jésus, au début du Sermon sur la Montagne, prévient ses disciples : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise ».
Et il ajoute : « Celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux (il ne sera donc pas damné). Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux » (Mt 5, 17-19).

C’est pourquoi il est plus juste de parler de réalisme que de modernité.

Ce sont deux façons d’être incarné. Sauf que le réalisme fait attention aux personnes, s’adapte à elles et aux circonstances, tandis que la modernité suit les courants de pensée, avec le risque de se retrouver tôt ou tard démodée.

La force et la grandeur du Christ est dans la priorité qu’il donne aux personnes qu’il rencontre, il est Dieu, il ne peut pas se tromper : « Jésus n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme » (Jn 2, 25). Il sait ce que chaque personne peut entendre à l’instant T, comme il sait le désir qu’elle porte au plus profond de son cœur, ce désir d’amour durable et même éternel, cette aspiration à ce qui ne peut pas disparaître, mêlée et brassée dans un ensemble et parfois un charivari de désirs éphémères et superficiels.

Lorsque Jésus appelant un petit enfant le place devant ses disciples et leur dit solennellement : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux » (Mt 18, 3), il y a toutes sortes de façons de l’entendre, à commencer par l’humilité (puisqu’il dit juste après : « celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des Cieux »), il y a la capacité d’émerveillement, la confiance en ses parents, ou encore ce qui est constitutif de tout être humain à savoir la dépendance qui est la nôtre, tout être humain dépend de Dieu et des autres, mais il y a surtout la joie de grandir.

L’enfant est un être changeant, qui découvre le monde, qui a le bonheur de découvrir ses capacités, de marcher, de recevoir des responsabilités : souvenez-vous de la première fois où vos parents vous ont laissé sortir seul de la maison pour aller acheter du pain.

Au contraire des adultes malheureux de vieillir, attristés par la lente et inexorable dégradation de leur corps, ces grandes personnes petites spirituellement, les enfants sont heureux de grandir.

Ah, si nous pouvions retrouver la joie de grandir intérieurement, en nous attachant à ce qui ne disparaît pas, à ce qui est essentiel et finalement immortel.

En amour comme en amitié, nous faisons l’erreur d’imaginer que l’autre peut changer, que son caractère peut s’améliorer, se modifier pour s’accorder à nos goûts, nos façons de vivre et de penser. Le Père Denis Sonet disait que la femme rêve que son mari change et l’homme que sa femme ne change pas.

La seule chose qui puisse changer en nous est notre relation à Dieu, et par voie de conséquence notre relation aux autres.

Il n’y a qu’en faisant la paix avec Dieu, en accueillant sa paix que nous ferons la paix avec nous-mêmes et entre nous.

Oui, il est réaliste de vouloir et demander la paix, le don de Dieu.

Le réalisme chrétien repose sur cette confiance absolue en Dieu, à qui rien n’est impossible, y compris faire de nous des artisans de paix, des amoureux de la paix.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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