27ème dimanche du temps ordinaire - 7 octobre 2018

Mc 10, 2-16

 

Plusieurs d’entre vous m’ont incité à aller voir le film de Wim Wenders, ‘le Pape François : un Homme de Parole’. L’une, à lire également l’interview donnée dimanche dernier par Mgr Aupetit au journal Le Parisien (*), où elle y a, dit-elle, « retrouvé un même fil conducteur : celui d’une Eglise Catholique qui se positionne comme ‘réveil des consciences’ d’hommes libres. J’ai interprété cela comme une marque de confiance, c’est gratifiant d’être d’invité à réfléchir par nous-mêmes, à discerner et à nous positionner. Pas de jugement, pas de morale, une  incitation à la réflexion personnelle. Une façon de faire intelligente qui a toute sa place dans notre société actuelle ».
Il est bon que vous complétiez ce que je vous dis par les propos de notre Evêque et du Pape. Ce sont trois niveaux d’information à maintenir : le Pape, l’Evêque, le Curé. Le Pape, car « le chrétien doit se nourrir d’une affection, d’un attachement et d’un respect sans limite au Saint-Siège du Pontife romain » (disait le bienheureux Antonio Rosmini (1797-1855), philosophe et prêtre italien, fondateur de l’Institut de la Charité). Excellente intervention en effet de notre Archevêque Mgr Aupetit sur la dignité humaine, à la suite de laquelle, parmi les réactions des lecteurs, j’ai lu ceci : « Marre de l’église dont le seul fonds de commerce est la famille ». C’est une bonne façon d’aborder l’évangile de ce dimanche ! Il faut écouter les souffrances comme les encouragements.

J’alerte les fiancés que je reçois sur l’écart entre l’intelligence qu’ils utilisent dans leur vie professionnelle et dans leur vie affective. Pour leur préparation au mariage, je leur propose une réunion une fois par mois d’une heure, pour leur livrer matière à réflexion : l’objectif est qu’ils discutent ensemble après, et je leur dis : si cela ne vient pas enrichir ou approfondir votre communication, ne revenez pas. Je suis accompagné d’un couple super intelligent qui parle aussi avec ses tripes. Nous ne cherchons pas à faire du rattrapage de catéchisme, au risque de transformer les sacrements en diplômes avec des connaissances à acquérir. Nous croyons que c’est de leur lien au Christ que dépendra l’unité entre eux. Bien sûr que cela nécessite un minimum de connaissances : il suffit d’aller à la messe le dimanche. Pour apprendre du Christ, maître et modèle absolu.

A la première réunion, nous leur avons fait raconter leur demande en mariage : c’est toujours l’homme qui la fait, vous m’expliquerez pourquoi. Puis nous sommes passés au thème de la séance qui était ce qu’ils attendaient du mariage, et on pourrait dire, qui nous concerne tous, de l’amour. Qu’est-ce que vous attendez de l’amour ?
Cet été, en voiture, j’écoutais sur France-Culture les conférences de Michel Onfray. Il veut donner l’envie et le goût de réfléchir. Très porté sur la question religieuse, il rappelle qu’il était catholique et il est l’exemple type du « déçu de Dieu ». Beaucoup d’athées sont des déçus de Dieu. Déçus par les religions, ça ils sont nombreux, eux déçus par Dieu. Comme nombre de divorcés ont été déçus. Ce n’est pas la même chose que d’être trompés et trahis. Déçus oui, trompés non ! Il convient donc qu’en amour, en famille comme en église, dans la foi comme dans le mariage, nous soyons clairs sur nos attentes pour ne pas être déçus. Autrement dit, et la question nous concerne tous : qu’est-ce que vous attendez de l’amour ?

J’aimerais pouvoir répondre comme me l’a suggéré une amie : du rire, de la joie, du bonheur, du partage. Certainement. Je vous propose trois pistes de réflexion.

D’abord de la tendresse. C’était pour le mariage l’avantage de l’ancien temps quand on ne vivait pas ensemble avant le mariage. Les mariés découvraient plus ou moins maladroitement le plaisir sexuel. Les temps ont changé. Et l’inverse est douloureux : tant de couples se croient dispensés de poursuivre leurs attentions, leurs paroles et leurs gestes amoureux une fois qu’ils sont mariés. Je connais un homme qui au jour de la naissance de l’enfant s’est effondré dans le fauteuil de la chambre de son épouse à la maternité, et a cessé du jour au lendemain de lui prodiguer la moindre marque d’affection. C’est un cas pathologique, mais combien de parents réservent aux enfants l’affection qu’ils se doivent entre eux. La règle entre époux est simple : 80% de tendresse, 20% de correction. Quatre fois plus d’attentions que de corrections. De la tendresse ! C’est en raison de la dureté de vos cœurs dit Jésus que Moïse a permis que vous finissiez par vous séparer.

Que veut dire la tendresse ? C’est une bienveillance souriante, pleine de douceur. Elle n’est pas exclusive au mariage mais sur le plan physique réservée aux personnes autorisées. On est en droit d’attendre des époux qu’ils se prodiguent tendresse et compliments, qu’ils se parlent avec douceur et respect. Qu’ils s’écoutent, se comprennent et se sentent compris, et reconnus. Dans ce passage de la Lettre aux Ephésiens que nous entendions fin août qui demande que les femmes soient « soumises à leur mari comme au Seigneur Jésus ; car, pour la femme, le mari est la tête, tout comme, pour l’Église, le Christ est la tête, lui qui est le Sauveur de son corps », saint Paul ajoute : « c’est de la même façon que les maris doivent aimer leur femme : comme leur propre corps. Jamais personne n’a méprisé son propre corps : au contraire, on le nourrit, on en prend soin » (Ep 5, 21-32). Hélas si ! Nombreux sont ceux qui méprisent leur propre corps, et instrumentalisent celui du partenaire ou du conjoint.

La deuxième attente qu’on est en droit d’avoir du mariage est une sécurité, un droit de toute personne aussi bien sur le plan affectif que social. C’était ainsi que cela a été vécu de la part de beaucoup d’hommes propriétaires de leur épouse, et de la part de beaucoup de femmes comme une protection contre les autres hommes, et pour les uns comme pour les autres une façon d’échapper à leur vulnérabilité. Cette attente est la plus trompeuse car aucune intimité ne peut faire disparaître la part irréductible de fragilité et de solitude constitutive de notre humanité.

Il y a dans cette ‘rassurance’ sociale une tentation pour les couples de vouloir figer l’existant, comme Pierre au jour de la Transfiguration, estimant qu’il est bon d’être là, veut planter sa tente, ne plus bouger. Nous rappelons aux fiancés le principe de tout sacrement et de toute la vie chrétienne : la conversion. On ne se marie pas pour rester comme ça, mais au contraire pour se convertir et se sanctifier. Pareil pour la messe : si vous ne voulez pas changer, dit Jésus, ne venez pas à l’église.

Cela nous amène à la troisième attente, des enfants, et plus largement d’une fécondité morale et spirituelle, une nouvelle façon de vivre, qui n’est ni celle de la famille de l’un ni celle de la famille de l’autre. L’homme quittera son père et sa mère : le sujet s’entend de l’homme comme de la femme, chacun quittera sa famille d’origine, pour créer un nouveau foyer et le mot dit autant un lieu de vie que le feu qui éclaire et qui chauffe. On se marie pour faire vivre un feu. Cela nécessite qu’on l’alimente, qu’on le surveille, qu’on s’y rassemble, qu’on s’y sente bien : le feu de l’Esprit Saint.

De la tendresse. De la sécurité. Du rayonnement. On comprend que l’accueil des enfants succède dans l’évangile à la discussion houleuse sur le mariage : ce sont trois besoins de tout enfant que l’affection à lui prodiguer, la sécurité à lui assurer, et une croissance qui ne soit pas seulement physique mais morale et spirituelle, pour son entrée dans le Royaume.

Ce qui est vrai du mariage l’est de la foi et de l’Eglise. Je pense à une personne à qui j’avais demandé de voir un médecin dans l’épreuve qu’elle avait à traverser : celui qu’elle avait rencontré l’avait, au premier entretien, engueulée. Il lui avait adressé plus de reproches que de soutien. Changez ! Il y a trois personnes dont vous ne devez pas accepter qu’elles vous maltraitent : l’ami, le prêtre et le médecin.

Voilà ce que vous êtes en droit d’attendre de l’Eglise : de la tendresse et de la compassion. Une sécurité par son enseignement, une Espérance. Et puis la force, la grâce des sacrements, pour vous approcher de Dieu et rayonner de son amour. Jésus s’est fâché quand ses disciples ont voulu empêcher les enfants de son Père de venir à lui : pour qu’il les bénisse, dit l’évangile. Entendez : pour qu’il les associe à sa mission. Par le sacrement de mariage, les laïcs sont associés à la mission du Christ, venu rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. Le sacrement de mariage est comme la messe au service de la Communion. Communion, tendresse et conversion.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

(*) lire l’interview de Mgr Aupetit dans le Parisien

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