Fête du Saint-sacrement - Dimanche 19 juin 2022

Lc 9, 11b-17

 

Pourquoi est-ce que c’est seulement le prêtre (et le diacre) qui communie au Sang du Christ ? Alors que saint Paul dit : « chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (2ème lecture – 1 Co 11, 26) ? Et dans la prière eucharistique je demanderai « qu’en ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit-Saint en un seul corps » ?

La réponse est qu’en recevant la moindre parcelle d’hostie ou goutte de sang (ainsi que nous faisons communier les mourants qui ne peuvent plus avaler), nous recevons Dieu tout entier. Nous avons célébré dimanche dernier de la Sainte Trinité « son indivisible

Mais pourquoi l’assemblée ne communie-t-elle pas au Précieux Sang ? Est-ce pour une raison pratique : pour ne pas prendre le risque que du Sang soit renversé ? Ce motif est réel etinsuffisant, comme la disponibilité pour le célibat des prêtres. Avant d’être pratique, le motifest eschatologique : le célibat des prêtres est un célibat pour le Royaume, la communion au Sang versé est lunion à sa mort.

Revenons aux prédications de Carême que le Père Cantalamessa a consacrées cette année au mystère de la Messe pour « raviver l’émerveillement devant l’Eucharistie » ! Oui, que nous sachions entretenir ‘l’admiration eucharistique’ : Dieu immortel se donne en nourriture, pour que nous ayons la vie

Dans sa 3ème prédication du 25 mars 2022 (que vous retrouverez sur : www.cantalamessa.org) le Père Cantalamessa écrit que « la Communion est le moment de la Messe qui exprime le plus clairement l’unité et l’égalité fondamentale de tous les membres du peuple de Dieu, au-delà de toute distinction de rang et de ministère.
Jusqu’à ce moment-là, la distinction des ministères est bien visible : dans la liturgie de la Parole, la distinction entre l’Église enseignante et l’Église apprenante ; dans la consécration, la distinction entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce universel. Dans la communion, aucune distinction. La communion reçue par le dernier des baptisés est identique à celle reçue par le prêtre et par l’évêque ».
J’avais intérieurement réagi : ‘Pardon, Monseigneur ! comment peux-tu dire qu’elle est identique si les fidèles ne communient pas au Précieux Sang ? Et l’unité n’est que spirituelle vu le nombre de personnes qui ne peuvent pas communier !’

Mais j’avais à l’esprit sa prédication précédente, du 18 mars, qui portait sur la Consécrationoù le Corps et le Sang du Seigneur sont clairement séparés, comme au dernier repas : Ceci est mon Corps. Ceci est mon Sang.

Le Père Cantalamessa explique : « Le mot ‘corps’ ne désigne pas dans la Bible une partie de la personne, une composante qui avec l’âme et l’esprit formeraient ensemble l’être humain complet. Dans le langage biblique, celui de Jésus et de Paul, ‘corps’ désigne la personne toute entière en tant qu’elle vit sa vie dans un corps, dans une condition corporelle et mortelle. ‘Corps’ désigne l’ensemble de la vie. En instituant l’Eucharistie, Jésus nous a laissé en don toute sa vie, du premier instant au dernier instant, avec tout ce qui a rempli concrètement cette vie ».

Voilà ce que, avec le pain, nous présentons à l’offertoire : tout ce qui fait la grandeur et la beauté d’une vie, de sa vie, de notre vie : les belles rencontres de la semaine, les moments d’échange et d’affection, tout ce qui nous fait du bien, donne du sens et de la valeur à l’existence.

Tout autre est la signification du sang. Ceci est mon sang. « Qu’ajoute Jésus avec le mot ‘sang’ s’il nous a déjà donné toute sa vie dans son corps ? Il ajoute la mort ! Après nous avoir donné la vie, il nous en donne aussi la partie la plus précieuse, sa mort. Le mot ‘sang’ dans la Bible n’indique pas une partie du corps : il indique un événement, la mort. Si le sang est le siège de la vie (ainsi qu’on le pensait alors), son ‘versement’ est le signe de la mort ».

En présentant à l’offertoire le vin pour qu’il devienne le sang du Christ, nous ne présentons pas ce qui est festif, comme si le vin symbolisait la fête et le pain le travail : le vin est aussi le fruit du travail. Par le vin et le sang, nous présentons nos épreuves, nos souffrances, nos échecs, tout ce qui en un mot nous ‘mortifie’, et nous prépare à la mort.

Avec le mot ‘corps’, nous rendons grâce pour tout ce qui constitue la vie que nous menons dans ce monde : le temps, la santé, l’énergie, les compétences, l’affection, parfois juste un sourire.

Avec le mot ‘sang’, nous faisons l’offrande de notre mort. Pas seulement la mort immédiate, définitive, le martyre pour le Christ ou pour les frères, mais tout ce qui en nous doit disparaître, être purifié, transformé.

Voilà pourquoi seul le prêtre boit le sang à la messe : il met en pratique sa propre consécration, son engagement de donner sa vie pour le Christ, même s’il le fait en votre nom à tous, mais de façon à laisser à chacun le temps de s’unir au Christ dans sa Passion et sa Résurrection.

Pensez à cette inscription sur les places réservées aux personnes handicapées : ‘si vous prenez ma place, prenez aussi mon handicap’. Pensez à la réponse de Jésus aux apôtres Jacques et Jean qui voulaient siéger avec lui dans sa Gloire : si vous prenez ma Coupe, prenez ma Croix. « La coupe que je vais boire, vous la boirez » (Mc 10, 38). Pas maintenant.

Gardez à l’esprit que dans une hostie nous recevons Dieu tout entier. Pour le sang, Dieu nous laisse le temps et la liberté de mourir avec le Christ pour ressusciter dans sa Gloire.

Dans son Corps, notre vie, dans son Sang, notre mort.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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