25ème dimanche du temps ordinaire - 20 septembre 2020

Mt 20, 1-16

 

Le dimanche ici vous trouvez assis sur les marches Larbi, mendiant souriant et sympathique. Il a balayé le parvis malgré un bras atrophié, ramassé les feuilles mortes dans les escaliers avec la main. Il ne peut pas travailler parce qu’il n’a pas de papiers ; et il a besoin de papiers pour ne plus avoir besoin de travailler et toucher une pension d’invalidité.
En semaine le matin il y a Bruno qui me suit depuis des années. Il a occupé un emploi pendant six mois quand il avait vingt ans et il vit dans la rue depuis, depuis plus de trente ans. Il ne supporte aucune contrainte, aucune autorité. Il s’occupe du jardin, il rend des services, à durée limitée.
Très curieusement dans cette parabole, il n’est pas question de ceux qui ne veulent pas ou ne veulent plus travailler.
Attachons-nous à ces hommes qui sont là, sur la place, dehors, sans rien faire. Ceux qui ont été embauchés auraient-ils préféré qu’on les laisse ainsi, sans ressources ni contribution ? La dignité de l’homme est dans le travail. La consigne est donnée par saint Paul : « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 16).

Avant d’entreprendre sa mission et d’appeler à la conversion, Jésus a travaillé avec Joseph ; à l’époque on ne choisissait pas son travail. Ensuite il a appelé auprès de lui des pêcheurs du bord du lac, Pierre et André son frère, Jacques et Jean leurs compagnons, un collecteur d’impôts, Matthieu. Luc était médecin. Paul réparait les toiles de tentes. Ils avaient une expérience autre que familiale de l’obéissance et du commandement. Ils avaient l’expérience de la précarité : nul n’était sûr de pouvoir manger. Ils n’en perdaient pas moins leur liberté comme on voit dans cette parabole les ouvriers qui protestent et le Maître les recadrer sans les menacer. Il aurait pu dire : ‘Taisez-vous si vous voulez que je vous embauche la prochaine fois’. Dans l’évangile, Jésus menace les esprits mauvais, il menace les éléments déchaînés, il ne menace jamais les personnes : il respecte leur liberté. Quelle différence faites-vous entre une menace et un avertissement ? Le respect de la liberté, l’exercice de la responsabilité : le temps laissé à la réflexion et à la conversion.
Dieu nous a donné la liberté de nous exprimer, de contester – les décisions, les autorités, à partir du moment où on participe, une fois le travail urgent effectué. La critique ici ne vient pas de quelques idéologues ou docteurs de la Loi : elle vient des ouvriers – et elle est faite en fin de journée, qui n’avaient pas râlé quand les autres les avaient rejoints pour travailler.

Cette parabole est une parabole sur la foi. De même qu’à l’image du Maître c’est le rôle des autorités de s’occuper de ceux qui ne travaillent pas – pour ne pas les laisser sans rien faire –, de même c’est, à la suite du Christ, le rôle de l’Eglise et de nos communautés de s’occuper de ceux qui ne croient pas – pour ne laisser personne sans rien croire.
De même que le Maître est sorti et a mis au travail ceux qui étaient là sans rien faire, non pour faire une aumône et encore moins la morale, de même le Christ est sorti de Dieu et venu dans le monde et il a établi son Eglise pour montrer le chemin du Salut, non pour châtier les impies mais pour les associer à son œuvre. Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Si quelqu’un ne veut pas croire, qu’il n’espère pas être sauvé.

Les premiers ouvriers espéraient une contrepartie au fait d’avoir travaillé davantage que les autres. Que dit le Christ et l’évangile ?
« Vous aussi quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir’ ». Simples serviteurs, serviteurs de la simplicité. Ce n’est pas un hasard si cette leçon que nous entendions en octobre dernier (6.10.19) commence par la demande des Apôtres : « Augmente en nous la foi ! » (Lc 17, 5-10).

La parabole des ouvriers de la dernière heure est une parabole sur la foi où la pièce d’argent représente l’hostie consacrée, le Corps du Christ, la même hostie pour tous ceux qui croient, la même pièce pour tous ceux qui ont travaillé. ‘Ce n’est pas juste parce qu’il y en a qui ne peuvent pas communier !’. Ce qui n’est pas juste – n’est-ce pas qu’il y en ait que personne n’aille chercher ? Qui restent dehors sans rien croire, comme d’autres sans rien faire ?

La logique veut que ceux qui travaillent davantage soient davantage rémunérés mais la justice est d’aller chercher ceux qui sont en mesure de travailler, que personne ne reste sans rien faire. J’espère que vous avez frémi en entendant l’expression horrible des premiers : « tu les traites à l’égal de nous ! ».
Je me souviens d’une grand-mère despotique que je faisais pleurer quand elle était odieuse avec sa fille et que je lui demandais : « Est-ce que vous la considérez comme votre égale ? ».
Quand vous verrez Larbi en sortant, ou Bruno un matin, posez-vous la question : « Est-ce que vous le considérez comme votre égal ? ». Il est pauvre, il est étranger, il est handicapé : est-ce qu’il est à égalité ?

A l’homme qui croit parler de justice quand il défend ses propres intérêts, Dieu montre ce qu’est l’amour et la bonté. Le commandement de l’amour est de traiter à égalité. Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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