17ème dimanche du Temps ordinaire - 30 juillet 2017

Mt 13, 44-52

Toutes les paraboles de l’évangile peuvent être appliquées au mariage. Celle qu’on utilise d’habitude est la maison bâtie sur le roc, mais les trois de ce dimanche lui sont applicables : le champ où se trouve le trésor, c’est la belle-famille ; on ne peut pas en retirer le trésor qui y est caché, seulement l’acquérir en achetant le champ. La perle unique est une belle image de l’exclusivité conjugale. Et le filet plein de poissons qui seront triés à la fin du monde figure les formes de vie autres que le mariage chrétien : il ne nous appartient pas de les juger.

Toutes les paraboles de l’évangile peuvent être appliquées au mariage parce que l’évangile comme le mariage sont au service de l’amour, et parce que le mariage et la famille dont il est le socle sont le noyau de base de la société. Protéger le mariage, protéger la famille dont elle tire sa stabilité et son sacré, c’est protéger l’humanité.

Pour autant, pouvons-nous considérer comme des ‘méchants’ ceux qui font autrement ?

Il y avait des personnes homosexuelles du temps de Jésus. Il n’en dit pas un mot. Si le sujet était aussi redoutable que certains l’imaginent, on peut penser que Jésus en aurait parlé dans l’évangile. Tout ce qui est nécessaire à notre sanctification se trouve dans l’évangile, qui accorde plus d’importance à la justice sociale qu’à la morale sexuelle.

Il y avait dans nos pays catholiques nombre d’enfants qui naissaient hors mariage qu’on appelait tranquillement des bâtards. L’injure est toujours en vogue : le bâtard ! Il ne semble pas que les grandes voix catholiques de l’époque se souciaient autant qu’aujourd’hui qu’ils aient un père et une mère.

Les paraboles de l’évangile et les 1ères lectures qui leur sont associées, ici le songe de Gabaon, appellent au bon usage de la conscience.

Pendant des années, dans le cadre de la préparation au mariage, je faisais lire aux fiancés les premiers chapitres de la Genèse avec l’interdit de toucher à l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Je leur faisais lire ensuite le songe de Gabaon, et je leur demandais : pourquoi au début de la Bible est-il interdit de mettre la main sur la connaissance du bien et du mal, et là, au milieu de la Bible, la demande par Salomon devient-elle merveilleuse au point de recevoir de Dieu une telle récompense ? – car il manque au passage le verset suivant : « et en plus, dit Dieu, je te donne même ce que tu n’as pas demandé, la richesse et la gloire, si bien que pendant toute ta vie tu n’auras pas d’égal parmi les rois » (1 R 3, 13).

Les réponses sont diverses. La suite du texte raconte l’histoire des deux prostituées qui se disputent un enfant, le fils de l’autre étant mort. Que fait Salomon dans sa sagesse ? Il cherche la mère la plus aimante. Parce qu’il est roi, c’est lui qui a à trancher, si je puis dire, puisqu’il propose de « couper en deux l’enfant vivant, et d’en donner la moitié à l’une et la moitié à l’autre » (1 R 3, 25). Il révèle ainsi qui est la vraie mère : celle qui est prête à se sacrifier pour le bien de l’enfant.

La pointe du songe de Gabaon est le lien entre gouverner et discerner : Salomon était « un tout jeune homme ne sachant pas comment se comporter au milieu d’un peuple si nombreux qu’on ne peut ni l’évaluer ni le compter » (c’est une allusion au dernier grand péché de David, qui avait provoqué la colère de Dieu en ordonnant un recensement du peuple) ; il demande la sagesse pour gouverner. Qu’elle est trompeuse l’image du sage en retrait du monde, épargné de toutes responsabilités ! Le discernement n’a de sens que pour les décisions que nous avons chacun à prendre, dans l’état de vie où nous sommes, dans la mission qui nous est confiée.

Nous fêtons ce 31 juillet saint Ignace, la référence en matière de discernement. Saint Ignace est cet homme de la parabole qui avait trouvé un trésor, la sagesse, dans le champ de l’Eglise. On a souvent reproché aux Jésuites de s’intéresser aux élites, de s’occuper des gens de pouvoir, en oubliant qu’ils ont compris que le discernement est indissociable des décisions à prendre : discerner pour gouverner. Pas de bonnes décisions sans un minimum de sagesse, mais pas de sagesse sans un minimum de décisions à prendre.

Certains Catholiques regrettent que l’Eglise ne soit pas plus agissante dans le débat public. Sur les questions sociétales souvent techniques, de bioéthique, notre rôle est d’éclairer ceux qui ont des décisions à prendre, ceux dont c’est le métier, les élus qui ont à voter, les personnes qui sont tentées par telle ou telle innovation ou possibilité. Jésus se souciait peu de l’opinion publique.

Le scribe devenu disciple, comprenez le spécialiste de la Loi qui découvre la Grâce, est comparable, dit Jésus, à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien : il s’adapte aux changements de ce monde tout en restant fidèle à la Sagesse éternelle. Neuf ne veut pas dire bon et ancien mauvais ! Le neuf et l’ancien sont dans un rapport comparable à la Lettre et l’Esprit.

Le scribe devenu disciple cherche à renouveler son regard sur le monde, voilà le neuf, en étant fidèle à l’amour de Dieu pour chacune de ses créatures, qui est de toujours à toujours ; l’ancien est synonyme du sage. C’est la force des paraboles, d’être aussi intemporelles que profondément respectueuses de la liberté intérieure de la personne qui les entend. C’est ainsi qu’au Concile Vatican II, l’Eglise a entendu l’appel de l’Esprit saint de ne plus employer un langage d’imprécation et de condamnation : son trésor, la perle unique, c’est le Christ, qui ne disait rien sans parabole, accomplissant ainsi la parole du prophète, de révéler ce qui fut caché depuis la fondation du monde. Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu.

Tirer de son trésor du neuf et de l’ancien est un appel à discerner le visible et l’invisible, pour reconnaître toute la part d’immuable dans ce qui apparaît nouveau. Le visible c’est l’Eglise, où se trouve le Christ, l’invisible c’est Dieu.

Il y a une belle prière de sagesse qui nous fait demander au Seigneur « qu’au milieu des changements de ce monde nos cœurs s’établissent fermement là où se trouvent les vraies joies ». En ce temps de vacances, gardez précieusement, comme un trésor, le lieu où se trouvent vos vraies joies.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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