26ème dimanche du temps ordinaire - 27 septembre 2020

Mt 21, 28-32

 

Un homme avait deux fils. Est-ce que l’histoire serait la même si c’étaient deux filles ? Dans la parabole dimanche dernier des ouvriers de la dernière heure, est-ce que la discussion aurait été identique si les ouvriers avaient été des ouvrières ? Est-ce que vous pensez que dans un cas ou dans l’autre les réactions auraient été différentes ?

Au lendemain du 15 août, j’ai proposé une nouvelle série de mystères du Rosaire, les mystères miséricordieux. Sur les cinq scènes de l’évangile, une seule concernait une femme, la syro-phénicienne, parce que c’était l’évangile du jour, elle devait insister pour se faire entendre de Jésus. La place des femmes dans l’évangile est un sujet plus important que leur place dans l’Eglise. La question dans la vie est de savoir si c’est en tant que femmes, en raison de leur sexe, qu’elles sont mal traitées, ou s’il s’agit d’abus par nature aveugles, qui frappent les hommes comme les femmes. Dans le cas, atroce, de violences conjugales, la part non négligeable d’hommes battus montre que ce n’est pas en tant que femme ou homme que l’un des deux est frappé mais parce que les êtres humains ont en eux une violence animale.

Quels sont les personnages de l’évangile, y compris des paraboles, qui sont des hommes dont vous diriez : une femme n’aurait pas fait ça ? Posez-vous la question des scènes où vous diriez : une femme n’aurait pas fait ça ?
Oui, il y a davantage d’hommes – mâles que de femmes dans l’évangile à cause du contexte social, mais aussi parce l’enseignement du Christ porte davantage sur l’argent que sur le sexe. Le renvoi aux publicains et aux prostituées dans l’évangile de ce dimanche est à cet égard très significatif, qui renvoie à deux types de dévoiement de l’argent parmi tant d’autres, et qui concerne autant les femmes que les hommes.

Je me suis demandé, si j’avais à faire une série du chapelet sur des mystères féminins, quelles seraient les cinq femmes de l’évangile que je choisirais, mise à part la Vierge Marie que Dieu lui-même a mise à part.

La 1èreserait Elisabeth au début de l’évangile de saint Luc. Elle fait le lien avec les saintes femmes de l’Ancien Testament : comparez avec la mère de Samson au Livre des Juges, dont le mari, Manoa, ressemble beaucoup à Zacharie. Quand Manoa vit que c’était un ange du Seigneur qui leur avait parlé, il se mit à pleurnicher : nous allons mourir ! Sa femme répond pleine de bon sens : si nous devions mourir, nous serions déjà morts (Jg 13, 23). Voyez comment Elisabeth, à la naissance de Jean-Baptiste, s’oppose à tout le village, tous voulaient l’appeler Zacharie comme son père. Non, il s’appellera Jean. Quelle femme ! Quelle force, quelle trempe.

La 2èmefemme serait la Samaritaine que Jésus rencontre au bord du puits de Jacob, avec toute la symbolique du puits dans l’Ancien Testament, symbole de vie et de profondeur. Elle est étonnante d’insolence, et je rappelle que les auditeurs de Jésus le traitent à un moment de ‘Samaritain’, ce qui est pour eux une injure : « N’avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon ? » (Jn 8, 48). Jésus aurait pu les prévenir : les Samaritains vous précèderont dans le royaume de Dieu.

La 3èmefemme de l’évangile serait Marie sœur de Marthe, dont l’onction à Béthanie est une des plus belles scènes de l’évangile. La scène a été dédoublée ou transposée par saint Luc à un repas chez un Pharisien où une pécheresse vient baigner de ses larmes et de parfum les pieds de Jésus. Le Pharisien est indigné : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse » (Lc 7, 39) – entendez : qui ne va pas à la messe, qui ne respecte pas le sabbat. Comparez cette scène avec la parabole de ce dimanche : le fils qui dit Oui et qui n’y va pas, c’est le Pharisien qui dit Oui à la Loi, mais qui ne va pas aux autres. La femme est pécheresse : elle a dit Non au Culte, à la Loi, à la pratique religieuse, mais elle se convertit en découvrant l’humanité de Jésus.

La 4èmefemme serait la femme hémorroïsse dont l’évangéliste dit qu’elle avait souffert de tant de médecins, perdu son argent sans gagner en santé (Mc 5, 26). Sa guérison est enchâssée dans un récit de résurrection de la fille d’un chef de synagogue. La femme s’approche en cachette de Jésus pour toucher la frange de son manteau car elle se disait en elle-même : « Si seulement je touche son manteau, je serai sauvée ». Jésus se retournant la vit et lui dit : « Aie confiance, ma fille, ta foi t’a sauvée » (Mt 9, 22). Ta vie intérieure t’a sauvée. Pour nombre de mystiques, la femme est le symbole de la vie intérieure.

La 5èmefemme serait la femme adultère que les scribes et les pharisiens amènent à Jésus et placent au milieu, au vu de tous : « Maître, dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Toi donc, que dis-tu ? » (Jn 8, 5). « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! ». Ce n’est pas très différent que de dire aux grands prêtres que les publicains et les prostituées les précèdent dans le royaume de Dieu !

Il n’y a pas beaucoup de femmes dans l’évangile mais ces cinq-là : Elisabeth la mère de Jean-Baptiste, la Samaritaine, Marie à Béthanie, la femme hémorroïsse, et la femme adultère, sont de beaux exemples de liberté – aucune en tout cas n’est une figure de soumission. Si moi homme, mâle, je me reconnais en chacune d’elles, n’est-ce pas pour ce qu’elles nous disent de notre relation à Dieu, de notre rencontre du Christ, de notre vie dans l’Esprit. Elles nous montrent qu’il faut parfois comme le premier fils de la parabole s’opposer aux contraintes extérieures pour découvrir sa liberté intérieure. C’est le même mystère que celui de la femme et de la liberté. Partout où des femmes sont mal traitées, la liberté est étouffée, y compris dans l’Eglise.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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