C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, dit Jésus : mes disciples c’est-à-dire des hommes et des femmes de foi et de prière. Il ne suffit pas de dire des hommes et des femmes de foi : les démons eux aussi ont la foi dit la Lettre de saint Jacques, ils croient qu’il y a un seul Dieu « et ils tremblent » (Jc 2, 19). Ils tremblent de peur, ils n’osent pas paraître devant Dieu, car ils ne croient pas en son Amour ni en sa Miséricorde.
La première caractéristique de Jésus-Christ, Dieu fait homme, est d’être un homme de prière.
Du début à la fin de sa vie publique, on le voit prier. Quand il arrive dans un village, « aussitôt le jour du sabbat il se rend à la synagogue » (Mc 1, 21). La première prière, par ordre de priorité, est communautaire. « Ne rien placer avant l’œuvre de Dieu, l’office divin » dira la règle de saint Benoît. Nous sommes des êtres de relation, Dieu nous voit dans nos relations les uns avec les autres, l’être humain est un être sociable, qui vit en société, qui dépend des autres, qui apprend à prier des autres et avec les autres. Et nous nous retrouvons toutes les semaines à la messe pour prier ensemble.
« Et là (à la synagogue), il enseignait », alors que ce n’était pas au départ son métier, Jésus était à ce que l’on croyait le fils du charpentier, mais la prière est un acte de l’intelligence, un acte rationnel, qui a besoin d’être guidé : « Est-ce que tu comprends ce que tu lis ? » demande le diacre Philippe au serviteur de la reine d’Ethiopie venu à Jérusalem pour adorer et qui s’en retournait en lisant le prophète Isaïe. « Et comment le pourrais-je s’il n’y a personne pour me guider ? » (Ac 8, 31). C’était la lecture de la messe le jour de l’élection du Pape Léon.
Sorti de la synagogue, Jésus se rendait chez ceux qui l’invitaient, et là il soignait les malades, consolait les affligés, montrant l’effet de la prière : la charité. La charité est la vérité de la prière, son critère ultime. Quel est, après la connaissance de Dieu, l’effet de la prière ? L’amour du prochain.
Et le lendemain matin, Jésus se levait tôt, bien avant l’aube, pour se rendre dans un endroit désert (les maisons n’étaient pas grandes), et là il priait. (Mc 1, 35). Seul.
Il commençait ses journées par adorer, uni à son Père dans l’Esprit.
La première fonction de la prière est de nous unir à Dieu. Jésus priait parce que Jésus est Dieu et l’évangile de dimanche dernier le disait : « Le Père et moi, nous sommes UN » (Jn 10, 30).
Nous, pécheurs, nous prions pour deux raisons : d’abord, comme le Christ priait uni au Père, nous prions pour que notre cœur soit uni au Cœur de Dieu, au Cœur sacré de Jésus, qui est l’unique Chemin qui conduit au Père.
Et nous prions pour que nos pensées, nos paroles et nos actes soient dès lors en accord avec ce que Jésus nous a enseigné, et plaisent à Dieu. Faire plaisir à Celui qui nous aime.
De la même façon qu’il y a deux dimensions, communautaire et personnelle, de la prière, il y a deux dimensions spirituelle et morale de la prière, qui portent l’une sur notre connaissance de Dieu et l’autre sur nos relations aux autres et au monde.
Si nous reconnaissons en Dieu le Créateur du Ciel et de la terre, du monde visible et invisible, comment ne pourrions-nous pas nous engager davantage dans la protection de toute créature comme de l’ensemble de la Création ?
Nous butons sur la nouveauté du « commandement nouveau », de nous aimer les uns les autres, quand nous oublions la précision qui suit : « comme je vous ai aimés ». « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres ».
Comme je vous ai aimés, c’est-à-dire ‘jusqu’au bout’, c’est ainsi que commence le discours d’Adieu : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1). Jusqu’à s’abaisser pour laver les pieds de ses disciples.
Jusqu’au bout signifie humblement. Jusqu’au bout signifie fidèlement, dans la fidélité à la foi de l’Eglise et à la prière. Mère Teresa disait que n’importe qui pouvait faire ce qu’elle faisait pour les pauvres pendant deux ans. Mais personne ne pouvait le faire plus de deux ans sans prier, sans s’unir tous les jours au Christ dans la prière.
Judas a tenu deux ans. La troisième année, l’esprit du monde s’est insinué. La faille s’est élargie, l’écart s’est creusé.
La faille qui a été réparée au jour de notre baptême, l’écart entre notre cœur et le cœur de Dieu, se rouvre quand on arrête de prier.
Oh bien sûr on peut continuer à rendre service, comme on peut continuer à réciter des prières, mécaniquement, tristement, alors que le cœur n’y est pas.
Si « la raison et la foi sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité » (Encyclique Foi et Raison), la foi et la prière sont, elles, comme les deux ailes qui permettent au cœur humain de se libérer, pour grandir en charité et aimer son prochain.
C’est à l’amour que nous aurons les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que nous sommes des disciples du Christ, des hommes et des femmes de foi et de prière.
La vérité de la prière, c’est la charité.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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