28ème dimanche du temps ordinaire - 11 octobre 2020

Mt 22, 1-14

 

Ce sont deux versions assez différentes que donnent saint Matthieu et saint Luc de cette parabole. Celle de Matthieu, qui s’adresse aux grands prêtres et aux pharisiens,est violente, dans la continuité de la parabole des vignerons assassins de dimanche dernier. Saint Luc s’en tient à la défection des invités, soulignant leur grossièreté par des excuses invraisemblables : « Le premier dit : “J’ai acheté un champ, et je suis obligé d’aller le voir ; je t’en prie, excuse-moi.” Un autre dit : “J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je pars les essayer ; je t’en prie, excuse-moi.” Un troisième dit : “Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne peux pas venir” (Lc 14, 18-20). Au moins les deux premiers s’excusent : “je t’en prie, excuse-moi”. C’est un signe de reconnaissance du chrétien, la capacité à s’excuser, le premier acte de la messe : Excuse-moi, Seigneur.

Matthieu se limite à dire que les invités ne tinrent aucun compte de l’offre du roi et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce, et que les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. La colère du roi est proportionnée à la réaction des invités qui sont alors traités de la façon dont ils se sont comportés : « il fit périr les meurtriers et incendia leur ville ».C’est un enseignement constant de l’Evangile qui fonde la doctrine de l’auto-jugement : la mesure dont nous nous servons pour les autres servira pour nous.

Il nous faut maintenant comprendre le refus des invités. Pourquoi refusent-ils l’invitation ?

Pas le temps : trop de choses à faire ? La piètre estime dans laquelle ils tiennent le roi, vu la façon dont ils traitent ses envoyés, les serviteurs ? Le sentiment d’impunité ? La bêtise au regard aux conséquences ? Il y a une raison plus profonde : ils n’ont pas envie de se retrouver ensemble à cette fête. C’est un levier crucial des rassemblements humains : j’y vais si t’y vas. A contrario je n’y vais pas si untel y est. Les autres déterminent souvent nos choix, les autres invités sont aussi importants que la puissance invitante. Il en va de notre espérance en la vie éternelle : les retrouvailles de nos proches passent avant la rencontre du Christ.

C’est pourquoi l’évangile de saint Matthieu ajoute une scène qui pourrait apparaître comme une deuxième parabole presque indépendante alors qu’elle est l’explication de la première : l’homme qui ne portait pas le vêtement de noce, et qui, interrogé par le roi, garde le silence. Ce Roi est un roi juste qui ne condamne pas sans entendre : ‘Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?’ L’autre garda le silence.

Quel est ce vêtement que l’homme aurait dû porter ? Le baptême ? Oui s’il désigne notre appartenance à la famille des enfants de Dieu : la fraternité humaine par filiation divine. Les deux doivent être tenus ensemble : il nous faut retrouver le sens de Dieu pour retrouver le sens de la famille humaine. Pas de fraternité sans filiation.

Lorsque l’ange Gabriel apporta l’annonce à Marie, elle se rendit avec empressement chez sa parente Elisabeth qui dans sa vieillesse a conçu elle aussi un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu (Lc 1, 36). Pourquoi Marie y va-t-elle ?
Par charité disent les bons élèves, pour l’aider, se mettre à son service. La réponse est plus simple : pour se réjouir avec elle ! Ils avaient tous, tous tellement prié ! C’est la première chose que l’ange dit à Zacharie : ta supplication a été exaucée (Lc 1, 13).

Elisabeth, Zacharie, Marie, tous avaient prié, Marie de tout son cœur. Elle court à travers les montagnes participer à leur joie, communier à leur bonheur. C’était ce que le Roi proposait aux invités à la noce de son Fils : d’entrer dans la joie de leur Maître, de communier à son bonheur.

Notre-Dame de Compassion tu es Notre-Dame de joie : Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon Esprit en Dieu mon Sauveur. Apprends-nous à nous réjouir avec ceux qui sont dans la joie, pour pleurer avec ceux qui pleurent.
Apprends-nous à faire confiance à ceux qui croient. Confiance aux croyants !
Apprends-nous plus de simplicité dans nos erreurs : “Je t’en prie, excuse-moi”.

Voilà quatre signes de reconnaissance du chrétien, quatre signes de fraternité : la joie ! La compassion. La confiance. Et la lucidité : excuse-moi, Seigneur.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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