4ème dimanche de Pâques - 22 avril 2018

Jn 10, 11-18

 

Verra-t-on un jour des femmes prêtres dans l’Eglise catholique ?

La question n’est pas celle-là. La question est : que fera l’Eglise quand le législateur lui imposera la parité, l’obligera à ouvrir sa hiérarchie – exclusivement masculine – aux femmes pour faire cesser cette discrimination ? Cette perspective n’est pas absurde, qui se rapproche dans un monde sans convictions perméable à toutes les revendications. L’Eglise fera alors ce qu’elle a toujours fait face aux contraintes abusives : elle entrera dans la clandestinité. Et ce sera le plus grand service qu’on pourra lui rendre pour ses vocations sacerdotales et religieuses : il n’y a rien de pire pour l’engagement et les vocations que le ventre mou dans lequel nous vivons.

Le bon pasteur est celui, dit Jésus, qui donne sa vie pour ses brebis. Moi, dit Jésus, je suis le bon pasteur : je donne ma vie pour mes brebis. Voici pourquoi le Père m’aime, dit Jésus : parce que je donne ma vie.
L’expression est employée trois fois, sachant qu’il ne s’agit pas de donner sa vie pour une cause, mais pour des êtres vivants, vulnérables, des brebis en qui chacun peut reconnaître les plus petits de nos frères : “ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait” (Mt 25, 40). Au moment de sa Passion, Jésus dit à ceux qui viennent l’arrêter : « Si c’est bien moi que vous cherchez, ceux-là (ses disciples), laissez-les partir. Ainsi s’accomplissait la parole qu’il avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés » (Jn 18, 8-9).
Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.
Encore faut-il ajouter une deuxième précision aussi importante que la première : non seulement il ne s’agit pas de donner sa vie pour une cause mais pour des personnes, mais il s’agit de donner sa vie pour donner la vie. En plénitude.

Ainsi s’harmonisent deux principes complémentaires, comparables au féminin et au masculin, au Yin et au Yang, à savoir : donner la vie et donner sa vie. En Jésus Christ qui donne sa vie, réside la plénitude de l’Esprit qui donne la vie.

Aux personnes qui me demandent pourquoi les prêtres catholiques sont exclusivement des hommes, je réponds que c’est le principe masculin de donner sa vie par différence avec le principe féminin de donner la vie. Cela n’empêche pas les femmes de donner leur vie, y compris héroïquement comme sainte Jeanne d’Arc, les vierges et les martyres, ni les hommes de donner la vie comme je le fais à chaque baptême, et chaque fois que je donne la communion. De toutes façons, aucun ne fait rien sans l’autre : ni Jésus sans l’Esprit, ni l’Esprit sans Jésus.

La confusion contemporaine vient d’une image erronément masculine du Père. Je rappelle le Catéchisme : « en désignant Dieu du nom de « Père », le langage de la foi indique que Dieu est origine première de tout (autorité transcendante) et qu’il est en même temps bonté et tendresse pour ses enfants » : Il est Pasteur et Il est Bonté. « Cette tendresse de Dieu peut aussi être exprimée par l’image de la maternité qui indique davantage l’intimité entre Dieu et sa créature.
Dieu transcende la distinction des sexes. Il n’est ni homme, ni femme, il est Dieu. Il transcende aussi la paternité et la maternité humaines, tout en en étant l’origine et la mesure : Personne n’est père comme Dieu » (CEC 239).

Voilà pourquoi le titre de Pasteur symbole d’autorité ne peut être disjoint de l’adjectif Bon et plein de tendresse. Ces traits ne sont pas discriminants : je connais autant de femmes d’autorité que d’hommes de bonté. “Combien de fois, dit Jésus en pleurant sur Jérusalem, j’ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu !” (Lc 13, 34). Jésus s’est comparé à la poule qui rassemble ses poussins !
Je le dis souvent aux hommes qui ne parlent pas à leur femme, aux hommes à qui la femme reproche de ne pas parler, de ne pas s’exprimer, communiquer : ce n’est pas en cachant votre fragilité, en taisant vos émotions, vos inquiétudes, en roulant des mécaniques et en jouant le fort que vous rassurerez votre femme, dans la durée. De tels couples reposent sur un marché de dupes quand l’homme joue la force et la femme la faiblesse. C’est du cinéma. Dans l’évangile, Jésus pleure, et Marie est au pied de la Croix.

Je voudrais vous livrer deux réflexions sur les trois missions de l’Evêque : diriger (mission de gouvernement), protéger (mission d’enseignement) et conforter (mission de sanctification).

Le Pasteur a pour mission de conduire et garder (les deux vont ensemble) les brebis qui lui sont confiées, de veiller sur elles, de n’en perdre aucune. « La volonté du Père qui m’a envoyé est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés mais que je les ressuscite au dernier jour » (Jn 6, 39). N’avoir perdu « aucun de ceux que le Père lui a donnés » est un grand motif d’action de grâce de Jésus au moment de donner sa vie, dans la grande prière sacerdotale du chapitre 17 de saint Jean, qu’on entendra à la fin du Temps pascal, au dernier dimanche avant la Pentecôte : « Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte – » (Jn 17, 12). Nous sommes pour Jésus des dons du Père : le Père nous donne à lui en nous donnant son Fils. Merveilleux échange. Aimez-vous les uns les autres signifie : accueillez-vous mutuellement comme des dons de Dieu, donnés par Dieu. C’est pourquoi la meilleure façon de protéger quelqu’un est de restaurer son lien à Dieu notre Père. Parents, si vous voulez protéger vos enfants, apprenez-leur à prier ‘Notre Père’, concentrez-vous sur ce qui les rattache à Dieu.

Et ne vous trompez pas sur la consolation que vous pouvez leur apporter dans la détresse. Il y a une tentation humaine qui cherche moins à consoler qu’à ‘passer à autre chose’ ou ‘changer les idées’. Un peu quand on dit ‘arrête de pleurer’, non parce qu’il n’y a pas de motif suffisant mais parce que ça fait mal de voir souffrir la personne qu’on aime, et plus égoïstement parce que ça dérange. « Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et elle ne veut pas être consolée » (Mt 2, 18). Elle ne veut pas ? Au jour de Pâques, le Christ ressuscité, et les Anges ne disent pas à Marie-Madeleine : ne pleure pas, ou ne pleure plus. Mais : Pourquoi pleures-tu ? Une femme racontait cette étape cruciale de sa vie alors qu’elle avait perdu la personne qu’elle aimait le plus : « rien, disait-elle, rien ni personne ne pouvait me consoler. Mais j’ai trouvé dans l’Eglise un soutien ». C’est la raison d’être de nos Crucifix, des Croix exposées : nous ne voulons pas cacher la douleur. Nous ne disons à personne : ne pleure pas, ni arrête de pleurer. Nous pleurons avec ceux qui pleurent, ce qui est le propre de la compassion, et la condition de la consolation. Il ne peut pas y avoir consolation s’il n’y a pas compassion. A la mort de Jésus, au Samedi saint, la Vierge Marie était chez le disciple que Jésus aimait : il l’avait reçue au pied de la Croix, pour qu’il la protège : « et à partir de ce moment-là, il la prit chez lui », modèle de l’Eglise qui protège, et de la Vierge Marie notre mère, qui donne tendresse et consolation.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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