11ème Dimanche du Temps Ordinaire - 13 juin 2021

Mc 4, 26-34

 

La vie religieuse commence avec l’amour du silence. Je sais que l’on préfère désormais parler de vie spirituelle que de vie religieuse, du spirituel que du religieux comme si ce mot était réservé à ceux qui en font profession, aux moines et aux moniales. Ce glissement a un avantage : il permet d’échapper aux deux obligations de la vie religieuse que sont la vie en communauté avec ce qu’elle exige d’attention au prochain, et l’acceptation de soi pour supporter le silence. Qui n’aime pas le silence ne s’aime pas.

Une paroissienne m’a dit qu’elle ne venait plus à la messe de 11h parce qu’il y a trop de bruit pendant le quart d’heure qui précède. ‘Jusqu’à ce que vous descendiez’, m’a-t-elle dit. C’est l’avantage de la messe du soir, à 20h, d’être plus recueillie à l’approche de la nuit. La Règle de saint Benoît ordonne le silence la nuit : en harmonie avec la nature.
Ecoutez, dans l’évangile de ce dimanche, la parabole de la graine de moutarde devenue un grand arbre, avec les oiseaux qui ont pris refuge dans ses branches, en l’imaginant la nuit : l’obscurité les fait taire, chut ! impose le silence. La nuit, la nature se terre et se tait.

Le silence la nuit en harmonie avec la nature.

Il y a trois signes de l’harmonie avec la nature, trois conditions d’une véritable écologie, d’un respect de la Création, et le premier est la différence sexuelle entre l’homme et la femme. Elle n’est pas culturelle, mais une réalité physique, organique, psychologique et spirituelle
On m’a encore demandé si la prêtrise sera un jour ouverte aux femmes dans l’Eglise catholique et je ne crois pas. Pour autant l’Incarnation de Dieu en un homme Jésus-Christ ne dit rien d’une quelconque supériorité masculine, au contraire, puisque le Christ s’est fait péché pour nous : « Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu » (2 Co 5, 21).

La deuxième condition d’une véritable écologie est le respect du temps, du rythme des jours et des nuits, des lunes et des saisons, et la femme le vit physiquement, en a naturellement la connaissance.

La troisième condition est la capacité d’arrêt, d’écoute, et de contemplation : à l’image des oiseaux qui trouvent refuge à l’ombre des arbres, le monde animal sait ce qu’il doit au monde végétal. Le monde végétal sait ce qu’il doit au monde minéral, à qui il s’accroche parfois désespérément pour n’être pas balayé par le vent. Les êtres humains devraient quant à eux savoir ce qu’ils doivent à Dieu.

Le monde animal sait ce qu’il doit au monde végétal, sa croissance et sa survie. Ce monde animal porte en lui un trait caractéristique : l’inquiétude. Il est en permanence sur ses gardes, et nous devrions nous humains l’assumer plutôt que de nous dérober, de chercher à l’endormir ou à la compenser en accumulant. Certains petits animaux font notre joie, et nous rassurent, quand ils nous semblent entasser comme nous de la nourriture. Le plus souvent pour hiberner. Dimanche dernier nous avons fêté le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, et nous tenons beaucoup à la séparation des deux comme symbole de la mort. Le jour où ils ne seront plus séparés, nous serons tous réunis, enfin tous : tous ceux qui auront choisi Jésus-Christ. Les autres seront possiblement damnés.
Dans le Saint Sacrement, nous voyons aussi la manne au désert qui en est une préfiguration majeure, la manne qu’il était impossible de stocker : ce qu’on prenait en plus de ses propres besoins pourrissait. Le propre du vivant est de vivre le temps présent.
C’est le nom que nous devrions donner au temps ordinaire de l’Eglise, c’est ainsi que nous devrions traduire la formule latine per annum : par ‘Temps Présent’. Ce serait plus heureux de célébrer ce dimanche le 11ème dimanche du temps présent que du temps ordinaire.

Le monde animal sait ce qu’il doit au monde végétal, et il n’y a que l’être humain urbain pour considérer l’état végétatif comme une indignité. L’évangile dit tout autre chose : il dit que l’indignité n’est pas de souffrir ou végéter mais de ne pas soigner, accompagner, réconforter.

L’état végétatif n’affole que ceux qui ne parlent ni aux arbres ni aux fleurs, qui pensent que les plantes n’ont pas d’âme, pas de vie intérieure. Tout ce qui vit a une âme. Quand nous étions petits, à l’école, une plaisanterie faisait demander : ‘Tu aimes la nature ?’, et si la réponse était oui, on répliquait : ‘tu n’es pas rancunier’.
Plus tard quand j’étais au lycée, ma mère nous emmenait l’été voir et revoir les films des Marx Brothers. Dans une scène, un homme jaloux du gringue que Groucho Marx faisait à sa femme le menace : ‘Vous ne savez pas qui je suis !’ – Groucho se retourne : ‘Let me guess – laissez-moi deviner : animal ou végétal ?’.

Nous sommes les trois : l’homme âgé se souvient de l’actif qu’il a été et plus encore de l’enfant qui l’a suscité, il sait ce qu’il leur doit, même si sa nostalgie va bien plus loin que ça, à la rencontre de Celui qui l’a créé.
Hélas, de même qu’on est passé du religieux au spirituel, on est passé du Créateur à la Création.

On peut fêter la Création le 4 octobre en hommage à saint François d’Assise, en oubliant qu’il fut le grand stigmatisé, et mieux encore ce 13 juin fête d’un de ses plus proches disciples, saint Antoine de Padoue, le seul dont j’ai trouvé la statue en arrivant ici. On le représente tenant l’Enfant-Jésus assis sur une Bible, Jésus tenant lui-même un globe terrestre. Un beau symbole. Voudriez-vous, avec lui, reprendre dans votre prière ces quelques critères d’une véritable écologie : le silence la nuit ; la différence homme femme ; le renoncement à entasser ; l’attention à l’instant présent.

Saint Antoine de Padoue est un des Saints les plus populaires qu’on invoque pour retrouver des objets perdus. Notre âme ? Pas loin : l’harmonie avec la nature.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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