2ème dimanche du Carême - 25 février 2018

Mc 9, 2-10

J’ai commencé dimanche dernier pour ce Carême une série de réflexions sur la sexualité, et il est bon que nous ayons, après le dimanche des tentations, cette scène de la Transfiguration qui rappelle une donnée fondamentale : la beauté du corps. Le corps de Jésus ne s’efface pas. Il devient lumineux, rayonnant, au point que les vêtements qui le couvrent « devinrent resplendissants, d’une blancheur exceptionnelle telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille ». On est déjà au Ciel au point qu’apparaissent Moïse et Elie deux grandes figures qui ne sont plus sur terre : la porte s’est ouverte sur la vie éternelle où nous serons âme et corps ressuscités. Comme l’enseignait Jean-Paul II, dans la vie éternelle, l’homme conservera sa nature humaine corps et âme. « S’il en allait autrement, parler de résurrection serait dénué de sens ». L’évangile de la Transfiguration est le texte parfait pour des obsèques – c’est celui que je veux ! pour célébrer notre rencontre avec le Christ. Il l’est aussi pour un mariage, pour célébrer l’union des corps.

Dans la majorité des cas les fiancés vivent ensemble avant leur mariage, se connaissent intimement, c’est plus élégant que bibliquement. L’Eglise ne le recommande pas, pour différentes raisons dont la plus claire est la nécessité de se parler, de se parler et de s’écouter longtemps, longtemps avant de se toucher, de sorte que le langage du corps soit un aboutissement, un accomplissement, et non un expédient.
Je voudrais lever un malentendu sur la robe blanche de la mariée. Elle n’est pas le symbole d’une virginité physique qui garantissait au marié la paternité du premier enfant. Nous avons avec l’ADN des façons plus efficaces de s’en assurer, sachant que la filiation est bien plus que charnelle.

Que représente la robe blanche de la mariée ?

La foi. C’est la robe du baptême. Elle ne représente pas une virginité charnelle et mythique – Oui : mythique ! mais une virginité spirituelle et mystique de la foi de l’Eglise. Le sacrement du mariage célèbre l’union du Christ et de l’Eglise, sans que le marié ait à jouer le rôle de Jésus autrement qu’en prenant exemple sur lui : « il a aimé l’Église, il s’est livré lui-même pour elle », jusqu’à la mort et la mort de la croix.

Le mariage chrétien est une alliance, l’alliance de Dieu et de l’humanité, une alliance et non un contrat : dans un contrat, si une des deux parties manque à ses engagements, l’autre en est dégagée. Dans le mariage catholique, si l’un des deux, homme ou femme, manque à ses engagements, l’autre reste lié, pour signifier la fidélité de Dieu à notre égard : même quand nous sommes infidèles, Lui reste fidèle car il ne peut se renier lui-même. Ce mystère est grand ! Les fiancés à qui je l’expose opinent : oui, oui, mais s’en rendent-ils vraiment compte ? Surtout ceux qui ne mettent pas les pieds à l’Eglise, qui ne contemplent pas chaque semaine le contraste entre la fidélité de Dieu et notre faiblesse.

Au jour du mariage, nous ne célébrons pas le début de la vie intime du couple. C’est bien quand c’est possible. Ça ne l’est pas toujours … Mais qu’on arrête de nous prendre pour des benêts ou des hypocrites. On sait bien que la plupart se connaissent physiquement, bien plus que psychologiquement, et encore moins spirituellement.
On pourrait faire la comparaison avec la communion privée et la communion solennelle : au mariage commence l’union solennelle des corps, une union voulue, bénie, consacrée par Dieu lui-même comme source de plaisir, de joie et de vie. Ou encore, l’union intime en dehors du mariage et celle qui est consacrée est comparable à la différence entre notre lien intime avec le Christ en cette vie et ce que nous connaîtrons après notre mort, au moment de notre entrée dans la vie éternelle. L’union au Christ que nous vivons à chaque eucharistie en communiant à son Corps préfigure celle que nous connaîtrons dans la vie éternelle.

Je vous ai dit dimanche dernier le choix résolu du Christ d’instituer la messe lors d’un repas, de fonder la messe sur un repas qui est un besoin universel, plutôt que de recourir à quelque symbolisme charnel qui aurait été excluant. Pour autant, on peut relever plusieurs similitudes entre la messe et l’union intime des époux : la sexualité  est semblable à une liturgie.

Elle a ceci de comparable à la messe qu’elle est une rencontre sacrée, mutuelle et joyeuse, et non la satisfaction du désir de l’un des deux, indépendamment de l’autre. Elle se prépare, se célèbre comme une liturgie. Evidemment si vous prenez exemple sur la plupart de nos messes, je comprends qu’on fasse grise mine …

Deuxième similitude, elle n’est pas uniquement physique. De même qu’il n’y a rien de plus triste que des baptisés qui pensent à autre chose pendant la messe, l’intimité amoureuse est autant spirituelle que physique. Cela nécessite de la pudeur, de l’attention à l’autre, de la délicatesse. Il en va de l’égalité de l’homme et de la femme, du respect de la dignité et de la liberté de chacun, dans sa réalité biologique, morale et spirituelle.

Troisièmement, de même que la grandeur de la sexualité vient de son ouverture à la vie, la grandeur de la messe vient de son ouverture à la charité. La fécondité n’est pas seulement charnelle. Le caractère sacré de la sexualité fait qu’elle n’est pas un jeu, mais un cérémonial, une liturgie. C’est la raison pour laquelle nous demandons aux époux de faire un usage complet de leur corps : de prier ensemble, de se souvenir que nous avons un corps pour prier.

Enfin, de même que la messe célèbre un repas et un sacrifice, il y a dans la sexualité humaine un plaisir à honorer, une action de grâce pour ce qui est bon et une part oblative, d’offrande de soi. Et c’est là aussi que se trouve la joie ! Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Il y a plus de joie à faire plaisir à l’autre qu’à se faire plaisir à soi. Le plaisir comme la joie se donne, se reçoit, mais ne se prend pas. Un vieil adage disait aux filles qu’il faut souffrir pour être belle, qui est une phrase ouverte à toutes les manipulations. La réalité et la vérité du Carême est qu’il faut souffrir pour être éternel, « passer par bien des épreuves pour entrer dans le Royaume des Cieux ». A ceux qui s’étonnent de la part que nous accordons au sacrifice, je demande : vous connaissez un amour qui ne fasse pas souffrir ? Qui ne porte pas en soi cette exigence du sacrifice de soi ?
« Après avoir prédit sa mort à ses disciples, le Christ les mena à la montagne sainte ; en présence de Moïse et du prophète Elie, il leur a manifesté sa splendeur : Il nous révélait ainsi que sa passion le conduirait à la gloire de la résurrection ».

L’Eglise invite les époux à vivre l’intimité amoureuse et sexuelle comme une liturgie, comme une rencontre réciproque qui engage âme et corps, qui ouvre à la vie, et qui est la joie de l’offrande, de l’amour qui transfigure et rayonne. Plutôt que de parler aux couples de leur intimité physique, nous ferions mieux de demander à tous les amoureux : « Vous avez déjà prié ensemble ? ».

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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