4ème dimanche de Pâques - 12 mai 2019

Jn 10, 27-30

 

En ce dimanche du Bon Pasteur, journée mondiale de prière pour les vocations, je voudrais m’adresser aux parents qui n’aimeraient pas ou qui n’auraient pas aimé avoir un fils prêtre, un enfant consacré, prêtre, religieux ou religieuse. La mère d’une de mes filleules réagissait très mal quand j’envisageais la possibilité, même en plaisantant, qu’elle devienne religieuse. C’était sa seule fille : c’était plus facile quand les familles étaient nombreuses, moins coûteux de donner un enfant au Seigneur quand on en a six ou sept que trois ou deux, voire un unique, comme Abraham.
Que vaut notre prière pour les vocations si déjà nous ne le souhaitons pas pour nos propres enfants ? Ce serait comme de prier pour la paix dans le monde sans la faire chez soi, dans sa famille et dans son cœur. C’est la différence entre les brebis et les chèvres (les boucs), qui explique leur séparation dans la parabole du Jugement dernier (Mt 25, 32), différence de relations entre elles, relations moins agitées et moins conflictuelles entre brebis qu’entre chèvres ou boucs.

Les deux prières sont liées : pour les vocations et pour la paix. L’évangile de ce dimanche l’atteste : pour faire partie du petit troupeau, il faut vouloir entrer dans l’harmonie, la communion divine du Père et du Fils dans l’Esprit, un seul Dieu pour les siècles des siècles.

Pourquoi suis-je devenu prêtre ? Pour faire la paix avec Dieu, me et nous réconcilier avec lui, faire la paix avec moi-même et chercher à y contribuer dans l’Eglise et dans le monde. Pour communier au Corps du Christ, il nous faut, après avoir prié Notre Père, accueillir la paix du Christ, l’échanger entre nous : dans la charité du Christ, donnez-vous la paix. La formule est prononcée par le Diacre, comme l’envoi – allez dans la paix du Christ, car elle est la marque du sacrement de l’ordre (la prêtrise) sacrement de la paix. Les passages des Lettres de saint Paul qui parlent du ministère disent de l’épiscope qu’il ne doit pas être batailleur, ni buveur (l’alcool étant la première cause de violences). La brebis n’est pas batailleuse.

Nous pouvons nous lamenter de la chute des vocations. Sacerdotales et religieuses. Et puis examiner, comme pour toute profession, les trois critères déterminants du succès : les avantages matériels, le service rendu et la considération sociale.
Qu’est-ce qui fait qu’on choisit un travail ou un métier plutôt qu’un autre ? Aujourd’hui le salaire (plus largement les avantages matériels), l’intérêt du travail (le ‘sens’, le service rendu) et l’image (la considération sociale). Ils sont bons, et même très bons pour la prêtrise ! Bien que le prêtre soit appelé à la pauvreté à la suite du Christ, nous bénéficions de conditions d’emploi très favorables ne serait-ce que par l’assurance d’un logement et de repas. Le service rendu est immense, que l’on se place sur le plan spirituel du témoignage d’espérance, ou social de l’aide aux défavorisés, la charité au sens courant. Enfin, même si elle a pâti ces dernières années, l’image du prêtre est plutôt bonne, il fait partie du paysage patrimonial depuis tant de siècles.

C’est un bon boulot, prêtre. L’emploi est sûr, le sens top, les gens sympas. Engagez-vous.

Un de mes amis médecin, chirurgien, professeur de médecine, a été bouleversé quand son fils lui a dit qu’il ne veut en aucun cas avoir la même vie que lui. C’est rude quand un enfant dit à son père qu’il ne veut pas, surtout pas, en aucun cas avoir la même vie que lui. Moi, si j’avais des enfants, j’aimerais qu’ils soient prêtres ou religieuses. Pas pour leur transmettre un savoir ou des connaissances, mais pour qu’ils soient aussi heureux que moi, qu’ils aient comme moi une belle vie, avec l’Amour au centre, l’Amour de Dieu, une vie forte, riche en rencontres, en intensité, de partages, d’événements, d’émotions, d’inattendus. Un de mes confères, ancien aumônier militaire, s’extasiait chaque fois qu’on dînait ensemble : ‘on n’est pas bien payé mais qu’est-ce qu’on rigole !’. Et de fait, une grâce de la vie consacrée, du sacerdoce comme de la vie religieuse, est d’unir des personnes qui n’ont rien à voir les unes avec les autres – rien d’autre que Jésus.

Nous nous entendons bien quand nous parlons de lui.

Un de vous m’interrogeait récemment sur le bréviaire, « livre contenant les prières que les religieux catholiques lisent chaque jour », commun aux prêtres, diacres, religieuses, qui fait de la prière des psaumes une obligation, cinq fois par jour, je vous le disais au 5ème dimanche de Carême, laudes, milieu du jour, vêpres, complies et matines, l’office des lectures. Les sauter est pour nous un péché grave. C’est notre nourriture la Bible, avec la Tradition, les textes des Pères de l’Eglise, des grands écrivains ecclésiastiques, du temps où les théologiens étaient des Saints. Ce qu’ils ne sont plus, depuis le Moyen-Âge. Quand on les lit, on est fasciné par leur façon de citer sans cesse l’Ecriture. Certes ils vivaient en un temps où les fidèles n’avaient pas accès aux textes, mais la question n’était pas seulement matérielle : « comment comprendrais-je si personne ne me guide ? » (Ac 8, 31).

J’avoue ma faute en la matière : je passe trop de temps à chercher à vous rejoindre dans ce que vous vivez tous les jours au détriment de l’explication de la Parole de Dieu. Le critère d’une messe ‘réussie’ n’est-il pas que vous repartiez avec une phrase de l’Ecriture ? Qu’ai-je entendu ce dimanche de la bouche du Christ ? Pas du prêtre : de Dieu !

Mes brebis écoutent ma voix et elles me suivent, dit Jésus. Je connais mes brebis, je leur donne la vie éternelle. Personne ne les arrachera de ma main et personne ne peut les arracher de la main du Père. Mon Père est plus grand que tout. Le Père et le Fils sont UN seul Dieu, Un dans l’Esprit.

Dans tout travail, tout emploi et service rendu, il y a le métier, l’activité, et il y a le patron. Les personnes que je vois malheureuses dans leur travail, ce n’est pas tant qu’elles n’aiment pas leur métier, c’est souvent qu’elles n’aiment pas leur patron, les relations dans le groupe. Quand le patron est mauvais ou absent, tout s’en ressent : des chiens-de-berger sans berger, ça devient vite des loups. Il en va de même dans l’Eglise, pour les prêtres et les fidèles, chaque fois qu’on se méprend ou qu’on oublie qui est le Chef. Et sur ce que l’on a à faire.

Le rôle du prêtre est de dire ce qui est vrai et de faire ce qui est juste. Et non l’inverse. La première lecture de ce dimanche en est une illustration admirable : les apôtres, guidés par l’Esprit, annonçaient le Christ, disant ce qui est vrai, éternel et pour tous, laissant à chacun la liberté de croire, de faire ce qui est juste, ce que Dieu demande à chacun. Dire ce qui est vrai et faire ce qui est juste. Parents, dites à vos enfants ce qui est vrai, que Dieu est Amour, que Jésus est le Fils de Dieu, aidez-les, apprenez-leur à discerner, et laissez-les faire ce qui est juste, ce que Dieu attend d’eux. Dire ce qui est vrai et faire ce qui est juste. Le modèle est le Christ.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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