24ème dimanche du Temps Ordinaire - 15 septembre 2019

Lc 15, 1-32

 

De ces trois paraboles de la Miséricorde, la deuxième, la femme aux dix drachmes, la plus courte, est la moins commentée. La première, la brebis perdue, est commune à l’évangile de saint Matthieu, reprise du livre d’Ezéchiel, transformant un reproche (‘Vous n’avez pas ramené la brebis qui était perdue’ Ez 34, 4) en exemple à suivre. La troisième, le fils prodigue, est un chef d’œuvre. Arrêtons-nous sur cette femme qui, pour une fois, n’est ni une épouse ni une mère, mais une propriétaire, avec une maison, de l’argent et des amies, bref un sujet de droit, une nouveauté pour l’époque.
Lorsque j’ai besoin d’un regard renouvelé sur des passages d’évangile, je vais lire les visions de Maria Valtorta, une mystique italienne morte en 1961 à 64 ans, connue pour son ouvrage au titre explicite : « L’Evangile tel qu’il m’a été révélé ». Maria Valtorta fait partie des ces mystiques qu’il est bon d’évoquer en ce 15 septembre fête de Notre-Dame des Douleurs, dont on ne sait pas de quoi elles ont le plus souffert : si elles ont davantage souffert physiquement de ce qui leur est arrivé, de maladies, accidents, agressions et paralysies, moralement à cause de l’Eglise, de rejets et condamnations brutales, ou spirituellement « en complétant dans leur propre chair ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ pour son corps qui est l’Église » (Col 1, 24).
Dans « L’Evangile tel qu’il m’a été révélé », Marie Valtorta consigne les visions reçues de la vie de Jésus, de façon comparable à celles de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich au 19èmesiècle (morte en 1824 à 50 ans) ou de la vénérable Maria de Agreda au 17èmesiècle (morte en 1665 à 63 ans). On peut dire que Maria Valtorta est assez proche de sainte Faustine et plus encore de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avec qui elle partage une offrande d’elle-même à l’amour de miséricorde. Ces femmes se sont offertes comme le Christ pour le salut des âmes. S’offrir et souffrir pour sauver des âmes, la chose est difficile à entendre, alors qu’il ne s’agit rien de moins que du mystère de la Rédemption : il fallait que le Christ souffrît pour (nous faire) entrer dans la Gloire.
Une femme, raconte Maria Valtorta, avait dix drachmes dans sa bourse. Fermez les yeux et imaginez la scène.
À cause d’un faux mouvement, sa bourse tombe de sa poitrine, s’ouvre, et les pièces de monnaie roulent par terre. Elle les ramasse avec l’aide des voisines présentes, et les compte. Il y en a neuf. La dixième est introuvable. Etant donné que le soir tombait et qu’on manque de lumière, la femme allume sa lampe, la pose sur le sol, prend un balai et se met à balayer attentivement pour voir si la pièce avait roulé loin de l’endroit où elle était tombée. Mais la drachme restait introuvable. Lassées de rechercher, ses amies s’en vont. La femme déplace alors le coffre, l’étagère, un autre coffre lourd, change de place les amphores et les cruches posées dans la niche du mur. Mais impossible de trouver la drachme. Elle se met alors à quatre pattes et cherche dans le tas de balayures près de la porte de la maison pour voir si elle avait roulé hors de la maison en se mélangeant aux épluchures de légumes. Et elle trouve enfin la drachme, toute sale, presque ensevelie sous les ordures qui étaient tombées sur elle. Toute joyeuse, la femme la prit, la lava, la sécha. Elle était devenue plus belle qu’avant. Elle rappelle à grands cris ses voisines — qui s’étaient retirées après les premières recherches — pour la leur montrer : « Voilà ! Vous voyez ? Vous m’avez conseillé de ne pas me fatiguer davantage, mais j’ai insisté et j’ai retrouvé la drachme que j’avais perdue. Réjouissez-vous donc avec moi, car je n’ai pas eu la douleur de perdre un seul de mes trésors. »
Votre Maître, et avec lui ses apôtres, agit comme la femme de la parabole. Il sait qu’un simple déséquilibre peut faire tomber un trésor. Chaque âme est un trésor et Satan, qui hait Dieu, provoque les faux mouvements capables de faire tomber les pauvres âmes.
Devant cette chute, il en est qui s’arrêtent près de la bourse, c’est-à-dire qui s’éloignent peu de la Loi de Dieu qui recueille les âmes sous la protection des commandements. D’autres vont plus loin, c’est-à-dire s’éloignent encore de Dieu et de sa Loi. Enfin, d’autres encore roulent jusque dans les balayures, dans les ordures, dans la boue. Là, elles finiraient par périr et par être brûlées dans le feu éternel, où sont les immondices que l’on brûle dans des lieux appropriés. Le Maître le sait et cherche inlassablement les pièces perdues. Il les cherche partout, avec amour. Ce sont ses trésors, et il ne se fatigue pas, ne se laisse dégoûter par rien. Il fouille tant et plus, remue, balaie jusqu’à ce qu’il trouve. Et lorsqu’il l’a retrouvée, il lave l’âme par son pardon, appelle ses amis, tout le Paradis et tous les hommes bons de la terre, et leur dit : « Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ce qui était perdu, et c’est plus beau qu’auparavant, car mon pardon le renouvelle. »
En vérité, je vous dis qu’il y a grande fête au Ciel et que les anges de Dieu et les hommes bons de la terre se réjouissent pour un pécheur qui se convertit. En vérité, je vous dis que rien n’est plus beau que les larmes du repentir. En vérité, je vous dis que seuls les démons ne savent pas, ne peuvent pas se réjouir pour cette conversion qui est un triomphe de Dieu. Et je vous dis aussi que la manière dont un homme accueille la conversion d’un pécheur donne la mesure de sa bonté et de son union à Dieu. Que la paix soit avec vous ».

Chaque personne est un trésor, dont l’âme est lavée par le pardon. Et elle est encore plus belle qu’auparavant. Elle n’a pas plus de valeur : c’est ce que le fils aîné de la troisième parabole ne comprend pas. C’est ce qui peut être très difficile à vivre pour les frères et sœurs d’une personne handicapée, qui peuvent souffrir du temps et de l’attention que leurs parents donnent à celui qui en a le plus besoin.
Mais alors, si cette femme est le Christ, qui cherche inlassablement les pièces perdues, pourquoi n’y a-t-il pas de femmes prêtres – puisque c’est la question qui m’est sans cesse posée, et à laquelle nous avons le plus de mal à répondre ? Maria Valtorta dit : « Votre Maître, et avec lui ses apôtres, agit comme la femme de la parabole ». Cette femme est l’Eglise. L’Eglise ne cesse de faire de faux mouvements, et de perdre ses enfants. Tandis que le Christ, ses brebis peuvent se perdre, mais lui ne perd aucune de ses brebis, de celles qui veulent être ses brebis. C’est la seule réponse que je puisse faire à ceux ou celles qui me demandent pourquoi il n’y a pas de femmes prêtres : le Christ l’a voulu ainsi, ne serait-ce que pour le représenter sacramentellement à la Messe, dans le sacrifice de la Passion.
Pourquoi n’y a-t-il pas de femmes prêtres ? est aussi difficile que d’expliquer pourquoi un enfant a besoin d’un père et d’une mère. La vie humaine vient ‘normalement’ (si possible !) de l’amour d’un homme et d’une femme, et Dieu lui-même quand il s’est fait petit enfant, s’est confié à Joseph et Marie. Le prêtre a cette mission de représenter avec l’Eglise le couple de Joseph et Marie, du père et de la mère. C’est ce qui se passe dans la vie sacramentelle quand le prêtre ou le diacre, avec l’Eglise, engendre le baptisé à la vie nouvelle. Dans la confession, le prêtre, avec l’Eglise, fait renaître ce baptisé à cette vie nouvelle. Dans l’Eucharistie, il le fortifie dans la communauté.
S’offrir pour le salut des âmes : cette mission se reçoit du Christ, et du Christ seulement. Il est l’unique Sauveur, qui s’est offert lui-même. S’offrir pour le salut des âmes : « Je trouve ma joie, dit saint Paul, dans les souffrances que j’endure pour vous (je me donne du mal !), et je complète en ma chair ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ pour son Corps qui est l’Église ». Ainsi se révèle le mystère caché depuis toujours : la réconciliation opérée par le Christ. Il est le bon berger qui nous ramène au Père, qui ramène les morts à la vie. Alléluia !

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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