Travailler collectif, jouer collectif, prier collectif

5ème dimanche du Temps Ordinaire - 9 février 2025

Lc 5, 1-11

 

La phrase de Jésus à Pierre : « Ce sont désormais des hommes que tu prendras » ne peut pas s’appliquer à la lettre puisque la Mission de l’Eglise ne consiste pas à capturer des ouailles, à prendre dans ses filets, mais au contraire à libérer, comme Jésus vient juste avant de l’affirmer dans la synagogue de Nazareth avec les paroles du prophète Isaïe : « Le Seigneur m’a envoyé annoncer aux captifs leur libération, remettre en liberté les opprimés » (Lc 4, 18).

Que signifie-t-elle alors ?

Sa meilleure illustration se trouve dans l’épisode de la marche sur les eaux, lorsque Pierre, étant descendu de la barque à la rencontre de Jésus, voyant la force du vent, prend peur, et commence à enfoncer ! Il crie : « Seigneur, sauve-moi ! » (Mt 14, 30). Jésus le fait remonter dans la barque : il l’empêche de se noyer. C’est notre Mission, la définition de la charité : nous porter au secours de ceux qui se noient, se sentent perdus, de ceux qu’il faut secourir, y compris nos ennemis comme nous l’entendrons à la fin du mois : aimez vos ennemis, secourez-les.

La charité veut que les forts se portent au secours des plus faibles, que les forts soutiennent et protègent les faibles.

Etre chrétien signifie empêcher les gens de se noyer, comme le Christ l’a fait c’est-à-dire en respectant leur liberté, en se donnant soi-même mais sans se perdre.

Un ami m’a raconté le pire souvenir de sa vie, d’avoir assisté à la mort par noyade d’un baigneur imprudent, emporté par les vagues, sans que personne ne puisse se porter à son secours dans le tumulte des flots.

A quelques jours de la fête de Notre-Dame de Lourdes, et de la Journée mondiale des malades, arrêtons-nous sur le choix de Jésus, que nous venons d’entendre dans l’évangile, de s’adjoindre dès le commencement de sa mission des disciples et des compagnons, parce que le secours, le Salut et tout simplement l’aide du prochain est une œuvre collective : le Bon Samaritain, après s’être arrêté et avoir répondu à l’urgence a demandé à un aubergiste de s’occuper du blessé. Quand on veut aider quelqu’un dans la durée, on s’y met à plusieurs.

Moïse en avait reçu la leçon de son beau-père pourtant païen : ce que tu fais n’est pas bien. « Ta façon de faire n’est pas la bonne. Tu vas t’épuiser complètement, ainsi que ce peuple qui est avec toi. La tâche est trop lourde pour toi, tu ne peux l’accomplir seul » (Ex 18, 18).

Les hommes que Jésus est allé chercher à leur travail étaient des hommes mûrs, éprouvés, dont le travail était dur et qui le faisaient en équipe, à plusieurs. C’étaient des professionnels qui travaillaient en équipe. C’est ça un professionnel : une personne qui connaît son métier, mais aussi ses limites et la part qui revient à chacun, c’est-à-dire aux autres. Dont la compétence est autant sociale qu’individuelle.
Dans son encyclique Dieu est Amour du 25 décembre 2005, le Pape Benoît XVI rappelle qu’en ce qui concerne le service des personnes qui souffrent, la compétence professionnelle est une nécessité fondamentale, même si à elle seule, elle ne peut suffire : les personnes ont besoin d’humanité, de l’attention du cœur (n. 31).

A la demande de Jésus, Pierre met son instrument de travail, sa barque, à sa disposition pour que Jésus s’en serve comme d’une tribune pour se faire entendre des foules qui se pressaient autour de lui. Pierre a pris les rames, il est à côté de Jésus. Il voit ou il sent la présence de la foule qui écoute, et il écoute lui aussi. Combien de temps est-ce que cela dure ? Un certain temps. Saint Marc, à la multiplication des pains, dit que Jésus voyant « la grande foule, fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement » (Mc 6, 34).

Et voilà que Jésus, « quand il eut fini de parler », fait quelque chose d’inattendu : il renvoie Simon-Pierre au travail : « Avance au large et jetez vos filets » ! Il va lui montrer qu’il ne suffit pas d’être un professionnel dans son domaine. Ou plutôt que, quel que soit notre métier ou notre activité, cela change tout d’être avec le Seigneur.

« Sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5).

Puisque nous prions Notre-Dame de Lourdes, demandons cette grâce dans l’accompagnement des malades, de toute personne qui souffre, de nous garder de ne compter que sur nos propres forces, de nous garder d’oublier que le Seigneur nous demande d’être avec lui, pour être ses compagnons et ses amis.

C’est dans la prière que se renouvellent nos forces car c’est la nature même de la prière de nous relier à Dieu et les uns aux autres par le même Esprit.

Nous ne sommes jamais seuls dans la prière. Même dans la pièce la plus retirée ou l’endroit le plus secret. La prière chrétienne est toujours une prière de l’Eglise, comme Jésus nous a appris à prier en disant : ‘Notre Père’ et que lui-même n’était jamais seul : Le Père est toujours avec moi (Jn 8, 29 ; 16, 32).

Pour être professionnel, il faut travailler collectif. Efficace : jouer collectif.

Pour être chrétien, il faut prier collectif.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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