Jour de Pâques - 21 avril 2019

Jn 20, 1-9

 

Pourquoi le Christ ressuscité n’est-il pas monté directement au Ciel, à la droite du Père ? Que signifie la période de quarante jours qui s’ouvre aujourd’hui, avant son Ascension ? Qu’est-ce que cela nous dit de la Résurrection ?

L’événement du matin de Pâques est la disparition du tombeau, du corps de Jésus : le tombeau est vide. Il n’a disparu que du tombeau : il est ressuscité. Ressusciter signifie revenir de la mort à la vie, réapparaître. Il réapparaît de façon diverse, d’abord selon saint Matthieu aux femmes venues au tombeau : « Elles virent un Ange qui les avertit : « je sais bien que vous cherchez Jésus, le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit ». Quittant le tombeau, émues et pleines de joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples. Et voici que Jésus vint à leur rencontre » (cf. Mt 28, 1-10).
Pour saint Jean, l’apparition est à Marie-Madeleine revenue auprès du tombeau : elle le prend pour le jardinier. Saint Luc s’attache à deux disciples que Jésus rejoint sur la route d’Emmaüs : ils ne le reconnaissent pas. Retournés, c’est le cas de le dire, à Jérusalem, « ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui dirent : « C’est bien vrai ! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon ! » Et eux de raconter ce qui s’était passé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain » (Lc 24, 34-35).

Cette apparition à Simon-Pierre est confirmée par saint Paul qui atteste que Jésus « est apparu à Céphas (Pierre), puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de 500 frères à la fois. Ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Et, en tout dernier lieu, il m’est apparu à moi aussi, comme à l’avorton. Car je suis le moindre des apôtres ; je ne mérite pas d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Eglise de Dieu » (1 Co 15, 5-9), façon de dire que ces apparitions échappent à nos critères.

Je me souviens d’une des premières personnes auprès de qui j’étais quand elle est morte. Nous étions trois, elle, sa fille et moi. Je lui avais donné la communion le dimanche précédent : un petit morceau car elle était épuisée. Au moment où j’avais déposé Jésus-Hostie sur sa langue, elle s’était figée, le Corps du Christ sur la langue ! Que faire ? Le laisser, le récupérer ? J’ai prié un ‘Je vous salue Marie’ et cette femme a suivi, remué les lèvres avalant l’hostie ! L’infirmière était médusée : voilà ce que je devrais faire pour les médicaments ! Quelques jours après, elle s’endormait dans la mort et, alors que nous étions dans la chambre auprès du corps sans vie, sa fille m’a demandé : ‘Où est son âme ? Est-elle dans la pièce, au plafond, ou est-elle partie ?’.

Où va l’âme quand elle quitte le corps ?

L’âme de Jésus est descendue aux enfers, qui n’ont rien à voir avec l’enfer, qui étaient au pluriel le lieu d’attente avant la Résurrection du Christ. Une ancienne homélie qu’on lit le samedi saint relate de façon grandiose l’émotion d’Adam et Eve et de tous ceux qui étaient morts dans l’espérance du Salut quand ils ont vu Jésus : « Abraham, votre père, exulta à la pensée qu’il verrait mon Jour. Il l’a vu et fut dans la joie » (Jn 8, 56). Jésus « est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts, et il est monté au Ciel » – quarante jours après. Voilà le problème : qu’il ne soit pas monté tout de suite au Ciel.

Pourquoi le Christ ressuscité, sorti du tombeau, est-il allé à la rencontre de ceux qu’il aimait ? Il n’est pas apparu à ceux qui ne l’aimaient pas. Le Christ ressuscité est apparu aux personnes qui étaient ses amis ou avaient envie de l’être, qui le cherchaient, qui étaient capables de l’accueillir, qui allaient déjà à sa rencontre.

C’est ainsi qu’il est ressuscité. Il ne s’est pas ressuscité tout seul. Pas plus que son Père ne l’a ressuscité sans lui. Il est ressuscité par la force de l’amour qu’il avait pour son Père et que son Père avait pour lui. Je m’explique. Pour qu’il y ait une rencontre, il faut que chacun aille vers l’autre. Sinon c’est une visite. C’est déjà bien. Nous en avons fait une fête, la Visitation, sauf que c’est une rencontre, de Jésus et Jean-Baptiste dans le sein de Marie et Elisabeth. C’est ce qui se passe au matin de Pâques, quand les femmes, ici Marie-Madeleine se rend au tombeau : elle « vient de bonne heure au tombeau, comme il faisait encore sombre, et elle aperçoit la pierre enlevée. Elle se rend en hâte auprès du chef des apôtres, qui est avec l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et ils se rendent à leur tour en courant au tombeau ». Elle court les chercher ; ils viennent en courant : c’est beau ! Pour qu’il y ait une rencontre, il faut que chacun aille vers l’autre, avec le cœur. Pareil pour l’amour. Pareil pour la Résurrection.

Que chacun aille à la rencontre de l’autre. En Dieu le mouvement est entier et infini, il vient à nous de tout son être, et il continue d’aimer et de se donner même à ceux qui ne l’aiment pas, parce que Dieu est Amour. Il nous demande de faire pareil, d’aimer ceux qui ne nous aiment pas, nos ennemis, d’être confiants dans la force de l’amour, d’aimer comme lui jusqu’au bout, comme nous l’avons vécu cette semaine : Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Jusqu’à la mort sur la croix.

Nous ne ressusciterons pas malgré nous. La Résurrection ne se fera pas de façon automatique, ni passive : cela supposera un minimum de bonne volonté de notre part. Souvenez-vous de la parabole du fils prodigue, quand le père sort supplier le fils aîné de se joindre à la fête : il refusait d’entrer. La fin de la parabole laissait la porte ouverte, aux croyants le choix de retrouver les débauchés au paradis.

Comment Jésus est-il ressuscité ? Par la même force de son amour pour son Père et de son Père pour lui ! Chacun va éternellement l’un vers l’autre dans l’amour : c’est la grandeur de la sainte Trinité.

Un jeune homme que sa chérie pressait de se déclarer et de l’épouser, et qui se tâtait, hésitant à la demander en mariage, à se mettre à genoux devant elle, est venu discerner avec moi. Ce qui le gênait était la sensation de soulagement que suscitait en lui l’idée d’une séparation. J’ai passé le temps d’un déjeuner à examiner avec lui ce qui pouvait le retenir de se marier, les sacrifices auxquels il n’était pas prêt. Rien ! Aucun sacrifice, aucun renoncement à faire : il avait déjà changé de travail pour se rendre plus disponible. Rien ne le retenait, sauf que l’attirance n’était pas assez forte. Il n’était pas prêt à aller vers elle dans l’amour. Pour qu’il y ait amour, il faut que chacun aille vers l’autre : si chacun campe sur ses positions, on peut demeurer longtemps à distance.
Le Jour de Pâques les disciples étaient enfermés dans la peur. Deux sortent de Jérusalem, vers un village nommé Emmaüs : Jésus ressuscité va à leur rencontre, les rejoint sur la route, écoute leur tristesse avant de parler à leur cœur, de le rendre tout brûlant du feu de l’amour, du feu des Ecritures.

Pour qu’il y ait rencontre, il faut que chacun aille vers l’autre : c’est la condition de l’évangile. Souvent nous nous réfugions dans les limites de l’église visible, nous étonnant que ceux qui viennent ne nous trouvent pas très accueillants. Ou bien nous allons à la sortie du métro sans nous demander si ça plaît à ceux qu’on stoppe. Et si nous cherchions une juste mesure ? qui consisterait à accueillir ceux qui viennent en faisant autant d’efforts qu’eux.

Aller l’un vers l’autre dans l’amour. C’est ainsi que le Christ est ressuscité, par l’amour de Dieu. Avant de monter au Ciel, il est allé à la rencontre de ses amis, quarante jours auprès d’eux, pour nous rappeler qu’on ne peut pas aller vers Dieu sans aller aussi vers les autres.

Jésus-Christ est ressuscité par la force de l’amour du Père avec qui il vit dans une communion éternelle de lumière et de joie, et, avant de monter au Ciel, il s’est rendu auprès de ceux que le Père lui avait donnés, pour redire tout son Amour. Venez, nous dit-il, entrez dans ce même amour.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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