3ème dimanche de Pâques - 15 avril 2018

Lc 24, 35-48

 

On peut dire de Jésus qu’il est venu remettre les choses dans l’ordre : l’ordre divin, l’ordre naturel qui n’est pas celui de la nature, plutôt de la Création avant la Chute. L’ordre naturel des choses est une notion théologique, de même que la loi naturelle n’est pas celle de la nature mais « la participation de la créature raisonnable à la loi éternelle ».
Remettre les choses dans l’ordre consiste à mettre Dieu en premier et donc à s’occuper des personnes bouleversées, ici les disciples qui voient le Ressuscité. « Dans l’épaisse forêt de préceptes et de prescriptions, Jésus ouvre une brèche qui permet de distinguer deux visages : celui du Père et celui du frère. Car en chaque frère, spécialement le plus petit, fragile, sans défense et en celui qui est dans le besoin, se trouve présente l’image même de Dieu » (Gaudete et exsultate, n. 61). En Jésus ressuscité, leur apparaît le Dieu vivant et vrai.

La ‘preuve’ que Jésus est venu remettre les choses dans l’ordre est l’accusation portée contre lui pour le condamner à mort : « Nous avons trouvé cet homme en train de semer le trouble dans notre nation : il empêche de payer l’impôt à l’empereur et il dit qu’il est le Christ, le Roi » (Lc 23, 2). Jésus a été exécuté comme fauteur de troubles, au lieu de l’émeutier Barabbas, et cette accusation se poursuit dans tous les pays où les Chrétiens sont persécutés pour atteinte à l’ordre public : ce sont des révolutionnaires qui prétendent qu’il faut partager les richesses, protéger les plus faibles, ne pas vivre que pour soi.

L’ordre naturel des choses est que les parents meurent avant les enfants, les plus âgés avant les plus jeunes. L’ordre naturel des choses est que l’homme et la femme se marient, aient des enfants et vivent heureux longtemps. L’ordre naturel des choses fait de la famille la cellule de base de la société, non pas ‘un des piliers’ mais le pilier. L’ordre naturel des choses est que les enfants soient respectueux de leurs parents, les jeunes des anciens, les étrangers du pays qui les accueille. L’ordre naturel des choses respecte l’ancienneté, l’hospitalité et l’histoire. C’est affaire de justice. Et il n’en est pas toujours ainsi.
La justice veut que le méchant soit puni, le bon récompensé, un des deux larrons crucifiés avec Jésus l’a dit de façon remarquable : « Pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal » (Lc 23, 41). La promesse de Dieu est que justice sera créée comme dans la parabole du mauvais riche qui, ayant laissé mourir le pauvre Lazare, se retrouve seul dans les tourments. C’est justice.

Jésus est venu remettre les choses dans l’ordre, et, à sa résurrection et à ses disciples bouleversés, il fait trois rappels qui peuvent nous être très utiles.

Le premier concerne la personne humaine, âme, corps et esprit. Jésus ressuscité est présent physiquement au milieu d’eux. Ils le voient et l’entendent : « La paix soit avec vous ». Ils sont si bouleversés qu’ils croient voir un esprit. « Touchez-moi, regardez » dit Jésus : que vos émotions ne contredisent pas vos perceptions. L’ordre naturel des choses veut que vous confrontiez vos émotions à la réalité, que vous vérifiez leur concordance. Ce qu’il a été justement impossible de trouver contre Jésus quand ses ennemis cherchaient un témoignage pour le faire mettre à mort et ils n’en trouvaient pas : beaucoup portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient pas (Mc 14, 56).
A contrario, les témoignages de ceux qui ont vu Jésus ressuscité concordent. Remettre les choses dans l’ordre signifie confronter nos perceptions et nos émotions : s’assurer qu’elles concordent et qu’elles contribuent à la concorde entre nous. La paix soit entre vous.

La deuxième leçon concerne les informations qui nous sont données, les connaissances dont nous disposons. Le Ressuscité était apparu aux deux disciples sur le chemin d’Emmaüs qui étaient ensuite rentrés le raconter aux onze Apôtres et leurs compagnons. Jésus est à nouveau présent, pour ouvrir leur intelligence à la compréhension des Écritures, leur interpréter à partir de Moïse et de tous les Prophètes, ce qui le concernait (cf. Lc 24, 27). Pourquoi ? Pour que nous fassions de même, pour que nous retournions à lui, à la Parole de Dieu, à l’écoute personnelle dans la prière. Chacun de nous a droit et a besoin de ce lien personnel avec Dieu. « Toi aussi, demande à l’Esprit ce que Jésus attend de toi à chaque moment de ton existence et dans chaque choix que tu dois faire » (Gaudete et exsultate, n. 22-23).

Troisième instruction : Jésus ressuscité est apparu à ses seuls disciples et les a envoyés porter l’Evangile à toutes les Nations. « Celui qu’ils ont supprimé, dira l’Apôtre Pierre, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 41). L’ordre naturel des choses est que nous vivions des relations intenses, profondes et fidèles avec un petit nombre de personnes, en étant ouverts au plus grand nombre, prêts à partager, communiquer ce que nous avons de meilleur. Nous ne sommes pas faits pour vivre avec tout le monde ni avec n’importe qui : catholique signifie universel quand cela reste humain. Dans la maison de mon Père dit Jésus, il y a beaucoup de demeures : nous n’y serons pas pêle-mêle ni mélangés n’importe comment, ni brassés en dépit du bon sens, mais respectés dans nos goûts, nos traditions, nos relations.

Vous voyez l’actualité de ces trois instructions, sur le contrôle de nos émotions, la vérification des informations dont nous disposons, et le nombre de relations que nous pouvons entretenir et développer. Nous ne sommes pas faits pour vivre avec tout le monde.

Jésus ressuscité mange avec ses disciples alors qu’il n’en a pas besoin. Eux, si. Les disciples ont besoin de le voir manger pour être sûrs que ce n’est pas un esprit. Il y a beaucoup de choses que nous faisons parce que les autres en ont besoin, qui devraient nous aider à sortir d’une vision individuelle et étriquée du besoin humain. Il y a beaucoup de choses que nous faisons parce que les autres en ont besoin, à commencer par travailler, et tout ce qui nous fait participer à la vie sociale. Tous ceux qui sont en âge et en capacité de travailler le font pour ceux qui ne le peuvent pas, enfants, personnes âgées, personnes malades, handicapées. Remettre les choses dans l’ordre signifie comprendre que les besoins des autres sont au moins aussi importants que les nôtres. Dans l’époque troublée où nous vivons, il est bon de rappeler que la liberté est inséparable de la charité. Notre liberté ne s’arrête pas là où celle des autres commence : notre liberté commence quand nous agissons par amour.

En demandant à ses disciples s’ils ont quelque chose à manger, Jésus montre l’humilité de Dieu qui n’a pas besoin de ce que nous pouvons lui donner, du temps que nous prenons pour lui, de notre attention ni de la priorité, ni de l’argent que vous pouvez donner. C’est nous qui avons besoin d’apprendre à donner de façon désintéressée. L’ordre dans lequel Jésus est venu remettre les choses – est l’ordre de la grâce, où l’amour est premier.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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