Mercredi des Cendres - 14 février 2018

Mt 6, 1-6.16-18

 

Les actions dont il est question dans cet évangile sont des résolutions : des décisions prises avec la volonté de s’y tenir, des promesses que nous nous faisons à nous-mêmes et à Dieu. Il ne s’agit pas de faire un don, une aumône ‘une fois’, ni de prier ‘une fois’, ni de jeûner (réduire fortement un repas) ‘une fois’. Ces engagements se prennent dans la durée, quarante jours, le Carême. Avec des pauses le dimanche. Et les jours de grande fête comme la saint Joseph le 19 mars, ou si c’est mon anniversaire ? On verra.

Ces résolutions visent, comme leur nom l’indique, à apporter une solution à un problème. Lequel ? La souffrance du miséreux par l’aumône, la vacuité de notre vie par la prière, les excès en tous genres par le jeûne.

Ces résolutions dans l’Ancien Testament s’appelaient des nazirs, et celui qui les prenait faisait le vœu de naziréat. On l’appelait naziréen, littéralement celui qui est consacré. Ce nom a été compris comme celui de Jésus le nazaréen (de Nazareth), ou nazarénien, ou naziréen. Le Christ est le Consacré absolu, le Saint de Dieu.

Le Livre des Nombres donne les trois engagements du nazir : le premier est l’abstinence d’alcool. « Le Seigneur parla à Moïse. Il dit : Parle aux fils d’Israël. Tu leur diras : Quand un homme ou une femme fait un vœu particulier, le vœu de naziréat, par lequel il se voue au Seigneur, il s’abstiendra de vin et de boisson forte, il ne boira ni vinaigre de vin ni vinaigre d’alcool, il ne boira aucun jus de raisin, il ne mangera ni raisins frais ni raisins secs. Tous les jours de son naziréat, il ne mangera aucun produit de la vigne, même pas les pépins ou la peau » (Nb 6, 1-4). Voilà une bonne résolution de Carême ! Carême sans alcool.
Le sujet est en réalité plus large qui a trait à la maîtrise de soi car on peut être ivre de toutes sortes d’excès, de fatigue, de sorties, de travail. La maîtrise de soi fait partie des fruits de l’Esprit-saint : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Gal 5, 22-23).

Le Livre des Lévites stipulait que les prêtres n’avaient pas le droit de boire pendant le service. « Le Seigneur parla à Aaron et dit : ‘Quand vous devez entrer dans la tente de la Rencontre, toi et tes fils avec toi, ne buvez ni vin ni boisson forte. Alors vous ne mourrez pas. C’est un décret perpétuel pour toutes vos générations’ » (Lv 10, 8-9). Quand je dis que je ne bois pas (je ne bois plus) une goutte d’alcool (totalement abstinent), les gens me rétorquent souvent : « Et alors à la messe ? ». Je réponds : c’est le sang du Christ.

Lorsque l’ange du Seigneur annonça à la femme d’un homme nommé Manoah – cette femme était stérile et n’avait pas eu d’enfant – qu’elle allait concevoir et enfanter un fils, il lui dit : « Désormais, fais bien attention : ne bois ni vin ni boisson forte, et ne mange aucun aliment impur, car tu vas concevoir et enfanter un fils ». Et il ajouta : « Le rasoir ne passera pas sur sa tête, car il sera voué à Dieu dès le sein de sa mère. C’est lui qui entreprendra de sauver Israël de la main des Philistins » (Jg 13, 5). Il s’agit de Samson.

La 2ème mesure du naziréat, la plus spectaculaire, est le fait de ne plus se couper les cheveux pendant la durée du vœu. Lorsque saint Paul quitte Corinthe pour s’embarquer pour la Syrie, « à Cencrées, il s’était fait raser la tête, car le vœu qui le liait avait pris fin » (Ac 18, 18). C’est ce que prévoit le Livre des Nombres : « Tous les jours de son vœu de naziréat, le rasoir ne passera pas sur sa tête. Jusqu’à la fin de cette période de naziréat, il sera saint pour le Seigneur, il laissera pousser librement sa chevelure » (Nb 6, 5). Ce n’est pas forcément à prendre à la lettre pour le Carême … Laisser sa chevelure en vrac signifie ne pas chercher à plaire.
La 1ère mesure dit : ne pas chercher à se distraire ; la 2ème ne pas chercher à plaire.

La 3ème mesure est l’interdiction d’approcher un mort. C’est la raison pour laquelle dans la parabole du bon Samaritain le prêtre et le lévite traversent la rue pour éviter de se rendre impur, et donc d’avoir à tout recommencer, se raser la tête à nouveau etc., sans compter les oiseaux, tourterelles ou colombes à offrir en sacrifice (Nb 6, 11).
Cette mesure est terriblement exigeante qui touche la vie affective et personnelle : « Tous les jours de son naziréat pour le Seigneur, il n’approchera d’aucun mort : père ou mère, frère ou sœur, pour aucun d’eux, à leur mort, il ne se rendra impur, car il porte sur la tête le signe de la consécration à son Dieu ». Autrement dit, il se tiendra éloigné de sa famille quelles que soient les circonstances, y compris les plus dramatiques.
Il faut remettre cette mesure dans le contexte de l’époque d’obligations extrêmement strictes à l’égard du clan familial. Aujourd’hui, nous vivons l’inverse. Aussi le Carême peut-il être pour certains l’occasion de se manifester à leur famille, de se rapprocher d’eux pour se rapprocher de Dieu.

Voilà de bonnes résolutions : moins de distractions, moins de séduction, plus de compassion.

Le Carême qui dure quarante jours est comparable à un naziréat, dont la durée, laissée à la discrétion de celui qui faisait le vœu, ne pouvait être inférieure à trente jours. Le Chrétien est comme le Christ un naziréen. Avec toutefois deux différences essentielles : d’abord sa visibilité. L’extériorisation est très forte dans l’Ancien Testament, par les cheveux longs, et sales, tandis que Jésus appelle à l’intimité, au secret, au respect de soi par égard pour les autres : « quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ».

L’autre différence est l’Esprit dans lequel le vœu, l’engagement est pris. L’Esprit du Carême est l’Esprit du Christ Jésus, que nous verrons dimanche comme la force qui pousse au désert, et fait vaincre toutes les tentations.

Je vous invite, quelles que soient vos résolutions, à placer ce Carême sous le signe de l’Esprit, à voir de quelle façon vous invoquerez l’Esprit-Saint chaque jour des sept semaines à venir.

Un Carême réussi est celui qui nous fait grandir dans la connaissance intérieure de Jésus-Christ. L’Esprit-Saint donne cette connaissance. C’est lui qui suscite ces résolutions : c’est lui qui vous fera tenir.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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