Faisons de l’Eglise une famille aimante

28ème dimanche du temps ordinaire - 13 octobre 2024

Mc 10, 17-30

Quand on réunit les données des trois évangiles de Matthieu, Marc et Luc sur cet homme riche, on aboutit à un étonnant face à face avec Jésus ! Ils sont tous d’accord sur son désir d’absolu. Il vient en courant ! Comme sur sa bonne éducation : c’est un homme qui connaît et respecte les usages et les lois. Conscient de ses talents, il veut progresser, savoir ce qu’il doit faire « pour avoir la vie éternelle en héritage ». Marc et Luc utilisent la même expression que Matthieu omet ou élude, lui faisant seulement dire : « Que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? » (Mt 19, 16).

Il parle d’héritage parce que c’est l’origine de sa richesse, qui lui confère son statut social : Luc dit que c’est « un notable » (Lc 18, 18). Matthieu est le seul à en faire quelqu’un de jeune (Mt 19, 22), et c’est ainsi qu’on le désigne : le jeune homme riche de l’évangile.

C’est un homme riche et un homme seul. Le texte dit en effet qu’ « il avait de grands biens » et non pas qu’ils avaient, au pluriel, dans sa famille, de grands biens. Peut-être avait-il perdu ses parents, était-il fils unique, car Jésus l’invite à vendre ses biens et non pas à les laisser à ses frères, les rendre à sa famille. Ce dont nous héritons ne nous appartient pas totalement : cela vient de notre famille.
Et il faut reconnaître à Jésus, au Christianisme, un respect fondamental de la famille.

Elle est, plus qu’une valeur, la cellule de base de la vie, et de la vie en société. A la fin, Jésus dit que celui qui aura quitté, « à cause de lui et de l’Evangile », sa famille et ses biens, recevra dès ce monde-ci une famille plus grande encore. « Avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle ». Pourquoi des persécutions ? Parce que « le disciple n’est pas plus grand que son maître » (Lc 10, 24).

Le Chrétien fait passer sa famille avant ses intérêts personnels. Souvenez-vous de la critique que Jésus avait adressée aux Pharisiens qui ne s’occupaient pas de leurs proches : « Vous, vous dites : Supposons qu’un homme déclare à son père ou à sa mère : “Les ressources qui m’auraient permis de t’aider sont korbane, c’est-à-dire don réservé à Dieu”, alors vous l’autorisez à ne plus faire quoi que ce soit pour son père ou sa mère ; vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez » (Mc 7, 11-13).
Et saint Paul écrit : « Si quelqu’un ne s’occupe pas des siens, surtout des plus proches, il a renié la foi, il est pire qu’un incroyant » (1 Tim 5, 8).

Ce face à face de Jésus avec cet homme riche est d’autant plus impressionnant que Jésus était né pauvre dans une famille de pauvres, avait grandi dans un village de pauvres, suscitant cette remarque pleine de mépris de la part de Nathanaël au début de l’évangile de saint Jean : « De Nazareth, de chez les pauvres, peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jn 1, 46).

Jésus avait grandi au milieu de gens pauvres, voisins et cousins que l’évangile appelle ses frères, qui savent ce que manquer veut dire, qui savent la nécessité que dis-je l’obligation du partage.

Jésus, fils unique, avait sans doute moins souffert de la solitude, vu sa vie intérieure, que de l’attitude des autres enfants, de leurs moqueries quand il refusait de participer à leurs jeux, qui jalousaient ses facilités, ne comprenaient pas son attention pour les plus petits, les malades, les exclus.
Jésus n’a gardé aucun de ces camarades d’enfance parmi ses disciples, l’évangile l’aurait indiqué. En revanche, les premiers disciples qu’il a appelés étaient des frères : Simon-Pierre et André, Jacques et Jean. Et il a très vite constitué le petit groupe des Douze pour les former à la mission c’est-à-dire à la fraternité, pour leur apprendre à partager, à échanger, à s’entraider, à s’écouter. En un mot à servir.

Il a repris leur éducation pour la tirer vers le haut, pour transformer en charité ce qu’ils avaient acquis dans leur famille d’origine. Jésus Christ a passé trois ans à temps plein avec ses disciples pour les purifier des préjugés dont ils avaient hérité.

Voyez maintenant comment cet homme riche que Jésus appelle à tout quitter pour le suivre, « à ces mots, s’assombrit et s’en va tout triste », en réalité tout seul, ignorant qu’il n’y a de richesses que divines et humaines. On comprend que Matthieu en ait fait quelqu’un de jeune au sens de manque de maturité. J’en parlerai dimanche prochain.

Est-ce que s’il avait vécu dans une autre famille, un autre milieu, il aurait pu mieux répondre à l’appel de Dieu ?

C’est ce que nous croyons de l’Eglise du Christ, pour autant que nous ayons et développions ce désir et cet esprit d’ouverture, de conversion et de partage, que notre société ignore jusqu’à en crever, que nous demandions la grâce de Dieu d’être capable de renoncer à nos privilèges, pour retrouver un minimum d’humanité et de sens de la fraternité.
Pas de l’amitié : de la fraternité. La fraternité est une relation irréversible, qui repose sur une origine et une filiation divine : « fils d’Adam, fils de Dieu » dit l’évangile  (Lc 3, 38). On peut la nier ou la renier. Jusqu’à perdre le sens de la vie.

Ce qui est impossible aux hommes ne porte pas seulement sur une liberté à l’égard des biens matériels, mais sur la fraternité à laquelle nous sommes appelés dans le Christ et par le Christ.

Si votre frère ou votre sœur, si un membre de votre famille vous est devenu un étranger, reprenez la parole du Seigneur : J’étais un étranger et vous m’avez accueilli. Souvenez-vous aussi de l’accueil qu’il a reçu lors de son retour chez les siens. « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1, 11).

La vraie richesse d’une famille aimante est celle où l’on apprend à accueillir, à servir, à partager, à pardonner.

Par amour du Christ, faisons de l’Eglise une famille aimante.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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