3ème dimanche de Pâques - 18 avril 2021

Lc 24, 35-48

 

Quand j’étais au lycée, j’avais changé de section en dernière année, et rejoint une classe que je ne connaissais pas. Un mois après la rentrée, une fille croisée à l’aumônerie vient me prévenir que le chef de classe pour qui j’allais voter, le leader incontesté, était un mytho, un vrai, un mythomane qui inventait sa vie. Pendant plusieurs jours, je me suis demandé lequel des deux mentait. Finalement elle disait vrai et lui racontait effectivement des histoires imaginaires, sans qu’on s’en aperçoive tout de suite. Il a fait une brève et fulgurante carrière politique, avec l’aide de la franc-maçonnerie (non qu’elle ait toutes les tares dont on l’affuble mais quand même une grande liberté à l’égard de la vérité).

Cette fille disait vrai et elle était catholique. Je l’ai retrouvée à la sortie d’une messe alors que je ne l’avais pas vue depuis des lustres. Elle était catholique et elle disait la vérité. Ah ! si les choses pouvaient être aussi simples ! Elles le sont parfois. Le Catholique dit la vérité. « Celui qui dit qu’il connaît Dieu et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur : la vérité n’est pas en lui » (1 Jn 2, 4).
Le 8ème commandement – tu ne feras pas de faux témoignage, est comme le 8ème jour : la promesse d’une vie nouvelle. Lors de la Passion, « les grands prêtres et tout le Conseil suprême cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire mettre à mort, et ils n’en trouvaient pas. Beaucoup portaient de faux témoignages contre Jésus : ces témoignages ne concordaient même pas ! » (Mc 14, 56).

Vous remarquerez l’indulgence de Pierre dans la 1ère lecture lorsqu’il dit : « Frères, je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs » (Ac 3, 17). Un peu comme lorsque nous disons que c’est un malentendu alors que l’autre a vraiment exagéré, mais il faut renouer le dialogue. « Je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs » : saint Pierre est un bon portier du Paradis, plein de la miséricorde dont il a bénéficié.

Je pensais cette semaine aux personnes absentes non de corps (comme Thomas) mais d’esprit, plongées en permanence dans leurs pensées ou leurs rêveries, on disait naguère des rêveurs, non de rave-party mais d’un autre monde. Pathologiquement absorbées. ‘Enfin ? tu ne pourrais pas faire un peu attention ?!’ Les maîtresses de maison me comprennent qui envoient leur mari ou leur fils faire des courses : ‘on dirait qu’ils font exprès d’acheter n’importe quoi, pour qu’on ne les sollicite plus’.
Est-il possible d’être saint et absent en esprit ? On avait un confrère, toujours dans les vapes : on l’appelait l’absence réelle. Une des qualités essentielles de Jésus n’est-elle pas d’être attentif et attentionné, sa profonde et véritable humanité n’est-elle pas dans son attention aux personnes, aux situations et aux choses ? Tout en étant d’une patience et une indulgence admirables. L’évangile témoigne des efforts coûteux que cela suppose : « Génération incroyante et dévoyée, combien de temps devrai-je vous supporter ? » (Mt 17, 17 et Lc 9, 41).

On peut être saint et planer comme on peut être saint et exaspéré par ces désespérants rêveurs, saint et soupe-au-lait comme l’était François de Sales jeune.
De toutes ces réactions de protection, la Sainteté vient nous délivrer.
Jésus ressuscité vient auprès de ses disciples barricadés : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Ici, dans l’évangile de saint Luc : « À vous d’en être les témoins ! ».

Quand je m’impatiente contre ces esprits absents, ces rêveurs dans leur bulle, le Seigneur me demande avec douceur : sais-tu pourquoi ils se sont ainsi réfugiés ? Sais-tu les difficultés, toute l’hostilité qu’ils ont rencontrées ? Crois-tu que c’est en les rudoyant qu’ils reprendront confiance ?
As-tu raison de te mettre en colère ? demande par deux fois le Seigneur au prophète Jonas. « As-tu vraiment raison de te mettre en colère ? » (Jo 4, 4). Prends garde que ta colère ne se referme sur toi et ne te sépare de moi.

Le Christ ressuscité demande à ses disciples s’ils ont quelque chose à manger. Pour leur prouver qu’il est vivant ? N’est-ce pas pour avoir quelque chose à partager ? Pour les aider, en donnant, à sortir de leur peur, à revenir à la vie, pour lui être présent à Lui le Premier-né d’entre les morts.
Chaque fois que nous pouvons sortir de notre bulle, donner de notre attention, revenir sur terre, le Christ est présent. C’est ce que nous vivons en cet instant : avec Jésus, à la messe, nous revenons sur terre pour aller au Ciel, par le pain et le vin, par nos offrandes et nos demandes. Avant d’être chrétien, il faut être humain. À nous d’en être les témoins !

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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