1er dimanche de l'Avent - 29 novembre 2020

Mc 13, 33-37

 

Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez !

L’autorité de Jésus est le premier trait par lequel il se fait connaître dans l’évangile de saint Marc. Dès l’appel des premiers disciples, où l’ordre de le suivre est aussi bref qu’efficace. Jésus leur dit : « Venez à ma suite » et aussitôt ils le suivent. Ils entrent dans la synagogue de Capharnaüm, et là « ils étaient frappés par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes » (Mc 1, 22). Jésus n’était pas scribe mais charpentier : il a travaillé de ses mains, il est attentif aux choses matérielles, et spirituelles : il délivre un possédé. Ils sont stupéfaitset se demandent : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent » (Mc 1, 27). C’est un enseignement spirituel, avant d’être moral.

Son autorité est d’autant plus forte qu’il est humble, qu’il va laver les pieds de ses disciples et leur dire ensuite : « Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis » (Jn 13, 13). Seigneur, Dominusen latin a donné dominical, le Dimanche où nous venons à la Messe apprendre à écouter et ne pas tout maîtriser.

L’autorité pour s’exercer doit s’expliquer. Et les deux verbes à l’impératif : Prenez garde ! Restez éveillés ! sont suivis d’un enseignement sous forme de parabole qui porte sur un aspect essentiel de l’autorité : la répartition des tâches.
Le maître de maison, l’autorité locale, partant en voyage, délègue son pouvoir à ses serviteurs, chacun dans le domaine qui est le sien. Il fixe à chacun son travail. Il demande au portier de veiller. Ah, si chacun pouvait être conscient de ses responsabilités ! Ah si chacun pouvait se concentrer sur son travail plutôt que de traîner, de dormir ou pire : de commenter et critiquer la façon de faire des autres. A la fin de l’évangile de saint Jean, Pierre, voyant le disciple que Jésus aimait, dit à Jésus : « Seigneur, et lui ? » (Jn 21, 21). Jésus lui répond : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Est-ce là ton affaire ? Toi, suis-moi. ».

Quel bon rappel que ces derniers mots de Jésus : « Est-ce là ton affaire ? Toi, suis-moi » !

Le départ du Maître est l’occasion de responsabiliser de façon nouvelle ses serviteurs. S’éclaire ainsi la parole de Jésus au Dernier repas : il vaut mieux pour vous que je m’en aille (Jn 16, 7) pour que vous receviez l’Esprit-Saint car si je ne pars pas l’Esprit-Saint ne sera pas en vous pour vous guider. Le don de l’Esprit vient intérioriser notre relation au Seigneur. C’est ce qui se passe à la Messe où, en communiant au Corps du Christ, nous recevons la force de l’Esprit. Le Christ vit en moi, par la force des sacrements et le don de son Esprit.

Un autre avantage au départ du Maître est de réduire les phénomènes de cour auxquels aucune société n’échappe, quand s’agglutinent autour du chef tous les courtisans possibles. Assez tôt dans l’évangile, assez vite dans leur formation, Jésus a envoyé ses disciples au-devant de lui, pour leur apprendre à faire sans lui, pour lui mais sans lui, à agir en son nom.
Il leur a appris à ne pas rester scotchés comme des courtisans. Il avait d’ailleurs choisi des travailleurs disposant d’expérience et d’autonomie, soucieux de résultats à obtenir. Quant à leurs disputes entre eux, elles existaient déjà en sa présence.

On prétend que nous vivons une crise de l’autorité (ou de l’obéissance – tout dépend de quel côté on se place). Pour passer mes journées avec Jésus, je ne le crois pas. Nous ne vivons pas une crise de l’autorité : nous vivons une crise de la cohérence, qui est le reproche que Jésus fait aux Pharisiens et à tous ceux qui ont reçu la Loi de Dieu : ils disent et ne font pas. Saint Jacques, dans le Nouveau Testament, en donne une image remarquable : « Celui qui écoute la Parole sans la mettre en pratique est comparable à un homme qui observe dans un miroir son visage tel qu’il est, et qui, aussitôt après, s’en va en oubliant comment il était ! » (Jc 1, 23-24).« Au contraire, celui qui l’écoute pour la mettre en pratique, y trouvera son bonheur ; il sera heureux d’agir ainsi ». Il trouvera son bonheur en pratiquant.

Juste après l’expulsion des vendeurs du Temple, les grands prêtres, les scribes et les anciens viennent trouver Jésus et lui demandent : « Par quelle autorité fais-tu cela ? Qui t’a donné cette autorité pour le faire ? » (Mc 11, 28). Sa réponse est géniale, qui met en évidence toute leur incohérence : « Je vais vous poser une seule question. Répondez-moi et je vous dirai par quelle autorité je fais cela. Le baptême de Jean était-il du Ciel ou des hommes ? Répondez-moi ». Ils se faisaient ce raisonnement : « Si nous disons : “Du ciel”, il va dire : “Pourquoi donc n’avez-vous pas cru à sa parole ?”. Mais allons-nous dire : “Des hommes” ? » Ils avaient peur de la foule, car tout le monde considérait Jean comme un prophète. Ils répondent : « Nous ne savons pas ! ». Jésus leur dit : « Moi non plus, je ne vous dirai pas par quelle autorité je fais cela »(Mc 11, 33).

Quand est-ce que nous, dans l’Eglise, prêtres, évêques, laïcs, quand est-ce que nous devenons ‘autoritaires’ ?

Quand nous prétendons savoir ce qui est bon pour l’autre et que nous lui imposons sans faire appel à sa responsabilité. Quand nous sortons du cadre de notre mission, que nous intervenons de façon abusive et intrusive sur des sujets de vie privée, en cherchant à culpabiliser. Quand nous donnons des directives contradictoires qui rendent l’obéissance impossible. Quand nous ne pratiquons pas ce que nous croyons, quand nous n’appliquons pas la règle d’or qui est de faire aux autres ce que nous voudrions qu’ils fassent pour nous. Quand, au plus profond, nous ne respectons pas la liberté intérieure de l’autre.

D’où vient l’autorité de Jésus ? De l’unité absolue de son être. En lui, aucune contradiction, aucune incohérence. Il remplit les deux critères pour que nous puissions obéir avec joie et enthousiasme : il veut notre bonheur et respecte notre liberté.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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