3ème Dimanche de Pâques - 30 avril 2017

Lc 24, 13-35

Imaginons qu’ils n’étaient pas deux sur cette route, qui repartaient tout tristes, mais quinze ou vingt, l’effectif d’une équipe de foot ou de rugby, titulaires et remplaçants, anéantis et déconfits après une raclée : et nous qui espérions qu’on allait être champions ! C’est le rêve de nombreux Chrétiens.

Une Catéchumène m’a demandé pourquoi beaucoup (c’est elle qui a dit ‘beaucoup’) de prêtres sont tristes. Elle a entendu comme tout le monde le Pape François parler de la joie, et elle se dit que ces prêtres aussi. Alors ?
S’applique à eux ce que je vous disais dimanche dernier des responsables politiques qui, au départ, sont généreux : au départ, tous les prêtres sont enthousiastes. J’ai contre toi, dit l’Esprit aux Eglises, dans le livre de l’Apocalypse, que tu as perdu ta ferveur première : ton premier amour, tu l’as abandonné (Ap, 2, 4).

C’est lui qui m’a abandonné ! Il nous a abandonnés ! disent ces deux disciples dont la déception est à la mesure de leur ferveur première, de l’admiration qu’ils avaient pour Jésus, pour ses miracles, ses enseignements, sa liberté.

Oui, cet homme était un prophète puissant au point d’avoir ressuscité un enfant, la fille d’un chef de synagogue : le bruit s’en répandit dans toute la contrée (Mt 9, 26). Tous venaient à lui : à peine Jésus allait partir de là que deux aveugles se sont présentés : « Aie pitié de nous, Fils de David ! ». Jésus les a guéris, ils en ont parlé à tout le monde. On lui a amené un démoniaque muet : le démon fut expulsé et le muet parla. Les foules étaient émerveillées et disaient : « Jamais on n’a vu pareille chose en Israël! » (Mt 9, 33).

Cela ne plaisait pas aux autorités, ‘nos grands prêtres et nos chefs’, qui cherchaient à le tuer. Jésus leur demandait : « Je vous ai montré quantité de bonnes œuvres, venant du Père ; pour laquelle de ces œuvres voulez-vous me lapider ? » (Jn 10, 32).

Il y avait de quoi être effondré.

La 1ère chose que fait Jésus est de s’approcher de ces deux disciples, pour les faire parler et les écouter. Ce sont deux disciples de base, qui ne font pas partie du premier cercle, des Douze ; ils n’ont pas moins d’intérêt ni de valeur. Jésus les fait parler : il écoute leur déception.
Jésus les écoute jusqu’à ce que sorte la vérité : ils sont au courant de la Résurrection, de l’apparition des anges et du tombeau vide. Cet aveu est essentiel : il faut que la vérité sorte du cœur de l’homme. La vérité ne s’assène pas de l’extérieur : elle vient au jour et à la lumière.

Dès que cette lueur apparaît, il faut réagir : les plaintes sont comme les rats, mieux vaut ne pas les laisser pulluler. La réaction de Jésus est vigoureuse, il apostrophe ces deux disciples et leur incohérence : vous avez en vous tous les éléments pour croire. Arrêtez de vous plaindre, et voyons ce que l’on peut faire de ce que vous savez.

C’est alors que se révèle tout le génie du Christianisme, dans la façon dont le Christ montre que la nouveauté est parfaitement compatible avec l’histoire la plus ancienne. « Partant de Moïse et des prophètes », entendez : de l’enseignement des Anciens, Jésus met en évidence la continuité de l’évangile, l’accomplissement du mystère de Pâques.
Dans la vie, le rôle de l’intelligence est de trouver de la place pour ce qui est nouveau sans brutaliser ni renier ce qui est ancien. Le drame de notre époque est de penser que la nouveauté, notamment technique, doit se faire au mépris de l’histoire. Il y a assez de place et d’intelligence pour concilier les deux.

On en arrive à la 4ème étape, décisive, de la liberté de la personne. Jésus les a écoutés, jusqu’à ce que sorte la vérité, la réalité qu’ils savaient ; il est alors intervenu sans ménagement, et les a secoués pour qu’ils sortent, eux, de la confusion des sentiments. L’esprit libéré, ils ont été en mesure d’écouter le récit de l’histoire. Ils arrivent à ce moment-là à leur destination, au village où ils se rendaient. Jésus fait mine d’aller plus loin : « ils s’efforcèrent de le retenir ». Ils le prient de rester avec eux. Dieu ne s’impose jamais : il se fait prier. C’est une des grandes leçons de cette rencontre : demandez et vous recevrez.

La 5ème étape n’est pas moins importante, sur le don du Saint-Esprit, qui a lieu à chaque messe, sur les offrandes et sur l’assemblée. Jésus « prononça la bénédiction ». Dans la Prière Eucharistique, vous l’entendrez tout à l’heure : « Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit ; qu’elles deviennent pour nous le corps et le sang de Jésus, le Christ, notre Seigneur ». Cette prière sur les offrandes est suivie, après la consécration, d’une prière sur l’assemblée : « Humblement, nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps ».

Voyez l’effet sur ces deux disciples : ils retrouvent la foi, ils retrouvent la joie, et que font-ils, sous l’inspiration du Saint-Esprit ? Ils retournent auprès des Apôtres, des Evêques et de l’Eglise : « rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps ».

Quelle leçon d’évangélisation autant que de management !

Jésus-Christ Super Coach ! comme on disait naguère Jésus-Christ Super Star.

Ecouter et faire parler jusqu’à ce que sorte la vérité.
Stopper les plaintes, les renvoyer là où elles doivent être, ne pas les laisser pulluler.
Montrer que le changement, la nouveauté peut et doit respecter l’histoire.
Exiger la prière, c’est-à-dire l’expression claire du désir.
Réintégrer dans l’Eglise et la communauté.

N’est-ce pas un beau programme pour ce temps de Pâques ?

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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