7ème dimanche de Pâques - 24 mai 2020

Jn 17, 1b-11a

 

Jésus savait en quittant ses disciples que le problème serait leur unité. Il n’y a pas besoin d’être Dieu pour cela, cela fait partie des dernières volontés de tant de vieux parents pour leurs enfants : qu’ils restent unis ou retrouvent un minimum d’entente que les années, les erreurs, les caractères et les injustices ont pu entamer.
Il faudra que j’en parle aux fiancés lors d’une prochaine réunion de préparation au mariage, lorsque nous aborderons la question des enfants : l’unité des enfants entre eux dans le respect de chacun dépend en partie des parents, qui suppose déjà une harmonie du couple, et qui se heurte aux deux forces de destruction les plus répandues, la jalousie et la rivalité. D’où viennent les conflits entre vous ? demande la Lettre de saint Jacques (Jc 4, 1-10). N’est-ce pas de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ? Vous êtes pleins de convoitise, vous êtes jaloux, ajoute-t-il, et surtout, dit saint Paul, vous n’êtes pas suffisamment tournés vers les réalités d’en haut.

Un de mes maîtres à penser m’expliquait qu’un des problèmes au sein des familles vient de ce que chaque enfant veut être le préféré. Nous Chrétiens avons résolu le problème grâce au Christ, le Fils unique de Dieu. Il nous reste à entendre, une semaine avant la Pentecôte, le sens de sa grande prière pour l’unité, et son lien à son Ascension que nous avons fêtée Jeudi, mais que nous gagnerions à fêter ce dimanche, comme cela se fait en Italie et dans beaucoup de pays, non pas pour supprimer un jour férié mais pour comprendre la parole du saint Curé d’Ars : « Je te montrerai le chemin du Ciel ».

Il y a eu trois grands schismes dans l’histoire de l’Eglise, dont nous devons demander pardon pour fêter dignement l’Ascension et aller au Ciel.

Le moins théologique et le plus politique est intervenu aux alentours du premier millénaire entre l’Orient et l’Occident. La dispute couvait depuis longtemps qui portait sur la primauté de Pierre et de Rome. Les premiers siècles ont vu une fructueuse compétition entre les écoles d’Alexandrie, d’Antioche, où pour la première fois les disciples du Christ reçurent le nom de Chrétiens, et de Constantinople, jusqu’à ce que l’Eglise, inspirée par l’Esprit saint, comprît qu’elle vit moins de l’intelligence de ses docteurs que du sang de ses martyrs. D’où la place unique de Rome, et des deux colonnes de l’Eglise saint Pierre et saint Paul.
Aujourd’hui le désaccord qui a séparé l’Orient de l’Occident, de savoir si l’Esprit Saint est du Père, ou s’il procède du Père et du Fils (Patris et filioque procedit), est à peu près réglé, grâce à la redécouverte des Pères de l’Eglise, qui nous montrent que la théologie se fait à genoux, et que pour être un théologien, il faut être un saint, ce que les théologiens catholiques ne sont plus depuis le Moyen-Âge.

Le plus grand schisme, pour nous Latins, en est une conséquence, qui est la Réforme, l’affligeante séparation entre Catholiques et Protestants, terme générique que nos frères séparés me pardonneront tant les communautés de baptisés sont variées entre Luthériens, Calvinistes, Anglicans, Pentecôtistes, et j’en passe, qui ont ceci de commun qu’ils refusent la primauté de Rome, et de façon générale le principe catholique de la médiation sacramentelle ministérielle.

Nos frères séparés donnent la priorité au lien direct de chaque baptisé avec son Seigneur, et ils contestent la prêtrise telle que nous l’entendons, la confession, et la plupart de nos sacrements. Le paradoxe est qu’ils attachent moins d’importance que nous à la médiation mais peut-être plus à la communauté.

Nous avons chaque année depuis un siècle une semaine de prière pour l’unité des chrétiens, du 18 au 25 janvier, fête de la conversion de saint Paul. Nous entendons ce jour-là le récit de sa rencontre du Christ sur le chemin de Damas : ‘Saul, Saul, Pourquoi me persécutes-tu ?’. Il était animé d’une rage meurtrière à l’égard de ses frères qui croyaient davantage à l’amour concret du prochain qu’au respect formel de la Loi.

Cela me ramène au premier schisme de l’Histoire de l’Eglise, schisme qu’on ne saurait qualifier de fondateur tant il fut destructeur : il est celui qui a fait le plus de victimes puisqu’il s’agit du rejet du peuple juif. Des progrès considérables ont été faits depuis un demi-siècle, depuis le premier voyage d’un Pape en Israël, et notre génération a vu cette image inouïe du Pape Jean-Paul II prier au mur des Lamentations.
Ces progrès ont la même source que notre rapprochement avec nos frères protestants, à savoir la redécouverte de la Bible dans son unité. C’est en écoutant la Parole de Dieu que nous pourrons réconcilier justice et sainteté, dépasser la fausse opposition entre le Juste de l’Ancien Testament et le Saint de la Nouvelle Alliance.

C’est dans ce premier schisme que nous avons perdu une partie de notre vocation prophétique et oublié que de la même façon que le Saint est le Juste, tout martyr est prophète.

Où est passé le caractère prophétique de l’Eglise ? Il s’est affaibli à chacun de ces schismes, à chacune de ses divisions internes, puisque l’Eglise a pour mission de tirer son unité de l’indivisible Trinité. L’Eglise ne peut ni enseigner, ni sanctifier, ni correctement gouverner, sans également prophétiser, lire et interpréter à la lumière de l’Esprit les signes des temps. Le Pape François avait débuté son Pontificat en rappelant que l’Eglise n’est pas une ONG. La formule est insuffisante : l’Eglise du Christ est l’instrument du Salut.

Devant la Chapelle de la Compassion, se dresse une grande Croix en béton qu’un curé avait fait installer pour l’ordination d’un de ses protégés, avec cette phrase que l’Eglise répète tous les dimanches à l’heure des Vêpres : « Tu es prêtre à jamais, pour l’éternité ». C’est à nous tous baptisés dans le Christ que cette parole s’adresse ! Nous sommes un peuple de prêtres quand nous sommes unis et fidèles à l’Unique Grand Prêtre, qui siège à la Droite du Père dans les Cieux.

Que cette semaine qui nous prépare à la Pentecôte, au renouvellement du don de l’Esprit, soit pour nous un temps de prière comparable à celle des disciples au Cénacle : ils n’avaient pas les yeux fermés, ni tournés à l’intérieur d’eux-mêmes … Ils se regardaient plutôt les uns les autres émerveillés de leurs différences et de leur unité. Que cette semaine de prière soit pour nous une semaine d’émerveillement et d’admiration pour les autres croyants. Il n’y a d’amour que là où il y a l’unité.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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