6ème dimanche du temps ordinaire - 11 février 2024

Mc 1, 40-45

 

En voyant ce lépreux le supplier, Jésus a été ‘saisi de compassion’. Les anciennes traductions disaient : ‘ému de compassion’. On peut l’imaginer au bord des larmes, les larmes aux yeux, devant la détresse de cet homme – et sa foi : admirable !

En ce 11 février, fête de Notre-Dame de Lourdes, journée de prière pour les malades, je voudrais vous parler des larmes de Jésus, qu’on peut supposer ici, des larmes de compassion devant la souffrance, et de joie devant un tel acte de foi, même si ces larmes ne sont pas explicitement mentionnées mais je vous rappelle que dans l’Evangile on voit Jésus pleurer mais on ne voit pas Marie pleurer.
Trois fois on voit Jésus pleurer : il y a trois mentions explicites des larmes de Jésus dans le Nouveau Testament, deux dans les évangiles, la 3ème dans la Lettre aux Hébreux.

La première fois, c’est au moment de la mort de Lazare. Les sœurs de Lazare lui avaient fait dire : « Seigneur, celui que tu aimes est malade ». En apprenant cela, Jésus avait dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu » (Jn 11, 4).
Je pense à cette femme que cette parole du Christ a portée tout au long de ses vingt-cinq longues années de maladie. Elle était allée à Issoudun demander la guérison, et revenue en pleurant de joie : « Le Seigneur a guéri mon cœur ! ». Depuis, elle rayonnait. Quand on lui demandait si elle souffrait, elle répondait : ‘Joker’.

Arrivé sur place, Jésus voit toute la peine de Marthe puis de Marie qui se jette à ses pieds. Elles lui disent toutes les deux la même chose : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ». Quand Jésus vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion. Bouleversé, il demande : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondent : « Seigneur, viens, et vois ». Alors Jésus se mit à pleurer (Jn 11, 35).
Pour les témoins, ce sont des larmes de douleur de la séparation : « Voyez comme il l’aimait ! ». Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? ».

Il y a une deuxième mention de larmes de Jésus quand il arrive à Jérusalem : « voyant la ville, il pleura sur elle » (Lc 19, 41). Ce sont des larmes de désolation : « Ah ! dit-il, si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! Mais maintenant cela est resté caché à tes yeux ». Le Christ a en cet instant la vision de la destruction du Temple, et faut-il préciser du deuxième Temple, reconstruit des siècles après le 1er au retour de l’Exil.

La 3ème mention des larmes de Jésus se trouve dans la Lettre aux Hébreux qui relate sa prière et son agonie, après le dernier Repas, au Jardin des Oliviers : « Aux jours de sa vie dans la chair, il offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son obéissance » (He 5, 7).
Ce passage a été pendant des siècles l’épisode le plus commenté des larmes de Jésus, larmes d’angoisse (qui n’est donc pas un péché), larmes de supplication.
L’évangile de saint Luc dit que, « entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre » (Lc 22, 44).

Devant le lépreux qui le supplie, Jésus est plus qu’ému : il est saisi de compassion. Il n’est pas saisi ‘malgré lui’ comme si cela le dépassait ou qu’il n’y pouvait rien : il révèle la nature la plus profonde de son cœur de miséricorde et de compassion.
La compassion est plus qu’un sentiment ou un affect : elle est une vertu, une force morale, par laquelle l’être humain accomplit sa dignité, et se conforme à Dieu.

Devant Jérusalem, Jésus pleure parce qu’elle n’a pas écouté Dieu, elle a rejeté, tué les prophètes que Dieu lui avait envoyés, larmes de désolation devant l’injustice des cœurs endurcis.

Pendant sa Passion, les larmes de Jésus viennent du combat spirituel entre volonté humaine et volonté divine : « Père, non pas ma volonté mais la tienne » (Lc 22, 42). Ce sont des larmes d’angoisse devant la mort que nous devons refuser : « éloigne de moi cette coupe ! », des larmes de supplication devant ce qui nous effraye et nous dépasse.

Il serait vain de vouloir établir une nomenclature, la liste de tous les motifs de larmes parce qu’elles peuvent accompagner toutes nos émotions, larmes de joie, de rire, de fatigue, de soulagement etc. Sans compter qu’elles sont relatives : les personnes les plus douloureuses ne sont pas forcément celles qui pleurent le plus, et inversement.
Attachons-nous plutôt à celles que l’Evangile nous montre, de Jésus : de compassion, de désolation, de supplication.

Mercredi prochain commence le Carême dont la 1ère parole est : « Maintenant – oracle du Seigneur – revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! » (Jl 2, 12). Les sept semaines s’achèveront au matin de Pâques quand la même question sera posée deux fois à Marie Madeleine, apôtre des apôtres, grande sainte des larmes : « Pourquoi pleures-tu ? ». Il y aura eu un peu plus tôt, trois nuits avant, les larmes que Pierre a versées après avoir juré qu’il ne connaissait pas Jésus : « il pleura amèrement » (Mc 14, 72. Lc 22, 62). Ces larmes de honte précèdent les larmes de la joie du pardon et de la réconciliation.

La compassion, la désolation, la supplication.

Seigneur, apprends-nous la compassion devant la maladie, l’exclusion.
Seigneur, apprends-nous la désolation devant l’injustice et l’endurcissement.
Seigneur, apprends-nous la supplication, à te prier et te supplier.

Seigneur, apprends-nous à pleurer – nos péchés.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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