5ème dimanche de Pâques - 7 mai 2023

Jn 14, 1-12

 

Ils sont quatre à intervenir successivement, après le lavement des pieds et l’annonce par Jésus de la trahison de Judas et de l’imminence de sa Passion, quatre apôtres de Jésus : Thomas et Philippe que nous venons d’entendre, mais juste avant Simon-Pierre, et juste après Jude, pas Judas, l’autre qu’on appelle Thaddée.
Pierre, Thomas, Philippe et Jude incarnent les quatre vertus dont nous avons besoin face à un avenir critique, quatre appuis de notre humanité pour recevoir de Dieu la grâce de l’espérance.

Pierre est le premier à intervenir, c’est logique, demandant à Jésus : « Où vas-tu ? » (Jn 13, 37). La réponse de Jésus – « Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; tu me suivras plus tard » le fait réagir vivement : « Seigneur, pourquoi ne puis-je pas te suivre à présent ? Je donnerai ma vie pour toi ! » (Jn 13, 37). Pierre reçoit alors, et nous avec lui, une leçon de prudence : « Tu donneras ta vie pour moi ? Amen, amen, je te le dis : le coq ne chantera pas avant que tu m’aies renié trois fois » (Jn 13, 38). Réfléchis avant de t’engager. Prudence.

Jude est le dernier des quatre, et l’évangéliste souligne qu’ensuite, la discussion est close : « Levez-vous, partons d’ici » dit Jésus (Jn 14, 31).
Jude manifeste son incompréhension par une question très courante : pourquoi nous ? « Seigneur, que se passe-t-il ? Pourquoi est-ce à nous que tu te manifestes et pas au monde ? » (Jn 14, 22). « On n’agit pas en secret quand on veut être un personnage public, avaient déjà dit les frères de Jésus. Puisque tu fais de telles choses, il faut te manifester au monde » (Jn 7, 4). C’est une question de justice, le cœur de notre espérance. Nous espérons que ‘Justice sera créée’, et cela suppose que nous en ayons le désir, que nous ayons un grand amour de la justice.
Avant de se plaindre de manquer d’espérance, nous devrions examiner notre désir de justice. L’espérance est un don de Dieu, la justice le devoir de l’homme. Ce sont les premiers mots de Jésus dans l’évangile de Matthieu, à son baptême par Jean-Baptiste qui lui aussi se récriait : « Laisse faire pour l’instant, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice » (Mt 3, 15).

Avec Pierre, appel à la prudence ; avec Jude, appel à la justice.

Les deux autres vertus cardinales sont la force et la tempérance : appel à la force pour Thomas, alors qu’ils sont tous bouleversés ; appel à la tempérance, à la mesure pour Philippe, qui se montre trop tranché : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit ».

Où en sommes-nous, nous-mêmes, de la pratique de ces vertus : la prudence, la force, la tempérance et la justice ? Pour chacune d’elles, est-ce un de nos points forts ou un point faible à travailler ? Voilà un bon mode d’examen de conscience, une bonne façon de préparer une confession : est-ce que j’ai péché contre la prudence, dans mes propos ou mes fréquentations ? Péché contre la force en perdant patience ou en renonçant trop vite ? Contre la tempérance, par quels excès ? Contre la justice, en favorisant certains au détriment d’autres ?
Vous prenez chacune de ces vertus, l’une après l’autre et vous regardez : la prudence, est-ce que je suis prudent ? La force ? La tempérance ? La justice ?

Il faut être clair sur l’espérance : l’espérance est une récompense, la récompense du bonheur que Dieu veut pour nous avec lui, bonheur qui avait été perdu, et notre vie, notre ‘mission’, notre Salut ! est de le retrouver par Jésus-Christ.

Le Christ Jésus va donc demander à chacun de ces apôtres de sortir de leurs cadres de pensée, qui font que nous raisonnons trop souvent ou uniquement à partir de ce que nous maîtrisons. Sortir : vous vous souvenez dimanche dernier ? le Bon Pasteur, « ses brebis à lui, il les fait sortir » (Jn 10, 3) – sortir de nos schémas préconçus de pensée.

Pierre, Jésus l’extirpe de ce qu’il imaginait être sa qualité, la loyauté. Prudence, dit Jésus, prudence sur ce que tu penses maîtriser, sur tes capacités, tu ne sais pas ce qui peut se passer.

Thomas est un homme pragmatique, nous l’avons vu au 2ème dimanche de Pâques. Ici il dit : si je sais où, je sais comment. Jésus répond en rappelant ce qu’est la force : l’accord des moyens et de la fin. Pas de force sans douceur, de résultat sans patience et persévérance.

Philippe sert d’intermédiaire, depuis le début de l’évangile (Jn 1, 45). Il est juif mais porte un nom grec, parle grec et il a proposé à Jésus de rencontrer le monde grec (Jn 12, 20 ; cf. catéchèse de Benoît XVI du 6 septembre 2006). Tandis que Jude, au contraire, porte dans son nom sa ‘judéité’, la séparation du peuple élu et du monde. Les deux, Jésus les appelle à changer, au nom de l’équilibre et de l’équité, de la tempérance et de la justice.

Les apôtres sont ou étaient comme nous, avec chacun sa vision personnelle du Salut. Ils ont dû se convertir : accepter de se remettre en question.
C’est le critère d’une ‘vie intérieure’ : la capacité à se remettre en question, à écouter en son cœur et conscience l’appel du Christ à se convertir et s’ouvrir à sa grâce. La grâce d’espérance suppose l’assise et la pratique des vertus cardinales de prudence, force, justice et tempérance.

Mieux que des quatre coins de l’horizon : des quatre coins de l’espérance.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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