2ème dimanche de Pâques - 19 avril 2020

Jn 20, 19-31

 

La fête de la Miséricorde, en ce 2èmedimanche de Pâques, n’est pas une fête du pardon : Jésus ressuscité n’est pas apparu à ses disciples au soir de Pâques pour se réconcilier avec eux ! La fête de la Miséricorde n’est pas une fête de la confession ; elle n’est pas la fête des pécheurs pas plus que le 2 novembre n’est la fête des morts ! La fête de la Miséricorde n’est pas une fête du pardon sans quoi elle aurait pris place pendant le Carême, au 4èmedimanche, dimanche de la joie, la joie du pardon, pour préparer nos cœurs à Pâques et la Résurrection.

La fête de la Miséricorde n’est pas une fête du pardon mais plutôt de la justice, en réalité de l’équilibre et l’harmonie des deux, le pardon et la justice, du pardon qui oublie et la justice qui punit.

La fête de la Miséricorde est une fête de Justice et c’est pourquoi elle prend place juste après Pâques, quand Jésus accomplit la promesse des Béatitudes : Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice car le royaume des Cieux est à eux.
La mort de Jésus a été un déni de justice par son arrestation arbitraire, les faux témoins, l’absence de défense, le simulacre de procès. C’est parce que Jésus, le seul Juste, est la justice en personne, comme il est la vérité, que ses adversaires l’ont condamné pour se protéger :« En entendant les paraboles de Jésus, les grands prêtres et les pharisiens avaient bien compris qu’il parlait d’eux.Tout en cherchant à l’arrêter, ils eurent peur des foules, parce qu’elles le tenaient pour un prophète » (Mt 21, 46). Le prophète en appelle toujours à la justice : son rôle est de rappeler l’Alliance avec Dieu et ses commandements.

La résurrection de Jésus est un acte de justice. Même Judas avait regretté d’avoir livré à la mort un innocent. La résurrection est un acte de justice et elle le sera aussi pour nous ! Elle sera la rencontre de celui que « Dieu a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés » (Ac 10, 42-43, c’était la 1èrelecture du Jour de Pâques).

Mes amis, ne craignez pas le Jugement ! Il est pour ceux qui ne croient pas au Christ : « Celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé obtient la vie éternelle et il échappe au jugement car déjà il passe de la mort à la vie » (Jn 5, 24). Celui qui croit échappe au Jugement ! Telle est la Miséricorde divine : l’amour du Père, une indulgence toute paternelle pour ceux qui aiment et croient en son Fils.

Lorsque Jésus au soir de Pâques remet le pouvoir de rémission des péchés à ses apôtres, et à travers eux à l’Eglise et aux prêtres, il précise : « à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus ». Pourquoi ou plutôt : à qui ? A ceux qui ne croient pas à la Résurrection. Ils s’en expliqueront au jour du Jugement. La foi en la Résurrection est la condition de la rémission des péchés. Celui qui croit échappe au Jugement.

J’ai pratiqué ces temps-ci la confession par téléphone. Dans cette période inédite, j’ai remis leurs péchés par téléphone à des Catholiques qui allaient mourir. Evidemment qu’on ne se confesse pas par téléphone de même qu’on ne va pas à la messe sur internet. Normalement. Le propre du sacrement est de rendre le Christ présent ! J’ai appliqué ce que l’Eglise prévoit dans les situations de danger de mort, la plus connue étant l’absolution collective accordée sous réserve que si on survit on aille se confesser ! Imaginez : l’avion va s’écraser, je donne au micro l’absolution collective aux passagers. Eh bien, si on en réchappe, on doit aller se confesser pour recevoir l’absolution avec l’imposition des mains du prêtre au nom du Christ miséricordieux.

Les Apôtres aimaient la justice puisqu’ils aimaient Dieu. Mais ils étaient comme nous : chacun en avait sa conception, sa vision, sa certitude. Pour Jacques et Jean par exemple la justice signifiait la récompense finale : siéger auprès du Christ dans la Gloire. Pour d’autres, cela signifiait le rétablissement de la royauté en Israël, comme Simon le Zélote qui appartenait au mouvement des Zélotes partisans de l’indépendance par la force et les armes.
Chacun de nous a sa conception de la justice. Sinon, nous ne nous mettrions pas en colère, qui est l’expression d’un sentiment d’injustice. La colère de l’homme ne fait pas la justice de Dieu (Jc 1, 20). Heureux les miséricordieux car ils échapperont au Jugement, à « la colère qui vient » pour parler comme Jean-Baptiste (Mt 3, 7).

Chacun de nous a sa conception de la justice : dans tous les cas elle n’est pas celle de Dieu.

Donc les Apôtres, qui avaient le sens de la justice, voient Jésus revenir pour Thomas et lui accorder ce traitement de faveur : « avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, mets-la dans mon côté ». Si ce n’est pas de l’indulgence, qu’est-ce que c’est ? L’offre, inouïe, est en plus accompagnée d’une prière : je t’en supplie, « cesse d’être incrédule, sois croyant ». Aucun n’a protesté.
Aucun des apôtres présents n’a protesté : quel contraste avec leur attitude tout au long de l’évangile ! Avec la nôtre ! Avec celle du frère aîné de la parabole du fils prodigue, qui se met en colère et refuse d’entrer : c’est trop injuste !
Aucun n’a protesté. Parce qu’ils avaient reçu l’Esprit-Saint ? Certes. Parce qu’ils avaient à l’esprit les paraboles de Jésus qui en appellent à l’indulgence et la miséricorde, du débiteur impitoyable, du Pharisien et du publicain, des ouvriers de la dernière heure … ? Sûrement. La mesure que vous utilisez pour les autres servira aussi pour vous.
La raison pour laquelle ils n’ont pas protesté était qu’ils étaient eux-mêmes allés chercher Thomas : « Nous avons vu le Seigneur ! ». Ils voulaient partager cette joie avec lui, c’est la définition de la justice : ne pas garder pour soi ce qu’on a reçu pour être partagé, ici annoncé ! Ils avaient besoin de Thomas comme Thomas avait besoin d’eux.

Mes amis, quel est le défaut de notre conception de la justice ? Notre manque d’amour. De foi et d’espérance. Sous couvert de rationalité. Ce que nous appelons des décisions de justice sont plus souvent des calculs de probabilité sur le risque que la personne recommence ou que son exemple soit suivi par d’autres. Nous devons apprendre de Dieu à concilier, unir, harmoniser la miséricorde et la justice. Je vous invite à reprendre la Lettre sur l’Espérance du pape Benoît XVI, Spe Salvi, sa deuxième partie sur trois lieux d’apprentissage et d’exercice de l’Espérance, trois modes d’ouverture aux autres : la prière, la souffrance, et le jugement (nn. 41-48).

« Je suis convaincu, disait Benoît XVI, que la question de la justice constitue l’argument essentiel, en tout cas l’argument le plus fort, en faveur de la foi dans la vie éternelle » (n. 43).

« Dieu est justice et crée la justice. C’est cela notre consolation et notre espérance. Mais dans la justice de Dieu il y a aussi la grâce. Nous le découvrons en tournant notre regard vers le Christ crucifié et ressuscité.
La grâce n’exclut pas la justice. Elle ne change pas le tort en droit. Ce n’est pas une éponge qui efface tout, de sorte que tout ce qui s’est fait sur la terre finisse par avoir toujours la même valeur » (n. 44).La miséricorde ne contredit pas la justice : elle en est le chemin.

Les Apôtres avaient besoin de Thomas comme Thomas avait besoin d’eux. « En tant que chrétiens nous ne devrions jamais nous demander seulement : comment puis-je me sauver moi-même ? Nous devrions aussi nous demander : que puis-je faire pour que les autres soient sauvés et que surgisse aussi pour les autres l’étoile de l’espérance ? » (n. 48).

De même que le Père m’a envoyé, dit Jésus, moi aussi, je vous envoie. Avec cette promesse : « L’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix ; alors, ceux qui ont fait le bien sortiront pour ressusciter et vivre, ceux qui ont fait le mal, pour ressusciter et être jugés » (Jn 5, 29). Justice sera créée.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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