4ème dimanche du Carême - 10 mars 2024

Jn 3, 14-21

 

Au 4ème dimanche de Carême, nous entendons la guérison de l’aveugle-né qui mendiait à la Porte du Temple. « En sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme aveugle de naissance » (Jn 9, 1). Il faut être cohérent avec le tumulte des marchands à l’intérieur du Temple, et supposer que ce mendiant lui aussi criait, il criait : Pitié ! Ayez pitié !
Il n’était pas le seul mendiant présent. Jésus l’a vu : il l’a regardé. Comme il nous regarde chacun personnellement.
Les disciples ont interrogé Jésus : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? ». Ils n’ont pas pensé à ce qu’ils pouvaient faire pour lui. Ils en étaient encore à chercher à savoir pourquoi il était comme ça, au lieu de se demander comment l’aider.
Il a fallu du temps aux disciples pour comprendre qu’eux aussi étaient des pauvres et des mendiants qui devaient prier et supplier : Prends pitié de nous Seigneur ! Augmente en nous la foi !

Devant Dieu, nous sommes des mendiants.

Un homme avait compris cela, disons qu’il en avait eu l’intuition, l’écrivain Léon Bloy, pèlerin de l’absolu, mais qui, dévoré par ses souffrances et son ambition, avait rajouté à ce titre de ‘mendiant’ l’adjectif absurde d’ingrat, se revendiquant ‘mendiant ingrat’, pour justifier sa colère et ses invectives contre les bourgeois et tous ceux qui ne l’aidaient pas.

‘Je ne demande pas l’aumône !’ : vous connaissez cette réaction d’orgueil de ceux qui veulent fixer eux-mêmes ce qui leur est dû. Eh bien nous si, nous demandons l’aumône. Oui Seigneur, nous sommes des pauvres devant toi, des tout-petits, des mendiants, suppliants, et préserve-nous d’être jamais des mendiants ingrats.
Nous sommes comme la femme syro-phénicienne de l’évangile venue demander la guérison de son enfant, car notre âme est en nous comme un enfant, « comme un petit enfant contre sa mère » (Ps 130). Elle avait tenu bon quand Jésus avait répondu : « Laisse d’abord les enfants se rassasier, car il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ». « Seigneur, les petits chiens, sous la table, mangent bien les miettes des petits enfants ! » (Mc 7, 27).
S’applique à ce dialogue ce que la Préface de la Messe disait Dimanche de la Samaritaine : « En lui demandant de lui donner à boire, Jésus faisait à cette femme le don de la foi. Il avait un si grand désir d’éveiller la foi dans son cœur, qu’il fit naître en elle l’amour même de Dieu ».

De quoi sommes-nous des pauvres et des mendiants ?

Pauvres en générosité, pauvres en vérité, en audace, en patience, en pardon et en compassion, plus prompts à rejeter qu’à accueillir, à donner et à partager. Réticents à donner quand on n’y est pas obligé. C’est pourtant la définition de la générosité : donner librement, gratuitement, alors qu’on n’y est pas obligé.

Dans la série des péchés sources – capitaux que je vous ai proposés pour ce temps de Carême, j’avais prévu de vous parler de l’avarice, ou plutôt de la générosité en ce dimanche de la joie. « Dieu est riche en miséricorde », dit la 2ème lecture de ce dimanche (Ep 2, 4). En Dieu, riche veut dire généreux. Pour nous, ce sont deux choses différentes, être riche et être généreux.

Dieu est « riche en gloire » (Ep 3, 16), « riche en bonté » (Nb 14, 18), « riche en grâce et en fidélité » (Ex 34, 6), de tous ces biens qu’il veut nous donner : il veut tant et tout nous donner ! Dieu a tellement aimé le monde qu’il a même donné son Fils, afin que, par lui, nous soyons unis à Lui.
Dans son enseignement du 24 janvier sur l’avarice, le Pape François rappelait que les moines, qui savaient qu’elle ne dépend pas de la taille de nos biens, « proposaient pour en guérir, une méthode radicale mais très efficace : la méditation sur la mort. Quelle que soit l’accumulation de biens dans ce monde, nous sommes certains d’une chose : nous ne pourrons pas les emporter ».

Il faut lire et relire cette parole de saint Paul dont le pape François avait fait son message de Carême il y a dix ans, en 2014 : « Vous connaissez la générosité de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9).
Jésus s’est fait pauvre pour nous apprendre à prier. Nous l’entendrons aux heures les plus rudes de sa Passion : « Père ! Éloigne de moi cette coupe » (Mc 14, 36), suppliant ses disciples de veiller et prier avec lui : « Simon ! » et dans ce prénom chacun de nous peut se reconnaître, « tu dors ! ». Tu n’as pas la force de prier seulement une heure avec moi ? Une heure le dimanche à la messe ?

Jésus s’est fait pauvre pour que nous comprenions que notre bonheur ne sera jamais dans ce que nous détenons – à l’homme riche qui voulait tout arrêter pour jouir de ses biens, Dieu dit : “Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?” (Lc 12, 20). « Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu », c’est-à-dire généreux.

Simon avait retenu la leçon. Après la Pentecôte, se rendant au Temple avec Jean, ils voient le boiteux de la Belle-Porte. « Regarde-nous ! ». L’homme les observait, s’attendant à recevoir quelque chose de leur part. Pierre déclara : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche » (Ac 3, 6). Il le remet en marche !
Voilà mes amis le trésor auquel nous allons communier : le Corps du Christ, et c’est pour cela que nous pouvons le recevoir les mains tendues comme des mendiants.

Ainsi s’accomplit ce qui avait été figuré par le serpent de bronze élevé dans le désert : « Quand un homme était mordu par un serpent, et qu’il regardait vers le serpent de bronze, il restait en vie ! » (Nb 21, 9) : il se remettait en route. Et le peuple tout entier a pu reprendre sa marche vers la Terre promise.
Allons, mes amis, avançons, poursuivons, reprenons notre marche vers le Seigneur ! Aidons à se relever ceux qui peinent, qui n’en peuvent plus, ou se découragent. Qu’ils se relèvent, grâce au Christ, sera notre joie. C’est ce que nous avons demandé dans la prière d’ouverture de cette messe : un amour généreux et une foi ardente.
L’idéal et le rêve, la sainteté : un amour généreux et une foi ardente !

Seigneur Dieu, par ton Verbe incarné, tu as merveilleusement réconcilié avec toi le genre humain ; accorde au peuple chrétien de se hâter avec un amour généreux et une foi ardente au-devant des fêtes de Pâques qui approchent.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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