5ème dimanche du temps ordinaire - 7 février 2021

Mc 1, 29-39

 

Dimanche prochain étant la Saint Valentin, je voudrais vous dire quelques mots de l’amitié, composante essentielle de l’amour et passage obligé pour durer. Dominique, avec qui j’ai des discussions formidables, m’a dit que j’étais son ami – Vous êtes mon ami –. Et j’ai répondu : non, cela ne fait pas assez longtemps qu’on se connaît.

L’évangile raconte que Jésus, après avoir fait beaucoup de bien dans le village où habitait Pierre et sa famille, s’en va, aussi soudainement qu’il était arrivé. Notre nouvel ami s’en va ! On imagine la frustration des habitants et l’effort pour Pierre, pour suivre Jésus. Pourquoi ne reste-t-il pas plus longtemps, alors que, quand bien même tous les malades du village auraient été guéris et les possédés délivrés, on peut faire confiance au bouche-à-oreille pour que le lieu où se trouve Jésus devienne le point de ralliement ? The place to be. Jésus n’est pas venu guérir les corps mais sauver les âmes.

Il est assez désagréable que Dieu s’occupe d’autres personnes que de nous, et même qu’il s’en occupe parfois mieux. Cela s’appelle la jalousie, un des sept péchés sources, têtes ou capitaux, à l’origine de tant de divisions, « car la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes » (Jc 3, 16).

Vous connaissez la différence entre l’amour captatif et l’amour oblatif. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Chez l’homme et la femme, l’amour est, dans notre nature blessée par le péché, naturellement captatif et jaloux. La confiance, le contraire de la jalousie, est une grâce à demander dans la prière, voire le signe même de la prière. Comment est-ce que nous savons que notre prière est entendue ? Quand nous progressons en confiance et en générosité. Car l’avarice est le pendant côté choses de la jalousie, deux poisons analogues, la jalousie à l’égard des personnes et l’avarice à l’égard des biens, à combattre tous les jours, par la charité et la prière. Pour ne pas devenir des ‘possédés’ comme dans l’évangile.

J’ai des amis qui m’appellent affectueusement ‘Mon Christian’ et ça m’exaspère (mais je ne leur disais pas), jusqu’à ce que je comprenne pourquoi : il me semblait qu’ils s’appropriaient abusivement ce qui n’appartenait qu’à Dieu et à moi. C’est moi qui me trompais, comme Job dans la 1ère lecture : en contemplant et en suivant le Christ, nous découvrons que nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes.
Nous ne nous appartenons pas à nous-mêmes, sinon nous ne pourrions pas nous donner aux autres. C’est parce que nous appartenons à Dieu qui nous a créés et sauvés que nous pouvons, à son exemple dans le Christ, nous donner aux autres. Si je m’appartenais à moi-même, je ne pourrais donner au mieux qu’une partie de moi, une partie de mon temps, de mon être ou de mes idées. Que l’autre partie ne tarderait pas à reprendre. Nous serions incapables de nous faire, suivant la formule de saint Paul, ‘tout à tous’ : « Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns » (1 Co 9, 22).

Quel rapport avec l’amitié ? Et pourquoi l’amitié est-elle une composante essentielle de l’amour ?

Elle nous apprend que les personnes que nous aimons ne nous appartiennent pas, pas plus que nous ne nous appartenons à nous-mêmes.

C’est la raison pour laquelle il est si important d’avoir des amis, de se faire des amis avant de se marier et d’avoir des enfants : pour apprendre de nos amis à respecter leur liberté intérieure alors même que nous leur offrons ce que nous croyons être le meilleur de nous-mêmes.

C’est pour ne pas avoir appris ce qu’est l’amitié que des couples se perdent, que des parents ratent l’éducation de leurs enfants : ils n’avaient pas appris de leurs amis le respect de l’autre, de sa liberté intérieure, quel que soit le don que l’on puisse faire de soi-même.

Vous avez peut-être fait l’expérience de relations difficiles voire impossibles de vos amis entre eux, de situations compliquées qui font que nous ne savons plus qui choisir – entre nos amis, notre famille, nos proches, quand ils ne s’entendent pas entre eux.

Un dicton dit que ‘les amis de nos amis sont nos amis’, parce que, de fait, nous accueillons plus facilement une personne qui nous est recommandée, envoyée par un ami. La réciproque n’est pas vraie : nos amis ne sont pas toujours les amis de nos amis. Il ne suffit pas que j’aie de l’affection pour deux personnes pour qu’elles s’entendent entre elles.

Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas Dieu. Dieu est le seul qui puisse exiger et qui exige que ceux qu’il aime, et qui l’aiment, s’aiment entre eux. Mais nous – n’avons pas le droit de l’exiger de nos proches : ni de les retenir, ni de les contraindre dans leurs relations. Si un de mes amis n’en aime pas un autre, je ne les aime pas moins tous les deux pour autant. Simplement, je fais attention à ne pas trop parler de l’un à l’autre et je les vois séparément.

Jésus est venu nous réconcilier avec Dieu. Lui seul peut faire l’unité entre nous. Quand nous disons de l’amour qu’il est trinitaire, nous incluons qu’il doit passer par Dieu. L’amour pour grandir doit passer par Dieu.

Quelqu’un m’a demandé comment il pouvait me remercier, d’une aide apportée à sa famille, et je me suis entendu lui répondre : je ne fais que donner ce que j’ai reçu. Il a bien compris que je parlais de Dieu, de ce que j’avais reçu de Dieu. Tout m’a été donné par mon Père, dit Jésus (Mt 11, 27) qui s’en va « dans les villages voisins, afin que là aussi, dit-il, je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti » : pour nous relier à Dieu. La religion nous relie entre nous en proportion de notre lien à Dieu.

Que voulez-vous faire dans la vie ? Appartenir à Dieu.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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