2ème dimanche de l'Avent - 10 décembre 2017

Mc 1, 1-8

Une femme qui allait, après des années, renouer avec la communion, communier de nouveau à Jésus-Hostie, est venue se confesser. Elle ne l’avait pas fait depuis des années. Elle s’y est soigneusement préparée, à l’image du peuple rassemblé autour de Jean-Baptiste. On peut dire qu’il n’avait pas communié depuis longtemps, depuis que la Gloire de Dieu avait quitté le Temple de Jérusalem. Il communiait lui aussi spirituellement par sa fidélité à écouter.

Oui, on peut faire la comparaison : le peuple d’Israël était du temps de Jésus comparable à un baptisé que les aléas de l’existence ont éloigné de la communion sacramentelle. Le Temple avait été détruit, et après un long exil, reconstruit. Et voici que Jean-Baptiste, à la suite de tant de prophètes, annonce un nouveau départ « dans l’Esprit Saint ».

Cette femme est venue se confesser et, en un éclair, j’ai compris pourquoi l’hostie était ronde. Vous pouvez penser à la chanson du groupe Téléphone : « je rêvais d’un autre monde, où la terre serait ronde, où la lune serait blonde ». Imaginez un jeu télévisé où ‘N’oubliez pas les paroles’ seraient celle de la Bible ! On pourrait le faire avec chacune des lectures de ce jour, celles du psaume par exemple : « J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles ».

L’hostie est ronde, car le désir de cette femme, son rêve était de douceur et d’harmonie, de se sentir moins tiraillée, divisée, dispersée. Nous portons tous ce désir d’harmonie ? Ce rêve d’unité et de liberté ? Je ne sais pas. Je sais que le Christ donne cette harmonie et c’est la raison pour laquelle l’hostie est ronde.
Quand nous recevons le Corps du Christ, nous ne mâchons pas l’hostie : nous la laissons fondre et descendre en nous pour que le Christ devienne le soleil intérieur de notre existence, le point de convergence qu’annonce Jean-Baptiste.

Il faut donner quelques éléments de compréhension de la prédication de Jean-Baptiste : Préparez le chemin ! Ce qu’on attend d’un chemin, d’une route n’est pas qu’elle soit facile ni plate mais qu’elle conduise quelque part. Que serait un chemin qui ne conduirait nulle part ? Non pas qui s’arrête, se heurte à un mur et soit une impasse, mais qui continuerait à l’infini : un cauchemar. C’est ce que l’Ecriture appelle un chemin de perdition, autre nom de l’enfer. Vous êtes sur une route, interminable, et plus vous avancez, plus vous vous éloignez, de vous-même.
Jean-Baptiste représentait un point de convergence : « Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui ». Et lui prévenait : ce n’est pas moi. Exactement comme moi prêtre je me tiens devant vous en précisant : ce n’est pas moi.

Le peuple du temps de Jésus avait un avantage : il ne croyait pas aux individualités isolées, ni à à l’harmonie perso. Il se rendait en foules auprès de Jean-Baptiste, comme il se rendra en foules auprès de Jésus, avec une conscience exacerbée de la justice et de l’harmonie sociale, communautaire. Ils « reconnaissaient publiquement leurs péchés » car il s’agissait de péchés publics. J’en veux pour preuve les conseils que Jean-Baptiste donnait à ceux qui lui demandaient : Que devons-nous faire ?
Jean-Baptiste répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! ». Aux collecteurs d’impôts : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé ». Aux soldats : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre salaire » (Lc 3, 10-14). Nous ne devrions rien dire de plus, en matière de morale : partager, obéir, renoncer à la violence, ne jamais accuser à tort, se contenter de ce qu’on a.

Notre rôle à nous prêtres est de montrer le chemin, sans le compliquer en multipliant les obstacles, les exigences et les obligations. Nous ne sommes pas des douaniers, chargés de surveiller les frontières, taxer les entrées, mais des guides du Royaume, pour accueillir et aider chacun à trouver son chemin, pour vérifier sa convergence, qu’il conduit bien vers le Christ. Mieux, que ce Chemin est le Christ.

Qu’est-ce que l’harmonie ?

Techniquement, c’est une des quatre composantes de la musique, avec le rythme, la mélodie et le timbre. Par différence avec la mélodie qui représente leur succession, l’harmonie suppose une simultanéité de notes : elle définit leurs conditions d’ajustement et d’assemblage à un instant donné. Il peut s’agir de sons, mais aussi de couleurs, de proportions et de personnes : pour qu’il y ait harmonie, il faut qu’on puisse les regrouper dans un ensemble. L’harmonie est la capacité pour un élément de trouver sa place dans un ensemble de sorte qu’y soit reconnue sa valeur et que la valeur totale de l’ensemble y gagne, pour le bonheur de tous.

Le Pape François en a fait un des quatre principes de la Joie : le temps est supérieur à l’espace (la vie est d’abord une histoire : la mélodie est préalable à l’harmonie). L’unité prévaut sur le conflit (l’exclusion n’est pas un a priori : elle est une erreur ou en tout cas un échec car il y a de la place pour chacun). La réalité est plus importante que l’idée (c’est la différence entre ces deux réalités invisibles que sont les esprits et les idées : les idées sont des outils). Et le tout est supérieur à la partie (La Joie de l’Evangile, n. 237).

Le tout est supérieur à la partie : c’est la condition de l’harmonie.

Ce tout n’est pas totalitaire. L’hostie est ronde et non pas sphérique. La sphère est une fausse image de l’harmonie : elle n’a pas l’humilité de l’hostie, qui se livre à nous, avec douceur, ouverte comme une note de musique.

L’inconvénient d’une sphère, outre qu’elle est fermée, est qu’elle ne fait pas de différence entre les points qui la composent : chaque point est équidistant du centre. Le pape François lui préfère le polyèdre, à plusieurs bases (du grec hedra, base), où tous les éléments sont respectés dans leur spécificité. Telle est l’Eglise du Christ : tous, « même les plus pauvres y entrent avec leur culture, leurs projets, leurs potentialités. Même les personnes qui peuvent être critiquées pour leurs erreurs ont quelque chose à apporter qui ne doit pas être perdu. C’est la conjonction des peuples qui, dans l’ordre universel, conservent leur propre particularité ; c’est la totalité des personnes, dans une société qui cherche un bien commun, qui les incorpore toutes en vérité ».

Le seul à même de réaliser cette harmonie est le Christ.

Mes amis, comment faire pour que nos amours s’assemblent, s’harmonisent ? Comment faire quand les personnes que nous aimons ne s’aiment pas entre elles ?
C’est la tristesse de Dieu devant nos conflits. Quelle tristesse quand une femme me dit que son mari et ses enfants n’aiment pas Dieu qu’elle aime de tout son cœur.

Dans un orchestre, la tentation de chaque instrument est de penser que ce sont les autres qui jouent faux. Comment le savoir ? L’évangile est une partition de musique ; le Christ est le maître de chœur (à tous les sens du son) : la clé de l’harmonie.

La seule façon pour nous de jouer juste est de connaître l’éternelle musique de l’évangile, de regarder le Christ, le chef de notre foi, et de porter attention aux autres, pour trouver ensemble l’harmonie.

Lire l’évangile, regarder le Christ, écouter les autres, pour trouver ensemble l’harmonie.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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