7ème dimanche de Pâques - 2 juin 2019

Jn 17, 20-26

 

Il y a trois bonnes raisons d’avoir peur de la mort : ce sont la peur de l’inconnu, la douleur de la séparation, et la perspective du jugement. Je vais les reprendre brièvement pour voir quelles réponses, quels remèdes apporter. Auparavant, il convient de rappeler que la peur de la mort n’est pas un péché : elle peut survenir à tout moment, être passagère puisque la mort est un passage, elle peut aussi s’accuser à certains moments de l’existence. Tout être humain, toute personne peut éprouver la peur de la mort et le Christ lui-même, le Fils de Dieu a ressenti frayeur et angoisse. Son agonie à Gethsémani est un combat physique, sa sueur devenant du sang, et un combat spirituel, tourmenté par le Démon. L’évangile dit qu’à la fin des tentations au désert le diable s’était éloigné jusqu’au moment fixé : jusqu’à l’heure de la mort.

La première raison d’avoir peur de la mort est la peur de l’inconnu. C’est la réaction des disciples quand Jésus annonce sa mort. Pierre demande : « Seigneur, où vas-tu ? » (Jn 13, 36). Thomas enchaîne : « Nous ne savons pas où tu vas ! » (Jn 14, 5). La peur de l’inconnu est une des questions les plus mystérieuses concernant Jésus : son omniscience divine s’appliquait-elle à sa conscience humaine, illuminait-elle son esprit humain ? Vrai Dieu et vrai homme, il savait tout en tant que Dieu mais en tant qu’homme ? En tant que Dieu il embrassait la totalité des choses et de l’univers, et en tant qu’homme il vivait l’instant présent et la succession du temps. La seule façon pour l’homme de rejoindre l’Eternel est l’instant présent.

La deuxième raison d’appréhender la mort est la souffrance physique et surtout morale de la séparation et de l’arrachement. Les deux se conjuguent mais se traitent différemment. J’ai déjà souligné l’importance et la longueur du discours d’Adieu dans l’évangile de saint Jean. Les autres évangiles parlent de la tristesse de Jésus dans son agonie : il ressentit tristesse et angoisse. Jésus dit : mon âme est triste à en mourir. La tristesse de la séparation, de l’amour blessé, de l’abandon et de la trahison. Tous ces sentiments se mêlent en Jésus dans sa prière à son Père.

La troisième raison, après la peur de l’inconnu et la tristesse de la séparation, est la perspective du jugement. Si l’imagination est reine dans le premier cas, face à l’inconnu, si l’attachement et la mémoire, les sentiments nous submergent dans le second, dans la séparation, c’est la conscience morale qui est à l’œuvre à la perspective du jugement. On a constaté que nombre de prêtres meurent dans des angoisses terribles, alors qu’on imaginerait que leur espérance devrait au contraire les rassurer, mais ils tremblent parce qu’ils savent ce qu’ils ont reçu et ce qu’ils en ont fait. Interviennent ici tous les regrets de notre vie. La 1ère Lettre de saint Jean fait un lien prodigieux entre l’amour et la conscience morale : « Mes petits enfants, nous devons aimer : non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. En agissant ainsi, nous aurons devant Dieu le cœur en paix ; notre cœur aurait beau nous accuser, Dieu est plus grand que notre cœur » (cf. 1 Jn 3, 20).

La peur de l’inconnu, la tristesse de la séparation, la perspective du jugement : je vais reprendre ces trois motifs d’angoisse à la lumière de l’Esprit saint consolateur.

L’inconnu de la mort est relatif. On entend souvent dire qu’on ne sait pas ce qui se passe après la mort, que personne n’en est revenu. Ce n’est pas vrai. Un homme, Jésus, est ressuscité, revenu de la mort, le Christ : nous en sommes témoins diront les apôtres, au point de donner leur vie, de changer le monde, de s’engager de façon nouvelle pour le Seigneur et pour les autres. De même pour la connaissance de Dieu : ‘on ne saurait rien de Dieu’ ? Après Thomas, Philippe porte l’objection : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit ». Jésus répond : « Celui qui m’a vu a vu le Père. Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? ». Pour connaître Dieu, écoutons et contemplons le Christ.

La tristesse de la séparation est incompressible. Nous la vivons lors de voyages, avec, face à la mort, la promesse de Jésus : « Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi ». Naguère aux funérailles on lisait un passage de saint Paul aux Thessaloniciens « au sujet de ceux qui se sont endormis dans la mort : il ne faut pas que vous soyez abattus comme les autres qui n’ont pas d’espérance. Jésus, nous le croyons, est mort et ressuscité ; de même, nous le croyons, ceux qui se sont endormis, Dieu, à cause de Jésus, les emmènera avec son Fils. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur. Retenez ce que je viens de dire et réconfortez-vous les uns les autres ». Réconfortez-vous : la réponse à la tristesse est l’amour.

Enfin, troisièmement, contre la peur du jugement, il y a la réponse de la foi. Face à l’inconnu, l’espérance. Face à la douleur, la charité. Face au jugement, la foi : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement » (Jn 3, 16-18). Celui qui croit à l’amour de Dieu échappe au Jugement. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas aimés par Dieu en proportion de nos mérites, ni moins aimés à cause de nos péchés. Nous sommes aimés de Dieu parce que Dieu est Amour.

Dans l’Ancien Testament, il n’était pas question de venir devant Dieu les mains vides. « Trois fois par an – à la fête des Pains sans levain, à la fête des Semaines et à la fête des Tentes –, tous les hommes paraîtront devant la face du Seigneur ton Dieu, au lieu qu’il aura choisi. Ils ne paraîtront pas les mains vides devant la face du Seigneur, mais chacun fera, de sa main, un don à la mesure de la bénédiction que le Seigneur ton Dieu aura donnée » (Dt 16, 16-17). « On ne paraîtra pas devant ma face les mains vides » (Ex 23, 15) : il fallait présenter au Seigneur toutes sortes d’offrandes et de sacrifices pour le pardon. Or, « Voici que Dieu a ressuscité Jésus le troisième jour. Il lui a donné de se montrer non pas à tout le peuple, mais seulement aux témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Il nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que Dieu l’a choisi comme Juge des vivants et des morts. C’est à lui que tous les prophètes rendent ce témoignage : Tout homme qui croit en lui reçoit par lui le pardon de ses péchés » (Ac 10, 40-43). Tout homme qui croit sera pardonné. Non parce qu’il le mérite mais parce qu’il croit. La rencontre de Jésus avec un centurion romain dont nous faisons mémoire à chaque messe (Seigneur, je ne suis pas digne) est précédée de l’envoi d’émissaires qui suppliaient Jésus : « Il mérite que tu lui accordes cette guérison. Il aime notre nation : c’est lui qui nous a construit la synagogue » (Lc 7, 1-10). Il mérite ! Jésus n’admire pas ses mérites : il admire sa foi.

Face à l’inconnu, l’espérance. Face à la souffrance, la charité. Face au jugement, la foi.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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