14ème dimanche du Temps Ordinaire  - 7 juillet 2019

Lc 10, 1-12.17-20

 

Quand le roi Saül, le premier roi d’Israël tomba en disgrâce devant Dieu, pour avoir fait ce qui est mal aux yeux de Dieu, lui avoir désobéi, le Seigneur appela le prophète Samuel et l’envoya à Bethléem où vivait Jessé, père de sept garçons, et le huitième était David. Dieu dit à Samuel : « Je me suis choisi un roi parmi les fils de Jessé » (1 R 16, 1). La mission est risquée. Elle a tout pour déplaire à Saül et Samuel est inquiet : « Comment pourrais-je faire cela ? Saül va l’apprendre et va me tuer ! » Le Seigneur reprit : « Tu prendras avec toi une bête de bétail et tu diras : C’est pour sacrifier au Seigneur que je suis venu ». Tu inviteras Jessé au sacrifice et je t’indiquerai moi-même ce que tu auras à faire ». Ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à faire ou à dire. Laissez-vous guider par l’Esprit saint.
Quand Samuel arriva à Bethléem, les habitants prirent peur et ils envoyèrent les Anciens à sa rencontre. Ils vinrent en tremblant demander : « Ta venue est-elle de bon augure, prophète ? » Est-ce que tu viens avec de bonnes intentions ? C’est la question que suscite en nous la venue de visiteurs étrangers : Est-ce que vous venez avec de bonnes intentions ?

Elles dépendent souvent des nôtres à leur égard ! Quand nous disons Bonjour ! nous espérons que cette rencontre soit le signe, pour tous les deux, d’une bonne journée. Shalom, la paix, est encore plus parlant, que nous offrons en tendant la main droite, ouverte et nue. Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘La Paix à cette maison’.
C’est ainsi que Dieu vient nous visiter. Il offre la paix. C’est ainsi qu’il est venu visiter et sauver son peuple, béni soit-il ! Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël qui visite et rachète son peuple. Nous le chantons chaque matin dans le Cantique de Zacharie, père de Jean-Baptiste et successeur du prophète Zacharie dont nous rappelons l’oracle chaque année au début de la Semaine sainte, au dimanche des Rameaux : Dites à la fille de Sion : Voici que ton Roi vient à toi ; modeste, il monte une ânesse et un ânon, petit d’une bête de somme. Hosanna au plus haut des cieux !

L’entrée de Jésus à Jérusalem est une des grandes scènes d’enthousiasme de la Bible. C’est le sujet de l’évangile de ce dimanche : l’enthousiasme des disciples. Enthousiasme de l’Esprit.

Ils ne sont pas partis sans appréhension. La mission est risquée. Pourquoi ne pas plutôt se répartir en équipes de douze ? Ils ont été accueillis avec circonspection : votre venue est-elle de bon augure ? Est-ce que vous venez avec de bonnes intentions ? Pensez-y cet été : l’inquiétude est naturelle et réciproque. Pensez-y quand vous rencontrez des étrangers. Surtout s’ils n’ont pas d’argent. Et que vous en avez. Ou que vous n’en avez pas, et qu’ils en ont.

Lorsque le peuple d’Israël est arrivé aux portes de la terre promise, au pays de Canaan, après quarante ans au désert, Moïse envoya sur l’ordre du Seigneur une mission de reconnaissance (Nb 13, 2). Les émissaires revinrent enthousiastes et émerveillés : ‘Nous sommes allés dans le pays où tu nous as envoyés. En vérité, il ruisselle de lait et de miel’. Leur joie est de courte durée, au vu des difficultés : ‘le peuple qui habite ce pays est puissant ; les villes sont fortifiées, très grandes. Nous avons même vu des géants (les fils d’Anaq). Nous, nous faisions l’effet de sauterelles, et c’est bien aussi l’effet que nous leur faisions’.

Dans l’évangile ce ne sont pas des sauterelles, mais des serpents et des scorpions que le Christ nous donne pouvoir d’écraser. On mange les sauterelles, on écrase les scorpions. C’est ainsi que nous représentons la Vierge Marie, foulant à ses pieds, écrasant l’antique serpent. Ce n’est pas pour rien qu’elle est le modèle de l’Eglise, modèle de confiance, et de son corollaire, l’enthousiasme.

Le mot à l’origine signifie ‘transport divin’, littéralement ‘en theos’ (en Dieu), inspiré et encouragé par Dieu. Le dictionnaire parle d’une admiration passionnée. Gloire à Dieu au plus haut des cieux ! L’enthousiasme est une passion qui élève, une exaltation – vers le haut, altus, qui exalte et exulte de joie : mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur !
Nous, fidèles du Christ, manquons d’enthousiasme. Réjouis-toi ! Réjouissez-vous disait la 1ère lecture, à propos de Jérusalem : exultez, vous qui l’aimez, soyez dans l’allégresse vous qui la pleuriez (Is 66, 10).

L’enthousiasme est un signe de la communion trinitaire : le Christ exulte de joie sous l’action de l’Esprit-Saint et il bénit son Père d’avoir révélé aux tout-petits les mystères du Royaume. Béni sois-tu ! Ce que tu as caché aux sages et aux savants, ce qu’ont refusé les aigris, les grincheux, les jaloux, les mesquins et les rabat-joie, tu nous donnes de l’annoncer à tous ceux qui sont prêts à l’entendre : la Paix soit avec vous !

Est-il possible vraiment de les concilier : la paix et l’enthousiasme ? L’histoire ne montre-t-elle pas que l’enthousiasme, patriotique, presque religieux, peut conduire à la guerre, comme en 1914 suivant le tableau dressé par Stefan Zweig dans ‘Le monde d’hier, souvenirs d’un Européen’ : voilà un livre pour l’été !

Lorsque nous parlons d’enthousiasme, nous parlons d’amour, d’une énergie naturelle et divine qui ne vient pas de produits artificiels, ni à grands renforts de sons et de transes. Lorsque le prophète Elie fut confronté aux prêtres de Baal, ils invoquèrent leurs dieux depuis le matin jusqu’à midi, en dansant et criant, plus fort et encore, jusqu’à se taillader la peau et faire couler le sang. Elie demanda que l’on remplisse d’eau l’autel du sacrifice, car « les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour, ses flammes sont des flammes de feu, fournaise divine » (Cf. Ct 8, 6-7). Puis Elie pria ainsi : « Seigneur, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, qu’on sache aujourd’hui que tu es le seul Dieu, que je suis ton serviteur et que c’est par ton ordre que j’ai accompli toutes ces choses. Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi, pour que ce peuple sache que c’est toi, le Seigneur, qui es Dieu et qui convertis leur cœur ! » (1 R 18, 36).

C’est Dieu qui convertit les cœurs. Avec force et douceur. C’est la marque de l’Esprit-Saint : sa force nous pousse à aimer jusqu’à la limite opposée par le prochain, dans le respect de sa liberté intérieure. Si celui que vous rencontrez est un ami de la paix, un ami de l’amour, et vous un messager de la paix, un messager de l’amour, votre paix ira reposer sur lui, le respect s’installera entre vous, sinon vous repartirez. Pourquoi rester dans l’hostilité ?

Allez ! L’enthousiasme fait partie de la paix que donne le Christ, promesse de vie éternelle. « Vous verrez, dit Isaïe, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit ». Le Seigneur fait connaître sa puissance : elle est puissance d’amour et de vie, enthousiasme de l’Esprit !

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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