Sainte Marie Mère de Dieu - 1er janvier 2021

Lc 2, 16-21

 

Le Verbe s’est fait chair pour que notre corps se fasse parole.

Mon homélie pourrait s’arrêter là. Elle serait la plus courte de l’année même si l’année ne fait que commencer. Mais la phrase est trop lapidaire et nécessite quelques explications, sa genèse déjà. J’en ai eu l’intuition en octobre dernier, lors de l’assassinat épouvantable de ce professeur de collège. L’évangile du dimanche précédent était très violent : c’était la parabole des invités à la noce qui se termine par l’exécution des invités qui ne s’étaient pas contentés de refuser l’offre du roi mais qui avaient tué ses émissaires : « le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville » (Mt 22, 1-14).

La version qu’en donne saint Luc (Lc 14, 18-20) est plus supportable, où les invités font preuve d’un même mépris à l’égard du roi et même de grossièreté par des excuses invraisemblables, mais le tout sans violence.

Le texte de Matthieu est précis où la violence répond à la violence, le meurtre des serviteurs, et non à des provocations.

C’est une différence éclairante dans les débats qui nous occupent sur la question terroriste et la liberté de blasphémer, où les deux sont mêlées de façon inacceptable. C’est le propre des caricatures d’être grossières, un moyen de faire rire. Certaines étaient plus que grossières : obscènes et pornographiques. Pour autant, cela ne justifiera jamais aucune violence physique.

C’est un principe évangélique, auquel nous sommes profondément attachés au nom du Christ, de ne pas répondre au mal par le mal, aux injures par les coups, et de faire la différence entre violence verbale et violence physique. C’est la raison pour laquelle on a mis fin aux duels. Cela n’empêche pas que l’on puisse parler de violence verbale, mais qui n’est pas du même ordre.
Au garde qui le gifle, outré de sa réponse au grand prêtre, Jésus ne tend pas l’autre joue mais demande : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ? Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18, 23).
Expliquer, exprimer, verbaliser, le seul moyen de ne pas frapper. C’est ce que l’on ne cesse de rappeler en répétant que c’est une affaire d’éducation : l’acquisition du langage est la seule façon de dominer et dépasser ses émotions, de se socialiser, se civiliser, d’échapper à la violence.

Le seul problème est que la distinction entre langage et violence est une révélation chrétienne, propre à ce temps de Noël, que nous pouvons formuler ainsi : Le Verbe s’est fait chair pour que le corps se fasse parole. De même que Dieu s’est fait homme pour que l’homme se fasse dieu, qu’il soit divinisé par la grâce divine, de même, le Verbe s’est fait chair pour que notre chair se fasse parole, pour que nous comprenions que nous avons été créés corps et âme, pour vivre entre nous des relations de respect et d’amour par la médiation du langage.

Nos pays de tradition et culture chrétienne se sont construits sur deux principes évangéliques fondamentaux que sont la séparation du temporel et du spirituel, la laïcité, pour autant que l’on rende à Dieu ce qui appartient à Dieu, et l’autre distinction aussi essentielle est entre la raison et la passion.
Ces deux distinctions, catholiques, sont universelles en tant qu’elles sont accessibles à tout personne susceptible d’agir en conscience, qu’elle ait conscience ou non de l’action en elle de l’Esprit-Saint, de la présence en elle de Dieu

Sur cette distinction entre la raison et la passion, sans laquelle nous ne pouvons vivre en paix, l’enseignement constant de l’Eglise est que les passions, nos émotions, n’ont pas en soi de valeur morale : c’est le rôle de la raison de discerner leur contribution au bien de la personne, des autres, de la société.
Quand « Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur », elle faisait ce que chacun de nous doit faire, et c’est pourquoi elle est notre Mère, non seulement la Mère de Dieu par la naissance de son Fils, mais la Mère de notre divinisation : à la lumière de l’Esprit Saint, elle discernait quelles étaient ses émotions qui pouvaient se transformer en prières. Les plus actifs d’entre vous diront également en actes de charité.

Le Verbe s’est fait chair pour que notre corps se fasse parole, pour que nous nous adressions les uns aux autres les mêmes paroles d’amour que Dieu nous dit au fond de notre cœur, ces paroles d’amour, de vérité et de vie par lesquelles Dieu nous a créés, façonnés et sauvés : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.

Le Verbe s’est fait chair pour que notre corps se fasse parole de respect et d’amour entre nous. Et louange à Dieu !

Gloire à Dieu et paix sur terre aux hommes qu’Il aime.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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