2ème dimanche du Carême - 8 mars 2020

Mt 17, 1-9

 

Pourquoi va-t-on se confesser, au-delà de l’obligation que nous en fait l’Eglise, dont on peut dire désormais avec certitude, de cette obligation, qu’elle n’est pas ou plus la motivation première du pénitent ? Disons plutôt que cette obligation n’est plus tenue par les baptisés, en grande partie de notre fait à nous prêtres qui avons tendance à vous parler de bien d’autres choses que de l’unique Chemin du Salut, le Christ.
Pourquoi va-t-on se confesser ? Pour soulager sa conscience ? C’est vite dit, d’autant que la démarche est inverse et toujours désagréable puisqu’on commence par se rappeler ce qu’on aurait voulu oublier. ‘Je n’aime pas ça !’ Personne n’aime exprimer des regrets.

Pourquoi va-t-on se confesser ? Pour la même raison qu’on va à la messe, qu’on prend appui sur les sacrements de l’Eglise : pour prendre, trouver, retrouver des forces. C’est la raison d’être, le bienfait de tous les sacrements : donner des forces. Un secours divin, surnaturel : la grâce de Dieu. Vous me le dites à propos de la messe, en arrivant ou en partant, et je peux l’expérimenter des célébrations qui nous rassemblent : elles sont une fantastique source d’énergie. Je pense souvent pour la Transfiguration à cette phrase d’une voyante des années soixante qu’on avait voulu tester en déposant dans ses mains une enveloppe en kraft qui contenait une photo du Saint Suaire : Oh ! c’est puissant, ça a la puissance d’une déflagration nucléaire !

Jésus emmène trois de ses disciples sur une haute montagne pour leur faire prendre un peu de hauteur. Il n’en prend que trois pour qu’ils ne puissent pas se cacher les uns derrière les autres. Les trois sont en première ligne face à Dieu, et ils vivent ce qui se passe pour chacun de nous quand on va se confesser : brûler nos péchés dans le feu de l’amour de Dieu.

On va se confesser pour reprendre des forces. Et la difficulté de la rencontre vient du fait que le confesseur ne veut pas seulement que la personne se relève, reprenne la route, mais qu’elle la reprenne dans l’Eglise, qu’elle se réconcilie avec Dieu et avec l’Eglise, avec les autres et avec elle-même, mais avant tout avec Dieu, suivant cette expression du Mercredi des Cendres qui est le Message de Carême du Pape cette année : laissez-vous réconcilier avec Dieu.

On peut reprendre des forces sans se réconcilier avec Dieu. On peut reprendre la route de son côté. Les deux ne collent pas automatiquement : ce n’est pas parce qu’une personne retrouve la paix, des forces, qu’elle se réconcilie avec Dieu, ni avec l’Eglise, ni avec elle-même.

A la Transfiguration, Jésus donne à trois de ses disciples la force dont ils auront besoin pour surmonter l’épreuve de la Passion. Pourtant, ils ne sont pas capables, à ce stade de l’évangile et de leur vie, d’en prendre la mesure. Et Jésus n’a pas d’autre solution que de leur intimer le silence : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ».

On va se confesser pour reprendre des forces. Je vous propose cette année une lecture suivie des évangiles des dimanches de Carême : je fais l’hypothèse que le Carême est une catéchèse sur le pardon, que les évangiles des dimanches de Carême correspondent aux grandes étapes du sacrement du pardon, dans ses quatre composantes qui sont le regret (la contrition), l’aveu (la confession), le pardon proprement dit (l’absolution), et la pénitence (ou réparation)

Mettons à part le 1erdimanche qui était celui des tentations, pour nous des transgressions. Nous verrons dimanche prochain, avec la Samaritaine, le contenu de la confession, la difficulté de la parole d’aveu, le dimanche suivant avec l’aveugle-né la joie du pardon, et au 5èmedimanche, avec le retour à la vie de Lazare, la question la plus négligée de la pénitence, le coût du pardon, puisque la résurrection de Lazare entraîne la condamnation à mort de Jésus. Le pardon est gratuit, c’est un don de Dieu, et coûteux, dans les changements qu’il implique.

Voyons pour l’heure, dans la lumière de la Transfiguration, ce qui fait qu’on va se confesser, quelle est la révélation divine qui provoque notre conversion.

Pour cela, il faut contempler ce qui est implicite dans l’évangile : le temps entre l’appel par Jésus de ces trois disciples, le moment où il les a pris avec lui, jusqu’à leur arrivée en haut de la montagne. C’est une haute montagne dit le texte : son ascension prend du temps. Cette marche préparatoire est l’élément déclenchant de la révélation : à quoi pensaient-ils tout en marchant, voire en grimpant ? A quoi pensaient les trois disciples, Pierre, Jacques et Jean, tandis que Jésus les emmenait avec lui ? Bien sûr qu’on peut marcher pendant des heures sans penser à rien. Mais on ne peut pas marcher avec Jésus en pensant à rien, sans que l’Esprit ne vienne travailler notre cœur.

Et plus ils gravissaient la montagne, plus ils descendaient en eux-mêmes, plus ils voyaient ce qui n’était pas digne d’eux ni de Dieu, d’eux avec Dieu. Si vous marchez avec Jésus, vraiment, s’ouvrent à votre esprit les contradictions de votre vie. L’Esprit Saint ne vient pas pointer tel ou tel péché : il nous fait, conformément à la promesse du Christ, nous souvenir de ce qu’il nous a dit. Et la Parole du Christ agit dans notre cœur. Ecoutez-le ! La voix du Père, venue de la nuée, renvoie les disciples à ce qu’ils ont déjà entendu de la part de Jésus.

Les personnes qui se confessent viennent rarement par hasard. Elles y ont pensé, à de multiples reprises, en se souvenant de paroles de la Bible et de l’Evangile, en écoutant leur cœur et leur conscience. Le chant préféré des chrétiens, le tube de nos célébrations, toutes générations et conditions confondues, c’est : Trouver dans ma vie ta présence. Il part de la grâce du baptême : tenir une lampe allumée. Il demande le bienfait de la paix : choisir avec toi la confiance. Pour nous faire revenir à l’essentiel : aimer et se savoir aimé.

A la Transfiguration, les disciples ont vu la lumière divine parce que l’Esprit saint avait préparé leur cœur. La confession, le sacrement du pardon, n’est pas la rencontre de nos péchés : nous ne regardons pas en arrière. Nous ne nous retournons pas dans le passé. Nous voyons nos péchés en voyant la lumière de Dieu. Dans ta lumière, nous voyons la lumière (Psaume 35).

Pourquoi va-t-on se confesser ? Parce que nous avons entraperçu à un moment de notre vie la beauté et la bonté du Christ ressuscité, et nous en voulons davantage ! Comme Moïse avec le Buisson ardent : quel étrange spectacle ! Un feu qui brûle, sans consumer ni abîmer, le feu de l’amour ! Enlève tes chaussures, dit le Seigneur, enlève ce qui t’aide à marcher. Moïse s’approcha. Et depuis le feu, Dieu le mit sur le chemin de la Terre promise et de la liberté.

Vierge Marie, toi qui es le Buisson ardent, montre-nous ton Fils : aide-nous à aller nous confesser.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

Vous avez la possibilité de recevoir les homélies du Père Lancrey-Javal en remplissant ce formulaire

Article précédent
La tentation du suicide
Article suivant
L’addiction, maladie du désir