7ème dimanche du temps ordinaire - 19 février 2023

Mt 5, 38-48

 

de compassion, d’admiration, de communion

L’évangile qu’on vient d’entendre va nous permettre de poursuivre notre réflexion de dimanche dernier sur la compassion. Il en rappelle deux caractéristiques : la compassion est une réaction, non pas d’indignation et encore moins de violence face à une injustice – comme l’est la tentation de se faire justice. Moi, je vous dis, dit Jésus, de ne pas riposter au méchant. A qui te demande, et même à qui en a besoin, donne.
2ème caractéristique de la compassion, elle n’est pas sélective. Elle ne décide pas qui le mérite, elle n’agit pas en retour d’un bienfait, elle n’est pas gratitude ni partage, ne suppose pas de relation favorable : aimez vos ennemis, d’un amour qui n’est pas réciproque, d’un amour de compassion que je vous propose d’examiner plus attentivement.

Quelques mots sur le caractère non-sélectif de la compassion.

Pour la fête de Notre-Dame de Lourdes, le 11 février, journée de prière pour les malades, l’évangile de la messe est celui des Noces de Cana ! L’évangile de saint Jean commence par ce ‘premier signe’, ce miracle de l’eau transformée en vin et non par la guérison d’un lépreux ou la libération d’un possédé, moins en raison de la symbolique du mariage et de l’Alliance que de la nature de la compassion : elle est une réaction à une détresse, toute détresse quelle qu’elle soit. Le fait de manquer de vin à un mariage, au regard des souffrances du monde, n’est pas un drame.

Qu’est-ce que la compassion ?

Une réaction bienveillante à une détresse, pas seulement humaine, également animale, de toute créature, au nom de la bonté du Créateur. Toute souffrance, toute épreuve quelle qu’elle soit : il n’y a pas de curseur. La compassion n’est pas sélective. Vous aviez vu l’histoire de ce chat écrasé en gare par un train devant ses maîtres ? Il y a plus grave ? Il y a plus grave que de manquer de vin à un mariage. Mais pour les mariés, c’est terrible. Nous confondons ce qui est relatif et ce qui est subjectif, qui touche à la personne et à la vie.

A partir de quel moment faut-il manifester de la compassion ? Où se situe le curseur ? Quelles sont les souffrances qui le méritent ? Il n’y a pas de curseur.

Dans une ancienne paroisse, une fidèle avait raté une marche, et gisait au sol, tordue de douleur. Le sacristain, un homme très pieux, restait debout à côté d’elle à répéter : ‘Oh la la. Oh la la’. ‘Voyons mon ami’, avait dit le curé, ‘bougez-vous, appelez les pompiers, faites quelque chose’. Faites quelque chose. La compassion comme la charité est active. La foi est contemplative, la charité est active. Active et réactive : j’avais faim et vous m’avez donné à manger. J’étais malade et vous m’avez visité.

A ce titre, elle ne peut être que passagère. A la différence de la charité, elle n’existera plus au Ciel où elle n’aura plus lieu d’être. A la différence d’un autre amour, l’amour d’admiration. Au Ciel, notre admiration, notre émerveillement, notre adoration sera éternelle.

Dans les relations de couples, également dans l’amitié, il est très important de faire la différence entre amour de compassion et amour d’admiration. Et je mets volontairement de côté la passion qui est une inflammation temporaire.

Beaucoup de couples se fourvoient dans le premier : l’amour de compassion, lorsque l’un est profondément attendri par l’autre, et cet attendrissement, cette tendresse, si forte qu’elle soit, ne permet pas un engagement dans le mariage. Il manquera cette composante nécessaire qu’est l’amour d’admiration.
« Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes ? ». Pierre par trois fois confirme son admiration pour Jésus (Jn 21, 15-17), Pierre dont la peur avait cassé ses résolutions. Et le Christ révèle à Pierre ce qu’il attend de lui et de nous : un amour de communion. Sois le berger de mes agneaux, le pasteur de mes brebis : que ton admiration pour moi, l’adoration de Dieu te donne un esprit de compassion et te mette en communion avec moi, mon Père, et mes frères.

Il y a trois amours : un amour de compassion, un amour d’admiration, un amour de communion.

Autant la compassion ne peut unir dans une vraie communion sans admiration, autant l’inverse est vrai, si l’admiration des puissants ne s’accompagne pas de compassion pour les petits, « cela ne sert à rien » (1 Co 13, 3).

Le Carême qui commence mercredi est le chemin par excellence pour associer les trois. Avec au départ l’adoration pour Dieu, et un objectif de conversion : que la compassion pour nos frères nous conduise à la communion.

C’était la démarche du centurion romain dont nous reprendrons la parole : « Seigneur, je ne suis pas digne », alors qu’il était venu chercher Jésus par compassion pour son serviteur malade. Entendant cela, Jésus fut dans l’admiration (Mt 8, 10). L’admiration de Dieu quand nous faisons preuve de compassion !

C’est ainsi que nous serons ‘parfaits comme notre Père céleste est parfait’, dans la communion du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Amour de compassion, amour d’admiration, amour de communion.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

Vous avez la possibilité de recevoir les homélies du Père Lancrey-Javal en remplissant ce formulaire

Article précédent
Les quatre piliers de la Compassion
Article suivant
Non comme dans renoncer