3ème Dimanche du Temps Ordinaire - 22 janvier 2017

Mt 4, 12-23

Qu’est-ce qui est le plus important, selon vous : l’unité de l’Eglise ou l’unité des Chrétiens ? L’unité de l’Eglise, confiée à Pierre, dont nous avons entendu l’appel dans l’évangile : une unité autour des sacrements, dont le Pape et les évêques sont les garants. Ou l’unité des Chrétiens, confiée à Paul et cette semaine de prière (pour l’unité des chrétiens) se conclut le 25 janvier par la fête de la conversion de saint Paul, l’apôtre des nations, ainsi qu’il se définit lui-même, bien au-delà de la Galilée des nations dont il est question dans l’évangile.

Qu’est-ce qui est le plus important : les sacrements de l’Eglise ou l’annonce de l’Évangile ? Paul les distingue dans la 2ème lecture, disant que le Christ ne l’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Évangile.
Pierre n’était pas un théologien ni un savant mais un homme du peuple, pêcheur du lac. Paul était pharisien, fils de pharisiens, rompu à la rhétorique et amateur de belles-lettres, héritier de la tradition juive comme de la sagesse grecque.

L’évangile de ce dimanche se situe après les tentations au désert : Jésus a vaincu le diable, et s’ouvre un temps de répit. Le silence se fait dans les esprits, un grand calme sur la terre. La phrase qui précède dit qu’ainsi défait par Jésus, « le diable le quitta et des anges s’approchèrent, et ils le servaient » (Mt 4, 11). Ils le servaient à quoi ? A l’annonce de l’évangile, l’accomplissement de la prophétie d’Isaïe : sur le peuple qui habitait dans les ténèbres, le pays et l’ombre de la mort, une lumière a resplendi.
Ce peuple qui demeurait dans les ténèbres ne désigne pas quelque population arriérée ignorant les progrès techniques et les joies de la civilisation. Demeurer dans les ténèbres et l’ombre de la mort est la condition de toute personne en ce monde qui n’a pas reçu le baptême.

Nous vivons une situation nouvelle dans notre pays, où le nombre de baptisés, des personnes qui ont été arrachées au pouvoir de Satan, délivrées du péché originel, va devenir minoritaire. Nous assistons, ici et là, à des manifestations et emprises sataniques, qui avaient disparu depuis des siècles, depuis le Moyen-âge. Le danger ne vient pas tant des migrants : il vient de la vulnérabilité des nouvelles générations désormais livrées à toutes les idoles et superstitions.

Pourquoi faut-il baptiser les enfants dès la naissance ? Pour les arracher au pouvoir de Satan : éviter qu’ils puissent être infestés, sans consentement de leur part. Les parents qui ne font pas baptiser leur enfant à la naissance pour lui laisser le choix plus tard ignorent le pouvoir du mauvais et la réalité du mal. Ils ignorent ce que Sauver veut dire. Pierre et Paul savaient ce que Sauver veut dire. Il ne sert à rien d’opposer l’unité de l’Eglise et l’unité des Chrétiens : elles ne s’opposent que lorsqu’on perd la perspective du Salut.

« Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ».
Il ne sauvera pas son peuple de l’occupation romaine, ni des invasions à venir, il ne lui évitera pas les guerres, les maladies, ni les persécutions : il le sauvera de ses péchés, et du péché originel, dont en être délivré ne signifie pas ne plus pécher, mais de pouvoir résister à Satan. Telle est la grâce de la Vierge Marie, le privilège de l’Immaculée conception, qui est, comme l’expliquait Jean-Paul II, « le pouvoir de résister au démon » (je vous renvoie à mon homélie du 8 décembre dernier).

Nous allons bientôt changer la traduction du Notre Père, ne plus demander au Seigneur de ne pas nous soumettre à la tentation, pour dire : « Ne nous laisse pas succomber à la tentation ». Comme si la tentation était uniquement devant nous ! Mais nous avons déjà succombé à la tentation, nous avons tous été marqués par le péché originel, dont nous portons des traces et des séquelles, et le ‘nous’ de ‘ne nous soumets pas à la tentation’ désigne l’humanité inconsciente du Salut.
Ne nous soumets pas à la tentation signifie que la grâce du baptême n’est efficace que vivante et partagée : vivante, c’est l’unité de l’Eglise ; partagée, c’est l’unité des Chrétiens.

Alors oui, comment fait-on pour tenir les deux, puisque l’une repose sur la primauté de Pierre, sur le lien du baptême aux autres sacrements, tandis que l’autre est plus ouverte, tournée vers les autres, et croit à la diversité, et même croît c’est-à-dire progresse et grandit par la diversité et la liberté. Qu’est-ce qui est le plus important dans une famille : l’unité du groupe ou la liberté de ses membres ?

L’Eglise y a répondu depuis longtemps : c’est l’amour qui les unit. Et Pierre et Paul, comme tous les disciples du Christ, ne sont pas chargés de diriger des esprits, mais de nourrir la foi.

D’où l’image que le Christ emploie en appelant ces pêcheurs de poissons à devenir « pêcheurs d’hommes » : comment le comprendre puisque les poissons sortis de l’eau meurent ? C’est la réalité du baptême, de la mort au péché, pour naître à la vie de grâce. Et c’est aussi le propre de la messe, de l’Eucharistie, car c’est pour nourrir les hommes que ces pêcheurs du lac exerçaient leur métier : la nourriture qu’ils donneront désormais est le Christ lui-même, le Corps du Christ, la vraie nourriture, dont saint Paul est avec saint Jean le grand théologien.

L’unité de l’Eglise par l’Eucharistie, l’unité des Chrétiens par le baptême.

L’une comme l’autre engage la liberté de chacun pour le salut de tous. Cela suppose cinq conditions : d’abord de croire en la grâce, à la gratuité, au caractère désintéressé de l’amour, en étant prudent à l’égard de l’argent. Ensuite, de ne pas se laisser voler l’espérance par ceux qui savent, intellectuels, professeurs, beaux-parleurs et même théologiens : le salut ne dépend pas du savoir, c’est toute la différence entre l’adoration véritable et le culte du mystère. Je ne sais rien de plus sur Dieu que ce que vous pouvez tous savoir si vous écoutez Jésus. Troisièmement, ne pas avoir peur du péché des autres : la liberté de chacun est de ne pas pécher pour le salut de tous. Quatrièmement, l’indicateur (contraire) le plus sûr du dogmatisme et du sectarisme, c’est le refus de se remettre en question : Dieu ne nous demande pas de tout croire, aujourd’hui ; il nous demande de nous mettre en route. Enfin, le critère essentiel est l’adhésion du cœur, le désir intérieur : je vous promets qu’il est possible d’être à la fois sincère et fidèle.
Sincères et fidèles, Pierre et Paul l’ont été, sans rien perdre de leur liberté. Quand le Christ est au centre, les hommes n’ont rien à craindre pour leur liberté. Unis à lui, ils se retrouvent et se découvrent unis entre eux. Plus nous serons unis à lui, plus nous serons unis entre nous.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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