16ème dimanche dut Temps Ordinaire - 21 juillet 2019

Lc 10, 38-42

 

Les dimanches de printemps et d’été, j’ai une pensée émue pour l’anniversaire du mariage que j’ai célébré l’an dernier à cette date qui est passée du samedi au dimanche, pensée émue pour ce premier anniversaire des mariés. Des dimanches d’été au sens large, de la belle saison des mariages car, quand il fait beau, un mariage ne peut pas être raté. A part pour les passionnés de pluie, une journée de bonheur est ensoleillée. J’ai le souvenir d’un mariage où nous étions restés bloqués par la pluie dans l’église. Seigneur, dis-lui qu’elle s’arrête, que le soleil vienne nous aider !

Ma mémoire d’un mariage est musicale autant que visuelle, parce que plus important que la météo est l’accompagnement musical. La beauté élève l’âme. C’est ma recommandation aux fiancés : votre célébration de mariage dépendra des chants, de la musique, des musiciens. Le célébrant est secondaire qui ne pourra rien si la musique et les chants ne sont pas à la hauteur de la Parole de Dieu. Cela peut être grand en étant simple, quand c’est vrai et affectueux.

Une célébration de mariage est réussie quand elle est à l’image des mariés, toute en intériorité pour les discrets ou les timides, magnifique pour les plus installés, exaltée pour les extravertis, sobre pour les modestes et les frugaux. Marthe et Marie  figurent bien ces tensions, typiques de toutes nos célébrations, y compris du dimanche où chacun devrait pouvoir se retrouver avec ses goûts, ses habitudes et ses préférences. Marthe et Marie  figurent bien cet écart des deux significations du mariage que Marie incarne en tant qu’état de vie, et Marthe dans la logistique d’une journée.

Marthe s’active tandis que Marie écoute et se laisse enseigner, éclairer, réchauffer comme au soleil l’été. N’imaginez pas que la maison fût grande, les maisons étaient d’une pièce, vous vous souvenez de ce Président de la République qui allait dîner chez les gens, une caméra le suivait au moment où il entrait dans un pavillon et on l’entendait s’exclamer : Mais, c’est tout petit chez vous ! Comme disait le cardinal Billé, à qui un de ses séminaristes faisait remarquer : Mais, Monseigneur, vous êtes tout petit ? Il y a toutes sortes de façons d’être petit. N’imaginez pas Marthe au loin dans sa cuisine avec la radio allumée : elle est dans la même pièce et elle n’entend pas.
La musique à la messe porte le silence de l’assemblée, le recueillement et le sacré : elle est un langage universel, et à l’église, c’est ce qui parle à ceux qui ne sont pas habitués. Une célébration religieuse est un moment d’émotion, la rencontre de l’émotion et du sacré. Où chacun fait passer ses sentiments au second plan, sans se laisser envahir et submerger comme Marthe, à qui on chanterait Regarde l’étoile : « Si ton âme est envahie de colère, Jalousie et trahison te submergent, Si ton cœur est englouti dans le gouffre, Emporté par les courants de tristesse » etc.

A l’église, on s’accueille mutuellement. Dieu nous accueille et nous accueillons sa présence. Nous sommes, nous prêtres, célébrants, dépendants de l’assemblée : de sa bonne disposition et sa participation dépend la qualité de la célébration. J’ai célébré une messe de mariage où, sur cent trente personnes, dix ont communié et répondaient. La chanteuse était aphone. Je n’ai pas eu d’autre solution que de monter en chaire, pour faire le spectacle. Les mariés étaient très contents. C’est l’objectif ? Oui, pour les mariages : notre mission est de bénir et lancer la fête. De sorte que l’assemblée reparte la joie au cœur et au visage. Ils se sont donnés tellement de mal pour cette journée, et nous n’en ferions pas autant ?

Pour chaque célébration, j’ai deux interventions à préparer : l’homélie et un mot d’accueil, car les premiers mots sont déterminants qui permettent à l’assemblée d’entrer dans la prière de l’Eglise, en faisant le lien avec les circonstances qui nous réunissent.
Des fiancés me demandaient si j’étais content de les marier ? Vous vous rendez compte du travail que ça demande ? C’est la raison pour laquelle je préfère les enterrements : face à la mort on attend une explication, tandis que l’amour n’a pas besoin d’explication – et surtout aux enterrements, on a peu de temps pour préparer, deux trois jours, l’indulgence est de mise, en tout cas plus grande que pour un mariage ou le dimanche où le prêtre est supposé avoir travaillé. Si vous ne sentez pas que c’est travaillé, à défaut d’être inspiré, c’est que le prêtre n’est pas cohérent : il ne peut pas dire que la messe c’est important si lui-même n’y consacre pas tout son temps. Si c’est important, on prend le temps. Je ne peux pas venir célébrer et dire : désolé, j’ai eu plein de choses à faire, et je n’ai rien préparé. Ce sera la même chose pour notre mort : nous ne pourrons pas arriver devant Dieu et dire désolé, j’étais trop occupé.

Pour faire l’homélie du mariage, je demande souvent aux témoins de m’écrire pourquoi ils ont accepté, quels sont leurs liens avec les mariés, ce qu’ils aiment chez eux, pourquoi ils croient au couple. Je fais le filtre. Je vérifie que ma connaissance des fiancés est correcte. J’acquiers des éléments de langage pour assurer une célébration personnalisée. Nous ne pouvons pas enseigner que Dieu a un lien personnel avec chacun d’entre nous, et ne pas honorer ce lien personnel dans ces célébrations particulières. Je demande aussi aux fiancés de m’écrire une lettre d’amour – deux pages sur les raisons de leur décision. Voilà la matière de base avec laquelle je vais prier : je vais devant Dieu, autant de fois qu’il le faut, avec les textes que les fiancés ont choisis, la lecture et l’évangile, et avec tout ce qui me relie à eux, nos rencontres, à commencer par la première, comme pour eux. J’ai à l’esprit, en mémoire tous ces moments passés, et tout ce que je peux savoir sur eux, et en partant des textes, je fais le lien entre l’amour de Dieu et mon affection pour eux.
Plus exactement je cherche à entrer dans l’amour de Dieu pour eux. C’est la définition de la prière. Prier pour une personne, un couple, une communauté, c’est entrer dans l’amour de Dieu pour cette personne, cette communauté. Seigneur qu’est-ce que tu aimes chez eux ? Pour quoi faut-il rendre grâce, et faut-il demander à l’assemblée de te louer ? Quel est l’aspect de ta vie, Seigneur, de ton être qui peut les éclairer ? Comment puis-je les rapprocher de toi, Jésus ? A un des mariages dont on avait parlé, j’avais eu cette formule : ‘On a tous quelque chose en nous de Jésus-Christ’.

Entrer dans l’amour de Dieu pour eux, comme le dimanche avec vous et pour vous. C’est ce que le Christ demande à Marthe de faire avec Marie, voilà la ‘meilleure part’ que Marie a choisie et dont Marthe aurait tort de se priver. Marthe, Marthe, je t’aime, autant que j’aime Marie et je veux que Marie et toi vous vous aimiez, comme moi je vous aime. Comment l’amour que j’ai pour chacun de vous dit Dieu ne pourrait pas vous rapprocher et vous unir ?

Quand nous prions pour nos frères, nous devons penser à l’amour, entrer, que dis-je plonger ! dans l’amour que Dieu a pour eux. Sainte Catherine de Sienne et sainte Faustine avaient utilisé cette belle image de l’océan de la miséricorde. Prier c’est plonger dans l’océan de l’amour de Dieu.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

Vous avez la possibilité de recevoir les homélies du Père Lancrey-Javal en remplissant ce formulaire

Article précédent
L’entraide
Article suivant
La douceur vient du Saint-Esprit