Dans une société liquide, avoir des convictions solides :

13ème dimanche du Temps Ordinaire  - 30 juin 2019

Lc 9, 51-62

 

En entendant certaines paroles de Jésus dans l’évangile, nous devons poser cet acte de foi que Jésus savait ce qu’il disait. Telle est l’omniscience divine de Jésus : il sait ce qu’il dit et il sait ce qu’il fait. Nous, pas toujours. Souvenez-vous des deux disciples Jacques et Jean quand ils demandent à Jésus de siéger à sa droite et à sa gauche dans la Gloire : ‘vous ne savez pas ce que vous demandez’.
De la part de toute autre personne que Jésus, ces paroles qui nous semblent dures et qui le sont objectivement comme de dire à celui qui vient de perdre son père : Laisse les morts enterrer leurs morts -, ces paroles seraient indélicates, blessantes voire insupportables. De la part de toute autre personne que Jésus et à l’adresse de toute autre personne que celui à qui il s’adresse, car nous devons poser cet acte de foi que Jésus sait ce qu’il dit et à qui il le dit. La relation de foi est autant une relation personnelle.

Le propre du Christ est de nous dire ce que nous sommes capables d’entendre, et de faire.

Nous en doutons parfois, au moment où la demande survient : que nous en soyons capables dans l’état de nos forces. Sauf que les demandes de Dieu ne sont pas des mises en demeure. Elles ne sont pas radicales dans leur mise en œuvre. En amour il n’y a pas d’ultimatum. En amour, tout est discutable, négociable, tout est nécessairement concerté. Le temps est au service de l’amour. Un village de Samaritains refuse de recevoir Jésus parce qu’il se dirige vers Jérusalem : ce n’est pas une raison pour les maudire, les damner ou les foudroyer. Leur refus est exposé dans l’évangile de saint Jean par une Samaritaine : « Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites : C’est à Jérusalem qu’est le lieu où il faut adorer ». Qui croire ? Jésus lui dit : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père ».
« Crois-moi, femme ». Le Christ l’invite à poser un acte de foi, dont l’évangile de ce dimanche nous donne trois conditions.

D’abord, l’acte de foi est une réponse à une parole de Dieu. Avez-vous remarqué qu’à la messe nous ne commençons pas par réciter le Credo ? Nous professons notre foi, la foi de l’Eglise au milieu de la messe après avoir écouté les lectures et l’homélie, en réponse à la Parole de Dieu.
Chaque matin quand je vais marcher, je commence par la prière de l’Angélus et le Credo, et longtemps je me suis demandé quelle prière réciter en premier ? Le Credo ou l’Angélus ? L’Angélus avec ses versets de l’Ecriture pour que le Credo, mon acte de foi soit une réponse au Seigneur. Sinon ce n’est pas un acte de foi.
C’est le défaut ou l’erreur de cet homme qui se présente à Jésus et lui annonce sa décision de le suivre « partout où tu iras ». Tu te trompes, dit Jésus : ce n’est pas toi qui décides. Moi-même, dit Jésus, je fais comme le Père me l’a dit, et non pas selon ma volonté à moi.
Je pense à mon ami Grégoire dont j’ai baptisé le deuxième fils, et qui rechigne ou renâcle à épouser la mère parce qu’elle ne cesse de lui demander : il ne veut pas céder à la pression. Il ne veut pas que ça vienne d’elle. Il veut que ça vienne de lui alors que l’appel vient de Dieu, c’est la 2ème lecture de ce dimanche : « Vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme » (Gal 5, 13).
La deuxième condition de l’acte de foi est illustrée ensuite par l’homme qui demande à Jésus la permission de faire son devoir, aller enterrer son père ! On imagine la scène : Jésus est en train de parler ; arrive quelqu’un qui annonce à l’oreille d’un des hommes présents la tragique nouvelle. L’homme lève la main, il s’excuse de devoir partir. Non ! ce n’est pas ce que dit l’évangile ! L’évangile raconte un appel semblable à celui des premiers apôtres : Suis-moi ! Pensez au tableau de Caravage, l’appel de Matthieu : toi ! Ici, la réponse est absurde, l’enterrement dans ces pays ayant lieu immédiatement, le jour même. Il est plus probable qu’il s’agit, après l’enterrement, de l’héritage, du partage des biens.

J’ai reçu la visite d’un couple de fiancés, baptisés et pas pratiquants du tout. Elle veut un mariage religieux, lui y consent, bien qu’il ne jure que par la raison et la science. Je l’interroge sur ce qu’il se passe après la mort. Et voilà, à ma grande surprise, qu’il me parle d’une survie de l’âme, une possible réincarnation. Il sait qu’il a une âme ! Joie ! Je me suis frotté les mains : il est prêt à découvrir l’unité de la personne, corps et âme.

C’est la deuxième condition de l’acte de foi : la priorité de l’âme sur le corps.

Nous en arrivons au troisième dialogue de l’évangile, semblable à celui entre Élie et Élisée dans la 1ère lecture. Élisée était au travail, il labourait ses champs et il avait presque fini. Arrive le prophète Élie qui jette près de lui son manteau. Élisée comprend que ramasser ce manteau implique de reprendre sa charge. Il fait la même demande que dans l’évangile : « Laisse-moi embrasser mon père et ma mère, puis je te suivrai ». La réponse d’Élie comme celle de Jésus signifie : es-tu bien sûr de toi ? Tu peux encore renoncer.
Que fait Élisée pour montrer qu’il est sûr de lui ? Un holocauste. Il immole les bœufs, brûle l’attelage, donne la viande aux gens de sa maison, s’empêche le retour en arrière. C’est la troisième condition de l’acte de foi : il est coûteux. Il exige un sacrifice. Nous disons un choix. En réalité un sacrifice.

Je viens de marier une jeune femme qui savait, avant de rencontrer son fiancé, que c’était lui : elle avait entendu parler de lui, par des amis, et chaque fois, une voix intérieure lui disait : c’est lui. Il faut imaginer la même chose pour Élisée, avant que le prophète Élie ne passe. Il savait.

Ce triple dialogue de l’évangile donne trois conditions de l’acte de foi.

Il faut d’abord un appel, une Parole de Dieu, car l’acte de foi est une réponse à Dieu. Nous appelons cela de l’obéissance, un minimum d’écoute.
Il faut ensuite que cet appel résonne en nous, suffisamment pour que nous donnions priorité à cet écho : nous appelons cela de la chasteté, la priorité donnée à l’âme sur le corps. Que ça vienne du cœur, pas des tripes.
Enfin, il nécessite un choix, souvent difficile, toujours coûteux, un dépouillement de soi : nous appelons cela de la pauvreté au sens de l’évangile, le renoncement à une partie de soi, pour avancer librement, résolument comme Jésus vers Jérusalem, ‘le visage déterminé’ (Lc 9, 51). Ça fonctionne en miroir : c’est en voyant le visage confiant du Seigneur que je peux lui faire confiance, répondre à son appel, le laisser toucher mon cœur, et aller de l’avant, au large, en profondeur.
Dans une société liquide, en incessantes et rapides mutations, il faut avoir des convictions solides. Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre. Et en Jésus-Christ son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, …

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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