Nuit de Pâques - 20 au 21 avril 2019

Lc 24, 1-12

 

Qu’est-ce qui amène des adultes comme Leslie, Frédéric, Axel et Yoan, à demander le baptême ? Vous leur demanderez individuellement : il ne m’appartient pas de répondre à leur place. Et ils vous répondront peut-être dans vingt ans. Ils vous répondront avec plus de recul dans vingt ans comme chacun de nous pour les grands choix de notre vie : il n’y a rien de plus difficile que de dire ce qui nous attire chez quelqu’un, ce que nous aimons chez une personne que nous voulons mieux connaître, avec qui nous voulons partager les moments forts de notre existence, surtout quand cette personne est le Christ, vrai homme et vrai Dieu.

Lors de notre réunion du Catéchuménat du début du mois, nous avons parlé du sacerdoce et de la vocation, de l’appel personnel que Dieu adresse à chacun. C’est une des lectures les plus souvent choisies pour le baptême des petits enfants, où Paul dans la Lettre aux Ephésiens dit : « je vous encourage à suivre fidèlement l’appel que vous avez reçu de Dieu. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même, il n’y a qu’un seul Corps et un seul Esprit ».

Qu’est-ce qui amène des adultes à entrer au Catéchuménat et à demander le baptême ?

Je vous propose 4 réponses, qui ne correspondent pas aux quatre baptisés de ce soir, mais aux quatre lectures que nous avons entendues, qui sont quatre expériences fondamentales de l’existence, les 4 expériences spirituelles du chrétien :

• L’émerveillement devant la Création.
• La confiance d’Abraham quand Dieu lui demande son fils.
• La joie de la libération de l’esclavage d’Egypte.
• Le mystère de la vie intérieure, de la présence en nous de l’Esprit-Saint.

Quand l’homme vit la femme que Dieu lui donna en vis-à-vis, il poussa un cri d’émerveillement : elle est à la fois la même et une autre que lui. Ce récit ancien a été heureusement précédé du premier récit de la Création dont nous avons entendu une petite partie, où homme et femme sont à égalité. Homme et femme il les créa, à son image il les créa, à l’image de la Trinité où les trois personnes sont à parfaite égalité de nature et dans une indivisible unité.
Ce cri d’émerveillement retentit de façon nouvelle à la Résurrection quand ceux qui voient le Christ ressuscité voient son corps pareil au nôtre et totalement autre, qui échappe désormais aux contraintes de l’espace et du temps.

Notre regard d’émerveillement devant la Création va au-delà d’une émotion esthétique, d’une fascination pour la grandeur de l’univers : elle va jusqu’à la dignité sublime et transcendante de la personne humaine, créée homme et femme à l’égal de Dieu.

Voilà la première promesse réalisée au Jour de Pâques quand le Christ ressuscité qui n’avait appelé auprès de lui que des hommes, tient alors autant compte des femmes que des hommes.

Cela m’amène à la deuxième promesse d’égalité, à la deuxième expérience fondamentale que je relie à la 2ème lecture de ce soir, du sacrifice d’Abraham, où il ne s’agit plus de l’égalité ni de l’altérité entre homme et femme, mais entre père et fils. Nous y sommes moins sensibles alors qu’elle est le signe qui ouvre l’évangile avec Jean Baptiste : l’ange annonce à Zacharie que sa supplication a été exaucée, que sa femme Elisabeth va enfanter un fils, et tu l’appelleras du nom de Jean. Il sera rempli d’Esprit Saint dès le sein de sa mère et il ramènera de nombreux fils d’Israël au Seigneur, leur Dieu. Il marchera devant lui avec l’esprit et la puissance d’Elie, pour ramener le cœur des pères vers les enfants et les rebelles à la prudence des justes, préparant au Seigneur un peuple bien disposé » (Lc 1, 17). Ramener le cœur des pères vers leurs fils est le signe d’un peuple bien disposé.

La deuxième expérience chrétienne, après l’égalité de l’homme et la femme, est l’égalité entre générations, des parents et des enfants. Vous n’avez qu’un seul Père, qui est aux cieux : laissez les enfants venir à moi dit Jésus, car le Royaume est à ceux qui leur ressemblent, qui sont capables d’entrer dans cette relation filiale consacrée par le baptême. Lorsque vous priez, dites : Notre Père. Nous avons vu le modèle de confiance que représente Abraham lorsque Dieu lui demande son fils : l’obéissance à Dieu est récompensée.

Dans la 3ème lecture, ce n’est plus l’obéissance mais l’espérance qui est récompensée, lorsque le peuple est libéré de l’esclavage qu’il vivait en Egypte. Cette expérience de libération est la plus forte et la plus difficile, dans l’usage de la liberté recouvrée, comme le montrent les quarante ans passés au désert, quarante ans cette génération m’a déçue, qui à peine libérée regrettait déjà les oignons d’Egypte, le confort de la prison. Voilà pourquoi au sacrement du baptême, vient s’ajouter celui de la Confirmation, où Dieu confirme sa volonté d’habiter en nous, par le don de l’Esprit saint, qui implique en retour l’accueil de cet Esprit, dans une relation quotidienne. Libérer signifie rentrer chez soi, retourner à la Maison, se retrouver soi-même.

Ce don de l’Esprit est la 4ème lecture que nous avons entendue, du livre d’Ezéchiel, promesse de la vie intérieure. Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez : en réalité, j’ai mis en vous mon esprit, prenez en conscience pour vivre heureux et pleinement. Cette 4ème expérience est la plus aboutie, de la prière du cœur et non plus du bout des lèvres, de la prière personnelle et de la vie intérieure, de la présence en nous de l’Esprit-Saint.
Ainsi, il n’y a plus l’homme et la femme, il n’y a plus l’adulte et l’enfant, le fort et le faible, le grand et le petit, le riche et le pauvre, il n’y a plus le maître et l’esclave, il n’y a plus le juif et le païen, sont désormais réconciliés l’être intérieur et extérieur, le visible et l’invisible : tous vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus.

Au début du Carême, j’ai mis devant cet autel l’image d’une lune lumineuse au-dessus des eaux de la mort, en prévision de cette nuit de Pâques, dont je vous disais qu’elle était pour les Pères de l’Eglise la 4ème nuit de l’histoire, qui accomplit trois nuits de l’Ancienne Alliance : la nuit de la Création avec Adam, la nuit de l’Alliance avec Abraham, et la nuit de la Libération avec Moïse. Cette 4ème nuit, nuit de l’immortalité, nuit de la Résurrection, est celle qui fait de nous des enfants de Dieu, frères en Jésus-Christ.

La question dès lors n’est plus pourquoi certains demandent le baptême, mais pourquoi nous sommes chrétiens ? Pour la joie de l’être, pour les quatre joies que Dieu nous donne : joie d’une naissance  nouvelle, de naître à soi-même, joie de la confiance en un Dieu qui nous aime, joie de la libération des ennemis, joie profonde de l’Esprit. Alléluia ! Chante Alléluia au Seigneur !

Père Christian Lancrey-Javal, curé

Vous avez la possibilité de recevoir les homélies du Père Lancrey-Javal en remplissant ce formulaire

Article précédent
Quand tu sauras pleurer :
Article suivant
Venez, entrez dans l’Amour :