Transfiguration du Seigneur - 6 aout 2017

Mt 17, 1-9

Certaines de mes amies femmes ne comprennent pas que deux des trois personnes de la Trinité soient masculines, le Père et le Fils. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique a beau enseigner que Dieu n’est ni homme ni femme (CEC 239), qu’il « transcende la distinction humaine des sexes », comme il « transcende aussi la paternité et la maternité humaines », elles voient que la hiérarchie de l’Eglise est exclusivement masculine et cette phallocratie, plus que misogynie (mais les deux sont-elles différentes ?), les fait douter de la bonté de Dieu. Le fossé se creuse avec le reste de la société où toutes les communautés, institutions et organisations ont ouvert leur hiérarchie aux femmes.

Le récit de la Transfiguration ne fait pas apparaître la moindre femme : Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère ; surviennent deux autres hommes : Moïse et Élie qui s’entretenaient avec lui. Six, ils sont six hommes et pas une seule femme.

Quand on parle des femmes dans l’Eglise, Il est difficile de savoir s’il ne s’agit pas en réalité des laïcs, du peuple de Dieu hors hiérarchie sacramentelle : à la Transfiguration sont présents les trois premiers Apôtres et deux grands Prophètes. Cinq hommes consacrés au service de la Parole de Dieu.

On peut souhaiter une issue positive à l’étude demandée par le Pape François d’instauration d’un ordre des diaconesses, ne serait-ce qu’en souvenir du diacre saint Laurent qui fit donner les biens de l’Eglise aux pauvres, rappelant qu’ils sont son trésor. Diaconesses, les femmes pourraient prêcher à la messe, ce qui serait une façon de forcer les prêtres à améliorer leurs homélies par une saine émulation.

En ce jour où l’humanité de Jésus est transfigurée, comme nous le serons dans vie éternelle où il n’y aura plus l’homme et la femme, il nous faut reprendre la question de savoir pourquoi Dieu s’est fait homme en Jésus. Pourquoi au moment de son incarnation Dieu a-t-il choisi d’être homme et non pas femme ?

Ce n’est pas pour une raison culturelle. Il y a dans l’Ancien Testament des femmes qui ont eu un rôle décisif autre que maternel. Dans une catéchèse du 6 mars 1996, Jean-Paul II avait fait la liste des femmes qui ont préfiguré la Vierge Marie. Il avait distingué d’abord les figures de l’enfantement, 6 mères, Eve la première et des femmes stériles exaucées : Sarah mère d’Isaac, Rachel mère de Joseph, la mère (anonyme) de Samson, Anne la mère de Samuel, et, dans un parallèle avec la consécration voulue par Anne, il ajoutait Rebecca, la mère de Jacob (mari de Rachel).
Trois semaines plus tard, le 27 mars 1996, il montrait 6 héroïnes ou figures du courage, des « protagonistes authentiques de l’histoire du Salut » : Miryam (sœur de Moïse), Deborah à laquelle il associait Yaël, puis Judith, Esther et Abigaïl. Ces femmes vaillantes existent, qui existent pour elles-mêmes, en dehors de toute progéniture.

Il n’y avait pas d’impossibilité ‘culturelle’ à ce que Dieu s’incarnât en femme.

La raison tient au motif profond de l’Incarnation, à savoir l’abaissement, la ‘kénose’, de celui « qui ne retint pas jalousement le rang de celui qui l’égalait à Dieu » (Ph 2).

Pour quelle raison Dieu a-t-il choisi de se faire homme plutôt que femme ? Pour la même raison qu’il nous a créés homme et femme, et je reprends l’explication donnée par le Père Cantalamessa lors d’une rencontre des familles (en 2009), sur la raison pour laquelle nous avons été créés homme et femme : pourquoi Dieu nous a-t-il créés sexués ? Pourquoi cette différence sexuelle, mystère fondamental de notre identité ? Pour nous apprendre l’humilité : à avoir besoin de l’autre.
Le Père Cantalamessa disait avoir trouvé cette réponse chez Claudel, qui imagine cela dans la bouche de Dieu : « Cet orgueilleux (c’est Dieu qui parle de l’homme, sa créature), il n’y avait pas d’autre moyen de lui faire comprendre le prochain, de le lui entrer dans la chair. Il n’y avait pas d’autre moyen de lui faire comprendre la dépendance, la nécessité et le besoin, un autre sur lui, la loi sur lui de cet être différent pour aucune autre raison si ce n’est qu’il existe » (Le Soulier de Satin, a. III, sc. 8).

La différence des sexes est la réponse à notre orgueil : « S’ouvrir à l’autre sexe est le premier pas pour s’ouvrir à l’autre, qui est le prochain, jusqu’à l’Autre avec une majuscule, qui est Dieu. S’éprendre d’une personne de l’autre sexe représente un acte d’humilité radical. C’est se faire mendiant et dire à l’autre : « Je ne me suffis pas à moi-même, j’ai besoin de toi, de ton être ». A cet égard, la sexualité humaine est une école de religion : j’ai besoin de toi ».

Faut-il en déduire que l’orgueil, la volonté de domination est un trait surtout masculin ?

Des trois apôtres présents à la Transfiguration, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, se font remarquer dans l’évangile en briguant les premières places auprès de Jésus dans sa Gloire, déclenchant une dispute avec les autres pour savoir qui est le plus grand. Quant à Pierre, toute son histoire montre à quel point il faut batailler contre soi-même pour être ‘serviteur des serviteurs’.

Une femme remarquable, numéro deux de Facebook, Sheryl Sandberg se demandait dans un livre (‘Lean in’, ‘En avant toutes’) pourquoi les hommes ont plus d’ambition que les femmes. A la différence des féministes, elle ne tient pas les conditionnements culturels comme la cause mais un facteur aggravant. La cause est un choix différent de priorités au premier chef desquelles vient la vie intérieure (qui ne veut pas dire au foyer).

Le mystère de la Transfiguration éclaire de l’intérieur le mystère de notre humanité. Dieu se fait l’un de nous. Pauvre parmi les pauvres, il refuse les honneurs et le pouvoir terrestre. Il ne veut être reconnu comme Fils de Dieu qu’à partir du don de sa vie : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ».

Ce récit donne la clé de l’égalité, des personnes divines au sein de la Trinité et de toute égalité y compris de l’homme et la femme, quand, de la nuée, la voix du Père dit du Christ : « écoutez-le ». Ecoutez-le : il vous le dira mieux que moi. Ecoutez-le, écoutez-la, écoutez-les : elles vous le diront mieux que moi. Ah, si nous pouvions commencer par là : écouter les femmes, écouter les hommes, écouter Dieu.

Je vous assure qu’à force de prière, en écoutant Dieu qu’on ne voit pas, on apprend à mieux écouter tous ceux qu’on voit.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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