C’est dimanche prochain que l’évangile parlera de l’Apôtre Pierre, et que nous parlerons de ses successeurs, du Pape François qui vient de nous quitter, et de nos attentes pour la suite. En ce 2ème dimanche de Pâques, l’évangile nous invite à contempler la conversion de Thomas.
Il est possible que Thomas fût surnommé le jumeau, « Thomas appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau) », sous forme de plaisanterie : si ce n’est lui, c’est donc son frère. Thomas était si souvent absent du groupe que lorsqu’il était là, on se moquait en disant que ce devait être son frère, son jumeau, ‘quelqu’un qui lui ressemble’ comme il est dit de l’aveugle-né après sa guérison par Jésus (Jn 9, 9).
Nous avons une vision trop uniforme des Apôtres, et c’est encore vrai aujourd’hui pour les Cardinaux qui seront chargés d’élire le nouveau Pape, comme s’ils relevaient de catégories ou d’archétypes, comme s’ils n’étaient pas, et c’est vrai des évêques, des prêtres, des diacres et de tous les fidèles, avant tout des baptisés dans la foi, appelés à la prière, et conduits par l’Esprit.
Ce sont aussi des pécheurs, le Pape François le rappelait volontiers, et la Miséricorde que nous célébrons, le pardon des péchés, est le premier don du Christ Ressuscité à ses disciples : La paix soit avec vous ! Recevez l’Esprit-Saint pour croire à la Résurrection et apprendre à aimer et à pardonner. Aimer et pardonner.
Ceux qui aiment Dieu ne l’aiment pas tous de la même façon. Mais ceux qui aiment Dieu, s’ils sont logiques avec eux-mêmes, se doivent de le mettre en premier dans leur vie, et de suivre ses commandements : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tu lui pardonneras parce que tu es un pécheur pardonné.
Ceux qui aiment Dieu aiment tous ceux que Dieu a créés. Celui qui dit qu’il aime Dieu et qui n’aime pas son frère, est un menteur (1 Jn 4, 20).
Comment pouvez-vous dire que vous aimez quelqu’un sans aimer les personnes qu’il aime ? Aimer une personne, c’est respecter tous les êtres que cette personne a choisis. Quelqu’un m’a dit d’une amie : ‘Je n’aime pas son mari’ : c’est qu’il n’aime pas cette amie. Ou ’je n’aime pas sa femme’ : c’est qu’il n’aime pas cet homme. Il en va de même pour ceux qui disent aimer le Christ et qui n’aiment pas l’Eglise.
Thomas n’était pas avec les autres disciples quand Jésus leur est apparu au soir de Pâques parce que Thomas a toujours été comme ça : indépendant, imprévisible, un peu rebelle, ne trouvant pas forcément son bonheur dans la compagnie de ses semblables.
Il avait cette qualité de l’indépendant qu’est le courage. Il faut être courageux pour être libre, et Thomas était courageux, on le voit à la mort de Lazare, quand Jésus décide de retourner en Judée malgré le danger. Les autre disciples disent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » (Jn 11, 8). Thomas dit : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » (Jn 11, 16).
Un peu plus loin, quand Jésus annonce à ses disciples qu’il part leur préparer une place, leur promettant de revenir : « je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin », Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » (Jn 14, 5).
Cette liberté de parole peut être gênante, avec des paroles qui peuvent heurter. Nous venons d’entendre les pires : « Si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! ».
Thomas, est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis ?
Ni Pierre ni aucun des autres disciples n’ayant repris Thomas sur ces paroles indécentes autrement qu’en disant : viens et tu verras, le Christ lui apparaît devant tout le monde. Il s’adresse à lui assez rudement, avec cette parole qui vaut pour chacun de nous : « Cesse d’être incrédule, sois croyant ! ».
Nous pouvons bien sûr répéter chaque jour la réponse de Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Elle est magnifique. Mais combien de fois gagnerions-nous à nous dire également à nous-mêmes : « Cesse d’être incrédule, sois croyant ! ».
Elle vaut pour notre relation à Dieu comme pour notre relation aux autres. Cesse d’être critique, sois aimant. Cesse d’être négatif, sois bienveillant.
L’indépendant a ceci en commun avec l’individualiste, alors même qu’ils sont très différents parce que l’individualiste est un égoïste, de ne pas croire à la nécessité de se conformer à un certain nombre de conventions et de traditions pour vivre dans la paix et le respect des uns des autres. La nécessité de faire des concessions pour avancer ensemble.
C’est une grande vertu et un chemin de sagesse de chercher ce qui convient à tous, aux autres comme à soi, et d’accepter de s’y conformer, par amour. Si le conformisme est un excès, la conformité est une vertu, la conformité à ce qui est bien, à ce que Dieu veut, la conformité par notre baptême au Christ Jésus.
Lorsque Marie et Joseph sont allés présenter Jésus au Temple, ils se conformaient à ce qui est prescrit dans la Loi, alors même que Jésus n’en avait pas besoin puisque le Christ est l’auteur de la Loi. Savoir se conformer à ce qui est prescrit même quand on pense qu’on n’en a pas besoin. C’est une affaire de miséricorde autant que d’humilité. La miséricorde ne consiste pas seulement à pardonner, mais à accepter ce qu’on ne comprend pas, ce qu’on ne maîtrise pas, ce qu’on n’aime pas, mais que Dieu veut et qui plaît à Dieu.
Voilà une bonne résolution pour ce temps de Pâques, se répéter chaque jour à soi-même : Cesse d’être incrédule, sois croyant !
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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