2ème dimanche de Pâques - 8 avril 2018 Dimanche de la Miséricorde

Jn 20, 19-31

 

Les récits de la Résurrection ont trois caractéristiques : primo, Jésus ressuscité revient auprès des disciples qui l’avaient abandonné. Cela s’appelle la Miséricorde et c’est ce dont nous allons parler. Les disciples ont du mal à le reconnaître, et c’est normal : il est Ressuscité ! Non pas revenu à la vie : vivant pour l’éternité. Enfin, il mange avec eux, alors qu’il n’en a pas besoin, il n’en a plus besoin puisqu’il est libéré des contraintes de l’espace et du temps : le corps ressuscité est un corps spiritualisé dont l’énergie est spirituelle. Nous verrons cela un autre jour ; concentrons-nous sur son retour auprès de disciples qui l’avaient abandonné.

Les disciples s’étaient tous enfuis au moment de l’arrestation de Jésus. Tous sauf un ou deux : Pierre un peu après, après le reniement. Seul est resté jusqu’au au pied de la Croix le disciple que Jésus aimait, avec la mère de Jésus et quelques femmes.

Ils se sont tous enfuis et ils en veulent forcément à Jésus. Ils ne sont pas loin de penser que c’est Dieu qui les avait abandonnés. « Si ton frère a quelque grief contre toi, va d’abord te réconcilier avec lui » : le Christ met en œuvre ce qu’il a enseigné. Il vient apaiser le cœur de ses disciples : « La paix soit avec vous ! ». Et aussi étrange cela puisse-t-il paraître, non seulement il revient auprès d’eux mais il renouvelle sa confiance : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ».

Jésus ne leur en veut pas. Il n’existe pas de rancune en Dieu. « L’amour ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune » (1 Co 13, 6). Dieu tient d’autant moins rancune qu’il sait tout, de toute éternité, et Jésus sait ce qu’il y a dans l’homme (Jn 2, 25).

Il l’avait lui-même annoncé à ses apôtres, à la fin du dernier repas, après avoir chanté les psaumes, quand ils étaient partis pour le mont des Oliviers : « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées » (Mc 14, 27). Et tous avaient juré, Pierre en premier : « Dussé-je mourir avec toi, je ne te renierai pas » (Mc 14, 31). Tous en avaient dit autant. Et ils s’étaient tous enfuis.

Jésus ressuscité vient pardonner ce péché à ses disciples qui l’avaient abandonné. Il n’existe aucun péché qui ne puisse être pardonné, sauf le péché contre l’Esprit qui n’est autre que la possibilité du pardon. « À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis » : à qui ? D’abord à vous qui m’avez abandonné, pour que jamais vous ne le reprochiez à ceux qui viendront s’en confesser.

Et donc Thomas n’était pas là.

Au dernier repas, Jésus avait dit : « Vous êtes purs, mais non pas tous », sauf Judas. Au moment de l’arrestation, ils s’étaient tous enfuis, sauf le disciple que Jésus aimait. Et après la mort de Jésus, ils étaient tous ensemble, sauf Thomas. Dans la vie il n’y a que des exceptions.

Dieu n’a pas peur des exceptions : nous sommes tous pour Lui exceptionnels, uniques, aimés. Méfiez-vous de ceux qui disent : ‘je ne veux pas faire d’exception’ – ce n’est pas catholique. D’ailleurs dans l’Eglise il y a très peu de lois qui n’aient pas de dispenses.

Est-ce que Thomas était absent parce qu’il en voulait à Jésus de les avoir abandonnés ? Nous ne le saurons jamais. Même au Ciel, nous ne saurons pas pourquoi Thomas n’était pas là. Nous ne saurons rien de ce qui aura été pardonné aux autres, et les autres ne sauront rien de ce qui nous aura été pardonné, que Dieu seul connaît.
Il n’était pas là mais il est revenu. Il est revenu quand les autres lui ont dit : « Nous avons vu le Seigneur ! ». Ce qu’il dit (sa réaction dubitative : ‘si je ne vois pas’ etc.) est secondaire au regard de ce qu’il fait : il vient voir.

Je crois à la Résurrection parce que des personnes dignes de foi m’ont transmis le témoignage des Apôtres : « Nous avons vu le Seigneur ! ». Je crois à cette transmission ininterrompue depuis vingt siècles, la succession apostolique, continue par les successeurs des apôtres de génération en génération des pouvoirs reçus du Christ ressuscité. En tant que prêtre, je suis parfois étonné de la déférence qui m’est accordée, des attentions qui me sont prodiguées – jusqu’à ce que mon ange gardien me souffle à l’oreille que je suis le représentant d’un successeur des Apôtres.

Certains d’entre vous ont connu des passages à vide où vous aviez ‘perdu la foi’ ou pas loin. Dans certains cas, il y avait de quoi. C’était légitime. Il y a des situations où on a le droit de perdre confiance en Dieu. Combien de fois ai-je dit à des personnes traumatisées, qui ne pouvaient plus prier, plus venir à la messe, qu’elles avaient le droit. Ne demandez pas à des personnes en pleine souffrance de continuer à venir à la messe quand elles ne peuvent plus. Thomas est revenu parce que les autres Apôtres avaient vécu la même chose que lui : ils étaient à égalité de malheur.

Dans d’autres cas, le problème vient d’un affaiblissement du cœur. J’aime cette expression du Pape François qui l’a employée pour le roi Salomon, pour expliquer la différence entre Salomon et David : Salomon était grand et sage, ne faisait pas de gros péchés, et fut rejeté par le Seigneur alors que son père David le bien-aimé de Dieu était un grand pécheur. Salomon, dont tout le monde parlait en bien, s’était éloigné du Seigneur pour suivre d’autres dieux, sans s’en rendre compte : c’est l’affaiblissement du cœur. Quand le cœur commence à s’affaiblir, ce n’est pas comme une situation de péché : tu fais un péché, tu t’en rends compte : “j’ai fait ce péché”, c’est clair. L’affaiblissement du cœur est un lent chemin, une lente dérive. Salomon endormi dans sa gloire, sa réputation, son confort, a fini corrompu, tranquillement corrompu parce que son cœur s’était affaibli. C’est le processus de nombreux chrétiens disait le Pape : “Non, moi je ne fais pas de gros péchés…” Mais ton cœur il est comment ? Il est fort ? Il demeure avec le Seigneur, ou tu dérives lentement ?

Ce dimanche de la Miséricorde donne deux clés du réveil, pour se ressaisir. La première est la parole des Apôtres : ‘Nous avons vu le Seigneur !’. Elle permet à Thomas de retrouver Jésus : « Avance ton doigt et vois mes mains » – autrement dit, va jusqu’au bout de ta pensée. Tu as le droit de douter. Mais va jusqu’au bout, non pas de tes doutes, mais de ta pensée. Approche-toi, touche, choisis.

Jésus ressuscité est apparu aux disciples qui l’avaient abandonné : la Miséricorde est fidélité.
Jésus ressuscité s’adresse personnellement à Thomas : la Miséricorde est proximité.
Le résultat est lumineux : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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