6ème dimanche du Temps Ordinaire - 13 février 2022

Lc 6, 17. 20-26

 

C’est à l’automne dernier, au début de l’Avent, que la nouvelle traduction du Missel est entrée en vigueur, qui deviendra définitivement obligatoire dans quelques semaines, au printemps, – sans quoi j’aurais gardé l’ancien Missel, ne serait-ce que pour son format ! et parce que la prière, surtout commune, d’une assemblée, a besoin de stabilité. De répétitions, de fidélité.

Comment devient-on un champion ? A force d’entraînements, de répétitions, d’exercices, à force de répéter et de recommencer, en étant attentifs à ce qu’on fait, en y mettant son cœur. Pour que, dans la prière, nos paroles montent vers Dieu, il faut qu’elles descendent dans notre cœur. Dans un registre particulier, c’est la demande très exigeante que je fais aux fiancés : d’écrire une lettre d’amour pour dire pourquoi ils se marient, ce qu’ils aiment chez l’autre, et ce qu’ils n’aiment pas – il est important qu’ils en soient conscients, car ils ne changeront pas l’autre à leur convenance. Leur lettre ne dépend pas de leur niveau d’études : la même année j’ai reçu d’un homme qui avait d’impressionnants diplômes et de hautes responsabilités un texte pitoyable, bâclé, et d’un autre fiancé qui n’avait fait pas fait d’études et qui n’était pas baptisé un texte admirable, de profondeur et de sincérité. Une vraie lettre d’amour.

Dans le Livre des Actes des Apôtres (Ac 4), les chefs du peuple, les anciens et les scribes, furieux de voir Pierre et Jean « annoncer, en la personne de Jésus, la résurrection d’entre les morts », les font arrêter puis comparaître. Quelle n’est pas leur surprise de voir que « c’étaient des hommes sans culture et de simples particuliers » ! Le texte dit qu’ils « reconnaissaient en eux ceux qui étaient avec Jésus ». Pierre était rempli de l’Esprit-Saint parce qu’il était avec Jésus.

Dans la nouvelle traduction du Missel, les changements sont minimes. Les plus notables pour l’assemblée se trouvent dans le Je confesse à Dieu, qui entraînent à chaque messe une petite cacophonie qui mettra un peu de temps à disparaître. Et j’ai mis de côté le principal changement, qui est optionnel, pour la prière de fin de l’offertoire où le prêtre disait et peut donc encore dire : « Prions ensemble, au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Eglise », et l’assemblée répond : « Pour la gloire de Dieu et le salut du monde ».
La nouvelle formule, traduite plus littéralement du latin, est difficile à mémoriser. Le prêtre dit : « Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout-puissant ». Et l’assemblée répond : « Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Eglise ».

Cette phrase, pour compliquée qu’elle soit, est la juste interprétation des Béatitudes que nous venons d’entendre ! Nous avons l’habitude de dire des Béatitudes de l’évangile, surtout de saint Matthieu, plus connues et plus développées, qu’elles sont des promesses de Dieu. Assurément. Le portrait de Jésus Christ. Encore mieux. Encore faut-il ajouter qu’elles sont, dans l’Esprit-Saint, l’offrande de nos vies.

Heureux celui qui offre au Seigneur ce qu’il subit.

Toute la vie chrétienne est là, dans l’offrande de nos vies. Tout le mystère de la messe est dans l’offrande par le Christ de sa vie « pour notre bien et celui de toute l’Eglise ». Offrir à Dieu ce qui nous coûte, ce qui nous est pénible, par amour, s’appelle un sacrifice.

Ce que nous vivons et subissons de douloureux ou de pénible prend du sens quand nous l’offrons au Seigneur, ce qui ne veut pas dire qu’il faille s’y résigner ni que ce soit acceptable. Au contraire il faut que nous le reconnaissions comme un mal, que nous en soyons conscients et pas dans le déni ! Le Christ n’a jamais présenté comme un bien de manquer, de pleurer, d’être méprisé.
Il nous a montré qu’il est possible de transformer ce mal et ce manque par la conversion de notre cœur en acceptant, quand on n’a pas d’autre choix, de le traverser comme lui et avec lui, soutenu par son amour, par sa grâce.

Offrir à Dieu ce qui nous manque et que l’on subit n’est ni une fuite ni un reniement de soi : ce n’est pas un abandon de notre humanité mais un chemin de divinisation, de sanctification et de Salut.
Heureux ceux qui offrent à Dieu ce qu’ils subissent de douloureux, dans la foi et par amour, malheureux ceux qui ne vivent que pour profiter de l’écume des jours.

Chaque dimanche, nous venons à la messe pour faire de notre vie, de ses joies et ses souffrances, une vivante offrande à la louange de la Gloire de Dieu. Offrande sainte et immortelle.

Parfois, à la messe, à la fin de la prière eucharistique, je sursaute intérieurement lorsque, ayant pris la patène et le calice, le Corps et le Sang du Christ, je prononce solennellement la grande Doxologie : l’invocation ‘Par Lui, avec Lui, et en Lui’, et que j’entends alors l’un ou l’autre des membres de l’assemblée le dire en même temps que moi à voix haute, comme on le faisait dans les années 70.
Pourquoi le prêtre est-il seul à le dire ?
Parce que la réponse de l’assemblée est le Notre Père, la prière du Seigneur : quand on y réfléchit, le Notre Père est assez semblable aux Béatitudes de saint Luc, les deux nous ramènent à l’essentiel, à la confiance que nous avons en l’amour de Dieu jusque dans les événements les plus redoutables de la vie.

Offrir ce qui nous manque. Tel est, dans ce que nous avons à vivre de difficile et d’éprouvant, le point de discernement, et de conversion : offrir ou subir.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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