Saint Jour de Pâques - 1er avril 2018

Jn 20, 1-9

 

L’évangile de ce Jour de Pâques dit que « jusque-là les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 9). Plus exactement, les disciples n’avaient pas compris qu’il fallait que le Christ – le Christ, pas Jésus ! ressuscite d’entre les morts – s’il est vraiment le Christ : Christ et Ressuscité sont synonymes. Crois-tu au Christ ? signifie : est-ce que tu crois à la Résurrection, la sienne et la tienne ? Et celle de ceux qui nous ont quittés.

Les disciples attendaient le Messie, le Christ. Ils attendaient un libérateur comme l’expriment les deux disciples qui s’en repartaient le même jour vers un village appelé Emmaüs : et nous qui espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël ! Nous qui espérions qu’il serait « la force qui nous sauve dans la maison de David, son serviteur, comme il l’avait dit par la bouche des saints, par ses prophètes, depuis les temps anciens : salut qui nous arrache à l’ennemi, à la main de tous nos oppresseurs, amour qu’il montre envers nos pères, mémoire de son alliance sainte, serment juré à notre père Abraham de nous rendre sans crainte, afin que, délivrés de la main des ennemis, nous le servions dans la justice et la sainteté, en sa présence, tout au long de nos jours ».
Voilà la plus belle synthèse du Messie : la libération de tous les ennemis, de toute oppression, de toute crainte, le rétablissement de l’harmonie originelle, dans la justice et la sainteté, en présence de Dieu et pour toujours. Une mission et un pouvoir royal ! Fils de David en est le titre habituel. Les disciples savaient quelle était la mission du Messie. Et ils l’avaient reconnu de Jésus : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant ! », s’était exclamé Pierre quand Jésus avait demandé : « Pour vous, qui suis-je ? ».

Les disciples savaient ce qu’est la Résurrection : le retour d’entre les morts. Certes le sujet était contesté y compris entre Juifs, mais la notion était parlante et communément employée. Quand Jésus était devenu célèbre, on disait qu’il était Jean-Baptiste « ressuscité d’entre les morts et voilà pourquoi des miracles se réalisent par lui ». Et le roi Hérode qui entendait ces propos disait : « Celui que j’ai fait décapiter, Jean, le voilà qui est ressuscité ! » (Mc 6, 14. 16).

Christ était une figure royale, en revanche qui disait résurrection disait puissance prophétique. C’était le pouvoir reconnu aux prophètes et particulièrement au plus grand d’entre eux, au prophète Élie de pouvoir ressusciter les morts. Et, jusqu’au jour de Pâques, ces deux réalités étaient parallèles : le Messie d’une part, la Résurrection d’autre part. Et les disciples qui avaient reconnu que Jésus était le Christ, « jusque-là n’avaient pas compris » qu’il fallait associer les deux : « il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ». Il fallait, pour être vraiment le Christ, qu’il ressuscite.

Comment l’ont-ils compris ? En voyant les linges posés à plat. On dit : en voyant le tombeau vide. Non, le texte est très précis qui dit pour chacun des deux, d’abord pour le disciple que Jésus aimait, arrivé le premier, qui n’entre pas : « en se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ». Et pour Simon-Pierre qui le suivait et qui entre dans le tombeau : « il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place ».Que sont ces linges ou ces vêtements, et quelle est cette scène qu’ils découvrent ?
Ce ne sont pas les linges d’un mort mais d’un prêtre, et cette scène est une scène liturgique : ils sont dans un sanctuaire. Avec les linges posés à plat comme la nappe sur l’autel.

Autrement dit, selon une formule que nous reprenons à chaque baptême, ils comprennent que le Christ est prêtre, prophète et roi. Roi, ils l’espéraient qu’il le serait, le roi d’Israël, le roi des Juifs, le libérateur. Prophète, ils savaient qu’il l’était, par ses enseignements et ses miracles. Prêtre, ils comprennent alors que c’est lui, le prêtre de la Nouvelle Alliance, le seul habilité à entrer dans le Saint des Saints, et d’en ressortir. Voilà pourquoi nous ne savons pas célébrer la Résurrection autrement que par une messe, autrement qu’en reconnaissant dans le Christ Jésus le Prêtre de la Nouvelle Alliance, le Prophète absolu à qui tous les prophètes rendent témoignage, et le Roi de Gloire, juge des vivants et des morts (cf. la 1ère lecture : Ac 10, 34a.37-43). Prêtres, prophètes et rois, nous le sommes devenus par notre baptême dans la mort et la résurrection du Christ.

Maintenant je voudrais m’adresser à ceux d’entre vous qui êtes venus aujourd’hui à la Messe pour Pâques, qui n’y allez guère le reste du temps. J’avais posé un jour la question à un enterrement : est-ce que ça change quelque chose, au moment de sa mort, d’avoir été non seulement baptisé et confirmé, mais d’avoir été à la messe pendant sa vie ? Qu’est-ce que ça change au moment de la mort d’avoir été croyant et pratiquant, d’avoir été à la messe toute sa vie ? La mort est évidemment la même pour tous, biologiquement : la Bible l’appelle ‘le chemin de tout le monde’. Mais ce qui se passe, spirituellement pour l’âme, au moment de la mort, varie pour chacun, puisqu’il s’agit d’une rencontre personnelle, de notre lien au Christ, de l’accomplissement de ce que nous croyons et que nous aurons mis en pratique. Qu’est-ce que ça change au moment de la mort d’avoir été à la messe pendant sa vie ?

Je ne vous parle pas de la mort des autres où ça donne une force, l’espérance de les revoir, de les retrouver : je ne vous parle pas de la mort des autres, mais de la vôtre. On peut dire comme saint Paul que la mort met fin à une attente, à un suspense d’une certaine façon qui a dirigé notre vie : pouvoir voir enfin de nos yeux celui que nous avons cherché à connaître ! Qu’est-ce que ça change au moment de la mort d’avoir été à la messe toute sa vie ?

Je vous propose 4 réponses, qui sont 4 conditions de notre résurrection.

Le 1er changement vient du fait que le croyant appartient à une communauté plus large que sa famille : le peuple de Dieu, le Corps du Christ. L’un des problèmes que nos sociétés affrontent aujourd’hui est ce sentiment partagé d’électrons libres, de n’appartenir à personne. Ce sentiment postmoderne a des effets multiples, de vulnérabilité, de désespérance, tandis que le croyant sait que, dans sa vie comme dans sa mort, il est porté par la prière et la foi de l’Eglise. Il y a une très belle scène de l’évangile où un paralytique est déposé devant Jésus par quatre hommes qui le font descendre du toit (ne pouvant approcher autrement). Le texte dit que ‘voyant leur foi’, ‘leur’ foi ! Jésus dit à l’homme : tes péchés son pardonnés. Dans notre vie comme dans notre mort, nous sommes portés par la foi de l’Eglise.

Cette parole du Christ, ‘tes péchés son pardonnés’, nous amène à la 2ème raison qui fait que nous commençons nos messes par demander pardon. Apprendre à demander pardon, chacun en sait la difficulté tant la mauvaise foi est une des choses au monde les mieux partagées, personne n’aime reconnaître ses torts. Nous nous confessons au moins une fois par an, avant Pâques, alors que l’Eglise enseigne que les péchés de tous les jours sont absous à chaque messe. Pourquoi ? Si nos péchés de tous les jours sont pardonnés chaque dimanche, pourquoi faut-il en plus une fois par an sacrifier au rituel de la confession ?
Je ne connais pas de meilleure explication que l’exercice d’évacuation en cas d’incendie : vous savez que ça sauve des vies. Eh bien, nous vérifions chaque année que nous sommes capables de demander pardon.

Pourquoi le faire, c’est le 3ème point, pourquoi demander pardon puisque Dieu est Amour ? Est-ce que nous n’irons pas tous au paradis ? Malgré nous ? Obligés ? Sûrement pas. Quelle idée de Dieu on aurait s’il nous forçait à être avec Lui ! Il est le Père du fils prodigue qui attend le retour de l’enfant. Chaque célébration catholique commence par une écoute de la parole de Dieu pour apprendre à connaître et reconnaître la voix du Seigneur. Dans le récit de la résurrection de Lazare, Jésus l’appelle : Viens, sors de ta prison, de tes enfermements ! Pourquoi sort-il, obéit-il ? Il reconnaît sa voix, ainsi que Jésus l’a promis : « Qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, obtient la vie éternelle et il échappe au jugement, car déjà il passe de la mort à la vie. Amen, amen, je vous le dis : l’heure vient où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront » (Jn 5, 25).

Enfin, quatrièmement, le propre de la messe et de la foi est la communion. C’est un beau mot, la communion, dont nous pouvons tous rêver, dont nous croyons que Dieu seul peut la donner, faire l’unité dans l’amour, comme Dieu seul peut pardonner les péchés, nous réconcilier entre nous et avec Lui. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui » (Jn 6, 54.56). Moi qui célèbre la messe tous les jours, je rêve que le sang de Jésus coule un jour dans mes veines, et j’en suis loin.

Ces 4 conditions de la Résurrection se résument en une expression : faire ses Pâques.

Affirmer par sa présence à la messe son appartenance au peuple de Dieu.
Vérifier dans la confession sa capacité à reconnaître ses fautes et demander pardon.
Ecouter la parole du Christ, pour savoir comment il nous appelle à la liberté.
Préférer la communion à toute division. Son corps, le Corps du Christ à notre propre corps.

Quoi de plus beau, mes amis, que la Résurrection ?

Quelle joie de pouvoir ‘faire ses Pâques’ !

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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