23ème dimanche du temps ordinaire - 9 septembre 2018

Mc 7, 31-37

 

‘Mon Père, que pourriez-vous dire à notre enfant pour qu’il vienne à la messe le dimanche ?’ Il est un peu comme ce sourd dans l’évangile qui avait de la difficulté à parler : il est sourd à nos demandes sans être capable de dire pourquoi ! Ah si Jésus pouvait poser la main sur lui, le prendre à l’écart et le guérir ! Comment faire pour que nos enfants viennent avec nous à la messe le dimanche ? J’entends et je compatis au désarroi des parents dont l’enfant ne marche pas sur leurs traces quand ces traces sont celles de Dieu et d’un Chemin de vie. Le désarroi de parents dont les enfants ne croient pas en Dieu alors qu’ils les ont fait baptiser et les ont éduqués dans la foi chrétienne. C’est un sentiment d’échec et d’inquiétude, et pour avoir passé du temps cet été avec des familles très variées, j’ai vu à quel point l’éducation des enfants est une leçon d’humilité. Quelle humilité il faut aux parents pour accepter que les enfants fassent des choix différents et parfois insensés. C’est aussi en ce sens que nous parlons de l’humilité de Dieu.

Que dire aux enfants pour qu’ils aillent à la messe le dimanche ?

Il importe de rappeler aux parents pour qu’ils l’enseignent aux enfants qu’ils sont maîtres chez eux : c’est une question de souveraineté. Ce n’est pas parce que nous renonçons de plus en plus à la souveraineté sur le plan national, à notre langue, notre culture, notre histoire, nos racines chrétiennes – ou plutôt le seul moyen de défendre la souveraineté nationale passe par la famille. La dignité et la grandeur de la famille est dans sa souveraineté : les parents sont responsables de l’éducation de leurs enfants devant Dieu et devant la Loi civile et les deux se rejoignent plus qu’ils ne diffèrent. De la même façon que les parents ont l’obligation de scolariser leurs enfants jusqu’à un âge fixé par la Loi, ils ont l’obligation, et ils en ont pris l’engagement au jour du baptême, de leur éducation religieuse. Il n’y a pas de meilleur catéchisme que la messe le dimanche.
Jusqu’à quel âge ? Jusqu’à 14 ans comme pour l’école ? Ou tant qu’ils vivent à la maison ? « Aussi longtemps que l’enfant vit au domicile de ses parents, l’enfant doit obéir à toute demande des parents motivée par son bien ou par celui de la famille », dit le Catéchisme (CEC n. 2217) qui ajoute que « les enfants ont à obéir aux prescriptions raisonnables de leurs éducateurs et de tous ceux auxquels les parents les ont confiés. Mais si l’enfant est persuadé en conscience qu’il est moralement mauvais d’obéir à tel ordre, qu’il ne le suive pas ». Cette obéissance n’est pas absolue, mais tant qu’ils vivent à la maison, ils en respectent les règles. L’Eglise est le prolongement de la famille, et la réciproque était mon propos de dimanche dernier, pour qu’elles soient l’une et l’autre des lieux protégés, des sanctuaires, prémices du Royaume.

La famille est un lieu à part, qui doit résister aux tentations et dictatures du moment, et résister aux protestations des enfants : ‘Mes copains, eux, ils ne sont pas obligés !’. Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, prompt à montrer à chacun ce qu’il pourrait envier aux autres. En cachant bien sûr les contreparties : devenir comme les autres, au risque de n’être plus soi-même. Jésus n’a-t-il pas dit que le sabbat était fait pour l’homme et pas l’homme pour le sabbat ? « Jamais Jésus n’a manqué à la sainteté de ce jour » (CEC 2173). Jamais Jésus n’a dérogé au jour du Seigneur. J’admire les personnes âgées qui, au soir de leur vie, peuvent dire avec fierté : je n’ai jamais manqué une messe le dimanche.
Et je sais qu’au jour de leur mort, « de leurs yeux de chair, elles verront Dieu. Elles le verront et, quand leurs yeux le regarderont, il ne se détournera pas » (Jb 19, 27).

A la pression profane s’ajoute la conviction insidieuse qu’il faut évoluer. L’adolescent, l’enfant, le jeune ne cessent de changer : ils grandissent, ils se transforment depuis leur naissance, et nous en sommes venus à croire que le changement serait essentiel à la nature humaine et le maître-mot de l’histoire. D’où le mépris pour le passé comme pour l’Eternel, et pour tous ceux qui nous ont précédés. La grande leçon chrétienne dit que le seul changement véritable, qui vaille est la conversion du cœur. Evidemment que la guérison de ce sourd-muet est symbolique ! Elle n’en est pas moins réelle, historique, un acte prophétique qui révèle ce dont nous souffrons le plus : de surdité. Racontant sa conversion, saint Augustin – « Je t’ai aimée bien tard, Beauté si ancienne et si nouvelle, je t’ai aimée bien tard ! Tu étais au-dedans de moi quand j’étais au-dehors. Tu étais avec moi, et je n’étais pas avec toi » -, saint Augustin s’exclame : tu as vaincu ma surdité !  « Tu m’as appelé, tu as crié, tu as vaincu ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi, et tu as dissipé mon aveuglement. Je t’ai goûtée, et j’ai faim et soif de toi ; tu m’as touché et je me suis enflammé pour obtenir la paix qui est en toi ».

Enfin, il y a dans l’évangile de ce dimanche cette affirmation de foi si contestée : « Il a bien fait toutes choses ; il fait entendre les sourds et parler les muets ». C’est notre foi : « Dieu a créé toutes choses avec sagesse et par amour », et la contestation de tout enfant qui atteint l’âge de raison : Il a bien fait toutes choses ? Chacun peut citer un mal dont il tient Dieu pour responsable. ‘Excuse-moi Mon Seigneur’ dit Gédéon à l’Ange venu le visiter, et qui l’a salué d’un : ‘le Seigneur est avec toi’ – ‘Excuse-moi mais si le Seigneur est avec moi, d’où vient tout ce qui nous arrive ?’ (Jg 6, 13).

Voilà autant d’obstacles à l’unité familiale : la répugnance à l’autorité, l’abandon de la souveraineté, la pression sociale profane, l’ignorance de l’histoire comme élément structurant de notre identité, la réaction infantile au mystère du mal. J’ai écarté l’argument de la médiocrité de nos célébrations : outre le fait qu’elle dépend de notre participation, c’est une médiocrité toute relative comparée à ce que nous consommons par ailleurs.

Que faire pour que nos enfants viennent à la messe le dimanche ? Autant de familles, autant d’histoires singulières. Disons qu’il faut que les parents passent plus de temps avec Dieu et avec eux. Plus de temps avec eux pour que l’amour soit concret et que la messe ne vienne pas empiéter sur un temps déjà réduit. Plus de temps avec Dieu pour que les enfants assistent à la conversion de leurs parents. Les miracles racontés dans l’évangile, comme celui de ce sourd-muet, ne sont qu’un pâle aspect du grand miracle opéré par le Christ dans le cœur de ses disciples. Ils appartenaient à la majorité silencieuse, la part du peuple sourde et muette, qui doutait de son intelligence et n’avait pas droit à la parole.
« Il fait entendre les sourds et parler les muets » : cette phrase résume la conversion du cœur des disciples du Christ ! Par le don de l’Esprit-Saint, ils sont entrés dans l’intelligence des Ecritures et ont pu proclamer les merveilles de Dieu. Alléluia !

La conversion des enfants passe aussi par celle de leurs parents : Allez les enfants, venez prier pour nous à la messe, c’est dimanche !

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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