31ème dimanche du temps ordinaire - 5 novembre 2023

Mt 23, 1-12

 

Dans l’évangile, on passe beaucoup de temps dehors. Alors que Dieu nous attend à l’intérieur.

Souvenez-vous des paraboles que nous avons entendues en septembre et octobre, sur la vigne : la parabole des ouvriers de la dernière heure était une scène typiquement méditerranéenne, aux airs de soleil, où « le poids du jour et la chaleur » rendaient le travail pénible, où les hommes traînaient dehors, sur la place, sans rien faire, qui attendaient qu’on vienne les chercher, certains restaient là toute la journée, sans rien faire.
A l’heure des comptes, ceux qui avaient travaillé depuis le matin ‘récriminaient’, on peut certes traduire par ‘murmurer’ mais c’est bien plus désagréable : le verbe goggyzô sonne comme une onomatopée, grumble en anglais, c’était plus que ronchon, un mécontentement profond à l’égard du Maître, une mauvaise grogne et une critique ouverte.

Les paraboles suivantes des vignerons homicides et des invités à la noce basculaient dans la violence, par un glissement inéluctable : quand l’homme rejette Dieu, il sombre dans la violence. Ce n’est pas la religion qui mène à la violence, c’est l’orgueil, la volonté de puissance, le besoin de se faire remarquer, le manque de discrétion.

C’est de discrétion dont je voudrais vous parler parce que c’est la marque de l’Esprit-Saint, et la raison pour laquelle nous n’invoquons pas suffisamment l’Esprit.

L’esprit de discrétion est un des noms de l’Esprit-Saint.

Souvenez-vous de ce passage du Sermon sur la montagne, l’évangile du Mercredi des Cendres, où Jésus exhorte ses disciples à ne pas être « comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues pour obtenir la gloire qui vient des hommes » (cf. Mt 6, 1-6.16-18). Il ne dit pas les pharisiens : il dit les hypocrites. Les deux sont devenus synonymes, sauf que les pharisiens ne manquaient pas seulement de sincérité et courage, appelez-ça comme vous voulez : ils manquaient de discrétion, et d’humilité.

L’humilité de Jésus fait qu’on peut parler de l’humilité de Dieu. C’est le titre d’un livre que le Père Varillon, célèbre prédicateur jésuite, publia en 1974, qui reçut le Grand prix catholique de littérature. Le Père François Varillon avait près de 70 ans et mourut quatre ans plus tard : la plupart de ses ouvrages sont posthumes.
L’humilité de Dieu : l’expression dérangea à l’époque, comme une atteinte à sa transcendance. L’idée a fait son chemin, jusqu’à ce chant sorti en 2014 « Regardez l’humilité de Dieu », que nous prenons parfois, un des plus en vogue actuellement.

L’humilité de Dieu, la souffrance de Dieu, et jusqu’à la mort de Dieu : tout ce que Jésus a vécu en son humanité peut être attribué à Dieu, en raison de la communication des idiomes.

Il en va de même de l’Esprit-Saint : si j’avais à écrire un livre sur l’Esprit-Saint, Dieu m’en garde ! je l’intitulerais « la discrétion de Dieu », pour en rappeler le double sens, originel, de sagesse, et actuel, de délicatesse.

La discrétion était à l’origine synonyme de sagesse et de discernement. On en gardé trace dans des expressions telles que ‘l’âge de discrétion’ (l’âge de raison, de discernement du bien et du mal), ou encore ‘laisser à votre discrétion’ : à votre appréciation.

Il faut le rappeler pour comprendre l’ampleur de l’enjeu pour notre époque qui a beaucoup de mal autant avec tout ce qui relève de la prudence, de la mesure, que de la sobriété.

Faire preuve de discrétion ne veut pas dire ne pas exister, mais trouver la bonne mesure, faire preuve de respect, de tact et de réserve. C’est agréable une personne réservée, qui ‘ne se livre pas inconsidérément’, qui écoute avant de parler. Dans une rubrique sur internet, il y avait une liste des ‘caractéristiques d’une personne réservée’ : calme, équilibrée, émotionnellement stable, autonome, à l’écoute, compatissante, facile à vivre etc. En un mot l’ami(e) rêvée !

J’ai vu aussi qu’il existait un livre sur la discrétion de Dieu, que j’ai commandé et que j’ai lu, mais que l’auteur réduit au sentiment de son absence, la discrétion au silence. Mais Dieu n’est silencieux qu’en apparence.

La discrétion de l’Esprit-Saint est aussi importante que l’humilité de Jésus.

Les deux sont nécessaires pour percevoir la beauté de l’amour de Dieu : l’humilité de Jésus et la discrétion de l’Esprit.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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