5e dimanche du Temps Ordinaire - 4 février 2018

Mc 1, 29-39

 

Diriez-vous de Jésus que c’est un actif ou un contemplatif ? Un homme très actif à entendre l’évangile, à voir son activité considérable, il guérit et il délivre beaucoup : ses journées sont bien remplies. Moyennant quoi, pour prier, il se lève avant l’aube car c’est la seule façon non de prier mais d’être fidèle dans la prière, en faisant passer Dieu en premier rendez-vous de la journée. Quand on dit de quelqu’un que c’est un actif, on sous-entend souvent actif pour les autres par différence avec le contemplatif qui prend du temps pour lui. C’est un peu schématique : actif pour les autres, contemplatif pour soi.

D’où vient cette idée, assez saugrenue quand on y pense, de vouloir faire quelque chose pour les autres ? Je ne vous parle pas de rendre un service pour s’acquitter d’une dette, ou anticiper une demande susceptible d’arriver ; je ne vous parle pas de renvois d’ascenseur, de services qui fonctionnent en vase clos, à l’intérieur d’un cercle familial ou amical. Je vous parle de faire quelque chose pour des personnes qu’on ne connaît pas et qu’on ne choisit pas. Et de le faire sans attendre en retour, ni payé, ni reconnu ni admiré : « quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Mais toi, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ».
D’où vient l’idée de faire humblement quelque chose pour les autres, qui est la façon de faire de Jésus : il ne cherche pas la notoriété, la gloire qui vient des hommes, et il s’en va dès qu’il est trop connu : il s’en va proclamer l’évangile à ceux qui ne le connaissent pas.

Je suis régulièrement sollicité par des personnes de bonne volonté qui veulent faire quelque chose pour les autres. Parfois, comme à Noël, c’est pour remplacer la prière commune : plutôt que d’aller à la messe, nous voudrions nous occuper des gens seuls ou des pauvres. C’est une belle idée sympathique qui a le défaut d’aggraver la solitude et la pauvreté dont ces personnes souffrent le reste de l’année. Elles me le disent : pourquoi s’occupe-t-on de nous seulement à ce moment-là ?

Je reprends ma question : qu’est-ce qui nous vient à l’esprit pour que nous soyons pris du désir de vouloir faire quelque chose pour les autres ?

Moïse avait été élevé par la fille de Pharaon comme son propre fils, éduqué dans toute la sagesse des Égyptiens. Comme il avait atteint l’âge de quarante ans, la pensée lui vint d’aller visiter ses frères, les fils d’Israël (Ac 7, 21). Cette pensée ne lui vient pas de son éducation. Ce fut une pensée inspirée. Et une révélation : il découvre l’injustice. « Voyant que l’un d’eux était maltraité, il prit sa défense et frappa l’Égyptien pour venger celui qui était agressé ». A ce moment-là, Moïse croit que la justice donne le salut. Il croit qu’en faisant œuvre de justice, il serait leur sauveur. « Il pensait que ses frères comprendraient que Dieu leur donnait, par lui, le salut. Mais eux ne comprirent pas ». C’est le début de ses déboires qui entraînent une longue traversée du désert, avant l’heure, quarante ans à garder des chèvres.

Il y a une question qu’il est interdit de poser aux personnes qui se mettent en tête de vouloir faire quelque chose pour les autres, c’est : pourquoi ne l’avez-vous pas fait plus tôt ?

Juste avant Noël, au 4ème dimanche de l’Avent, la 1ère lecture racontait le réveil du roi David qui disait au prophète Nathan : Regarde, j’habite dans un palais tandis que l’arche de Dieu est sous une tente en toile ! Peut-être est-il nécessaire que nos besoins soient assurés, que nous bénéficions d’un minimum de stabilité, pour que nous puissions nous ouvrir au monde, à Dieu et aux autres ? Non, on trouve autant de générosité chez les pauvres que chez les riches, et elle est même plus impressionnante dit Jésus d’une pauvre veuve qui donne tout ce qu’elle avait pour vivre.

En ce week-end de Journées d’amitié et de fête paroissiale, rendons grâce pour cette réalité sublime de l’Eglise qui est dans l’Histoire le plus haut lieu de charité et de générosité, dans les domaines les plus divers. Les Chrétiens qui ne sont pas fiers de l’Eglise sont des ignorants ou des ingrats.
Rencontrant des jeunes au Chili le 17 janvier dernier, le Pape François a commencé par leur parler de leur pays « parce que le chemin vers l’avant, les rêves qui doivent se réaliser, le fait de toujours regarder l’horizon, cela doit se faire les pieds sur terre, et cela commence les pieds sur la terre de la patrie. Et si vous n’aimez pas votre patrie, je ne crois pas que vous puissiez aimer Jésus et que vous puissiez aimer Dieu ».
On peut dire semblablement : si vous n’aimez pas votre patrie qui vous a vu naître, nourri, soigné, protégé, enseigné, formé, vous aurez aussi du mal à aimer l’Eglise, qui vous a enfanté à la vie nouvelle, patrie du Ciel et de la terre. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ?
Malheur à moi si je n’aimais pas l’Eglise ! qui me nourrit, me soigne, m’instruit, me protège, et me rapproche de Dieu et des autres.

Je voudrais ajouter trois réflexions, d’abord à l’intention de ceux qui ont un désir de faire quelque chose pour les autres, mais ce peut être un désir de voyage, de rencontre d’autres cultures, d’expression artistique, de quelque apprentissage ou découverte que ce soit, et qui se disent : je ferai cela plus tard. Quand j’aurai le temps. Si vous avez ce désir, faites-le maintenant. Si ce désir est vrai et au plus profond de votre cœur, honorez-le maintenant. Et si vous avez le désir de l’amour, de la plénitude de l’amour, et donc de Dieu, n’attendez pas d’être vieux.

S’agissant de l’aide à rendre aux autres, de services que vous pourriez rendre dans l’Eglise, dans une association ou un parti, il faut que vous sachiez que si vous ne le faites pas durant votre vie active, il y a de fortes chances que vous soyez inapte après, car le plus difficile n’est pas de faire quelque chose pour les autres, mais avec d’autres, qu’on n’a pas non plus choisis, avec qui on n’a rien d’autre en commun, dans l’Eglise, que Jésus-Christ.

Je m’adresse enfin à ceux qui se sentent débordés, pressurés, saturés, et qui le sont. Je pense à certaines mères de famille (en qui l’Eglise s’est toujours reconnue), qui doivent tout concilier, travail, enfants, maison, parents etc. Et qui souffrent de ce qu’elles vivent comme autant de frustrations et de dispersions. Et à qui certains esprits forts disent, à tort : ‘faire mieux en faisant moins’. La parole exacte nous est donnée dans l’évangile de ce dimanche : Faire mieux en priant plus. C’est en sortant de la synagogue où il venait de participer à la prière commune que Jésus fait toutes ces guérisons. Et dès le matin il se remet devant son Père qui est au Ciel.
Vous pouvez vous sentir comme Job à bout de souffle, ou tout bonnement faible, manquer de fer, de magnésium, de vitamines, que sais-je. Voyez s’il n’y a pas aussi ou surtout un manque de prière. Je vous garantis qu’on peut faire mieux en priant plus. Et faire plus en priant mieux.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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