Dimanche de l’Epiphanie - 3 janvier 2021

Mt 2, 1-12

 

Il ne serait pas venu à l’idée des Mages de prendre l’enfant-Jésus dans leurs bras. Une amie m’a dit parce que c’étaient des hommes. Non, le vieillard Syméon a pris Jésus dans ses bras, on l’a entendu dimanche dernier. En réalité, ils étaient sans le savoir devant l’Arbre de vie et de la connaissance du bien et du mal, même si cela les dépassait infiniment. Ils vivaient un nouveau commencement qui passe par une redécouverte du sacré.
J’ai souvent cette discussion avec les Catholiques qui ne veulent pas communier dans la main, au nom du catéchisme de leur enfance. Je préfère cet excès que l’inverse. Je leur explique que cette pratique exclusive de la communion dans la bouche vient des temps anciens, quand les mains portaient les traces du travail de la terre sans nos facilités d’hygiène. Quand ils me disent que seules mes mains de prêtre ont été consacrées, je leur demande de penser au jour où ils recevront l’extrême-onction à l’intérieur de leurs mains de baptisés.
Jésus se désolait de ceux qui purifiaient l’extérieur mais qui étaient à l’intérieur d’eux-mêmes remplis de cupidité et de méchanceté : « Donnez plutôt en aumône ce que vous avez et tout sera pur pour vous » (Lc 11, 41). Nos mains reçoivent Jésus-Hostie pour nous rendre dignes de vivre avec Lui et comme Lui, jusqu’à toucher s’il le faut les lépreux.
Les Mages n’ont pas pris l’enfant-Jésus dans leurs bras parce qu’ils étaient des étrangers. Les gestes d’amour supposent une familiarité au meilleur sens du terme, une intimité préalable, qu’on prenne le temps de se connaître, de s’accueillir et de se respecter.

Il ne serait pas venu à l’idée des Mages de proposer à Joseph et Marie d’emmener leur fils pour l’élever dans leurs palais, lui donner l’instruction qu’il méritait. Ces Mages étaient des savants qui respectaient la culture et les traditions du pays de Celui qu’ils venaient adorer. Des savants d’un autre temps, experts en humanité, qui savaient l’importance de la transmission de génération en génération, et qui savaient que, sauf à de très rares exceptions, on n’enlève pas un enfant à son milieu d’origine, que tout être humain a besoin de ses racines.

Il ne serait pas venu à l’idée des Mages au retour dans leur pays de se répandre sur ce qu’ils avaient vu, de faire de cette expérience un moyen de promotion personnelle, et encore moins un sujet de débat. « Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode » : Hérode est le signe que le mensonge, la manipulation et la perversité ont toujours existé, « ils regagnèrent leur pays par un autre chemin », ce qui ne signifie pas qu’ils ont repris leur vie d’avant ni qu’ils s’y sont répandus publiquement. On trouve suffisamment d’indications dans l’Evangile sur la nécessité de faire preuve de discrétion sur les miracles du Christ pour comprendre que la seule annonce que nous avons à porter est sa Résurrection ! A quoi aurait-il servi que le Christ se fût incarné s’il n’est pas Ressuscité ?
D’où l’or, l’encens, et la myrrhe pour son ensevelissement. Les Mages sont revenus avec une joie au cœur que personne ne pouvait comprendre. Je pensais à saint Thomas d’Aquin le plus grand théologien de l’Histoire qui met soudain fin à son œuvre colossale par ces mots : « Tout me semble de la paille auprès de ce que j’ai vu ».

Et si les Mages nous suggéraient ainsi trois résolutions pour cette année ?

La première va bien au-delà de tous les gestes barrières et mesures de distanciation dont il importe peu à quel moment elles seront levées si nous n’en sortons pas avec une plus juste distance avec les personnes que nous rencontrons et côtoyons, si nous ne comprenons pas quel est le long chemin qui conduit à l’amour et l’adoration, si nous ne prenons pas exemple sur la patience, la sagesse et la persévérance des Mages jusqu’au jour où guidés par l’Esprit nous tomberons à genoux devant l’Arbre de Vie. Vous voulez apprendre à aimer ? Vous voulez trouver le bonheur ? Il est dans l’adoration de Jésus.

Les Mages se sont prosternés devant Jésus : ne négligeons pas leur regard plein d’admiration pour Marie et Joseph, leur joie d’être en présence de la sainte Famille. Suivons leur exemple pour laisser les parents exercer leurs responsabilités, pour faire confiance à chacun dans les missions qui lui sont confiées. L’évangile dit que lorsqu’ils « entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ». Leur vision de Marie a transformé leur regard de la Femme.

Enfin permettez-moi de penser non qu’ils se sont identifiés à Joseph mais qu’ils ont décidé d’être comme lui le gardien des mystères du Salut. Ils ont eu foi en Jésus. Ils ont découvert en Marie l’épouse de l’Esprit. Ils ont été saisis d’émotion devant l’aide attentive, efficace et discrète que Joseph apportait sans faire parler de lui.

C’est moins une nouvelle fête de la sainte Famille que nous célébrons avec ces Mages, que leur entrée dans le mystère de la sainte Trinité, où Dieu est un Père plein de tendresse, où le Christ se livre à notre liberté, et où l’Esprit donne à chacun, comme à Marie, de laisser l’amour de Dieu conduire sa vie.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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