Dimanche du Saint Sacrement - 22 juin 2025

Lc 9, 11b-17

Il est difficile d’expliquer ce qu’est le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur à des personnes qui ont la chance de n’avoir jamais eu faim, je ne parle pas d’un jeûne mais d’une faim à crever, mêlée d’angoisse de mort, quand on se demande si on va s’en sortir.
J’ai souvent interrogé les Anciens sur ce qu’ils avaient vécu pendant la guerre, ceux qui vivaient dans des villes qui ont été terriblement bombardées, qui en ont été traumatisés et qui en faisaient encore des cauchemars.
Parmi ceux qui étaient restés à Paris, en particulier les Juifs qui avaient porté l’étoile jaune et qui avaient vécu la peur au ventre toutes ces années, et tous ceux qui m’ont raconté les files d’attente de longues heures avec leurs coupons de pain, ils m’ont dit : nous avons eu faim.

Je ne sais pas ce que peut signifier le Salut, être sauvés, pour ceux qui n’ont jamais cru mourir au terme de situations désespérées, ni ce que peut signifier la vie éternelle quand on n’a jamais touché le corps sans vie d’une personne qui était tout pour vous.

L’expérience n’est pas le seul mode de connaissance, et on peut avoir conscience de la réalité du mal, de la faim et de la mort sans les avoir vus et touchés, il y a beaucoup d’expériences qu’il ne faut pas tenter. C’est le mot juste : le Tentateur est celui qui vous suggère toutes sortes d’expériences.

Dans les tentations de Jésus au désert, l’Esprit-Saint qui l’y a conduit pour qu’il rejoigne dans sa chair l’humanité la plus angoissée, le Christ et l’Esprit remportent ce combat que nous aurons tous d’une façon ou d’une autre à mener. C’est la séquence du Jour de Pâques : « À la victime pascale, Chrétiens, offrez le sacrifice de louange. L’Agneau a racheté les brebis : le Christ innocent a réconcilié l’homme pécheur avec le Père. La mort et la vie s’affrontèrent en un duel prodigieux. Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne ».

Jésus a connu la faim extrême : quarante jours sans manger. Il sait que toute personne n’est pas capable de le supporter. C’est une chose atroce que les émeutes de peuples affamés. Il sait à quelles bassesses un être humain peut arriver, perdre toute dignité pour une bouchée de pain.

Ses disciples aussi savent qu’il faut faire preuve de prudence sur les besoins du vivant.

Ces besoins physiques commencent avant la naissance, dès le sein de la mère qui a donc besoin d’être protégée, aidée, soutenue, qu’elle ait conscience ou non que l’enfant qu’elle porte ne lui appartient pas, aucun enfant n’appartient à ses parents, il lui est confié, au père et à la mère, et à travers eux à toute l’humanité. Ces besoins physiques sont indissociables d’autres besoins de sécurité, d’attention, d’affection, de reconnaissance, qui font que nous vivons en société.

Les moines ermites (moine signifiant au départ seul, du grec monos) que l’histoire a consacrés, saint Antoine le Grand, du désert ou d’Egypte, au 3ème 4ème siècle de notre ère, saint Romuald de Ravenne, fondateur des Camaldules, que nous fêtions jeudi 19 juin, ou saint Bruno le Chartreux tous deux au 11ème siècle, se sont associés à des frères, pour survivre et s’entraider.

Ils avaient choisi la solitude dans un esprit de pénitence, de solidarité avec les exclus, mais surtout par amour du Christ, pour vivre avec Lui, trouvant en Lui leur bonheur. Avec Lui ils priaient pour le monde, conscients du Salut que Dieu veut pour toute l’humanité.

Lorsque, au début de la Création, Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui soit assortie » (Gn 2, 18), il s’agit de l’homme et de la femme pour qu’aucun être humain ne puisse imaginer se suffire à lui-même. Mais cette aide couvre des besoins bien plus larges que le Christ, dans l’évangile de ce dimanche, demande à ses disciples d’apporter à ceux qui ont faim : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ». Je les ai instruits, soignés, délivrés, à votre tour, aidez-les, nourrissez-les.
Il sait qu’ils ne peuvent rien sans Lui. Et il pose alors les deux gestes qui n’en feront qu’un au Dernier repas, lorsqu’il leur lavera les pieds. Nourrir l’esprit et le corps, et servir.

La Parole de Dieu est le Pain de la Vie. « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Je suis présent dans ce Saint-Sacrement.

La vie est un combat que nous ne pouvons pas mener seul. Ce n’est pas seulement le Chrétien isolé qui est un Chrétien en danger, c’est tout être humain qui se laisse isoler. La vie est immense et pleine de dangers.

La vie est un combat spirituel, un exercice militaire suivant l’expression du Livre de Job (Job 7, 1), curieusement traduite par le mot corvée, sans doute pour les efforts et les règles à respecter : « La vie de l’homme est une corvée sur la terre », non ! c’est un exercice militaire, quel que soit notre âge. Une des premières choses qu’on apprend à un soldat est de ne jamais se séparer de son arme, en exercice ou au repos, et notre arme est l’évangile du Christ, « le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu » (Eph 6, 17).
Et il apprend à partager les rations, à monter la garde, le lien sacré de sang entre frères d’armes.

Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur répond à ces deux besoins vitaux que sont la nourriture pour ne pas défaillir en chemin, le pain des anges en souvenir du prophète Elie qui se rendait à la Montagne de Dieu et qui s’était endormi épuisé. Un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! » (1 R 19, 5). Mange si tu veux ressusciter !

Le 2ème besoin vital est de nous garder du péché. « Seigneur Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, selon la volonté du Père et avec la puissance du Saint-Esprit, tu as donné, par ta mort, la vie au monde ; que ton Corps et ton Sang nous délivrent de nos péchés et de tout mal ; fais que nous demeurions fidèles à tes commandements et que jamais nous ne soyons séparés de toi ».

Comme unis en un seul Corps et un seul Esprit.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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