Vendredi Saint - 7 avril 2023

Jn 18,1 - 19,42

 

Le Vendredi saint et le Samedi saint sont les deux seuls jours de l’année où nous ne célébrons pas de messe. Jésus meurt sur la Croix.

« Le Vendredi saint est un jour de pénitence obligatoire dans toute l’Église, que l’on observe par l’abstinence et le jeûne. La célébration des sacrements (baptême, confirmation, mariage, ordination, messe) est strictement interdite ce jour-là, à l’exception de la pénitence et de l’onction des malades. Les funérailles sont célébrées sans eucharistie, sans chant, sans orgue et sans cloche » (Circulaire du 16 janvier 1988 de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements). Les messes de funérailles seront célébrées après Pâques, à compter du lundi.

Pourquoi allons-nous alors communier aujourd’hui ?

Pour l’unique motif consacré par la liturgie, concernant l’usage de la réserve eucharistique : la communion en dehors de la messe est destinée aux malades. La règle de l’Eglise est simple : on communie en dehors de la messe quand on est malade.

Lorsqu’une communauté d’Eglise communie au Corps du Christ lors d’une Adap – une Assemblée Dominicale en l’Absence de Prêtre, – absence temporaire parce qu’il a bien fallu qu’un prêtre ait célébré une messe pour constituer cette réserve eucharistique, cette communauté reconnaît que, sans prêtre, elle est malade, et elle prie pour que le Seigneur envoie des ouvriers pour sa moisson. Et dans toutes les familles, les parents rappellent à leurs enfants que leur vocation vient du Seigneur et nous conduit à Lui.

Nous, nous allons communier en ce Vendredi saint sans avoir célébré l’eucharistie, malgré la présence du prêtre que je suis, pour reconnaître, aidés en cela par la lecture de la Passion, que notre cœur est malade.
Le cœur de l’homme est compliqué et malade dit le prophète Jérémie (Jr 17, 9), le texte latin, qu’on a entendu pendant deux millénaires, disait : ‘pravus’ qui a donné dépravé, pravus faux, défectueux, mauvais.
« Le cœur de tous est compliqué et malade – Pravum est cor omnium et inscrutabileQui peut le connaître ? Moi, dit le Seigneur, qui pénètre les cœurs et qui scrute les reins, afin de rendre à chacun selon sa conduite, selon le fruit de ses actes » (Jr 17, 9-10).

Je voudrais relever trois de ces maladies qui ressortent du récit de la Passion – et que le Christ est venu guérir par le don de sa vie : l’absence de compassion, la recherche de sensations fortes, et le ralliement à une foule en folie.

La compassion est la condition minimale de l’amour. Pour certains elle peut en être la porte d’entrée, pour d’autres elle viendra plus tard, en voyant la compassion de Jésus pour toute personne, pour tout créature maltraitée, compassion de Jésus pour les foules qui étaient comme des brebis sans berger. Quand bien même la personne qui souffre ne vous est pas sympathique, quand bien même vous estimez qu’elle mérite ce qu’elle subit, pensez à ceux qui l’aiment, à ses parents, pensons devant le Christ crucifié à la douleur de son Père, notre Père du Ciel. Son Fils : « Mon Fils en qui j’ai mis tout mon amour ! ».

La compassion se travaille, se cultive, s’exerce ! sinon elle s’étiole, d’autant plus que nous lui préférons d’autres sensations, plus fortes, plus excitantes. Quand Jésus est resté au désert quarante jours sans manger, le diable est venu sans pitié le pousser à abjurer : il l’a emmené à la Ville sainte, placé au sommet du Temple : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas », vivre l’ivresse, le shot, la poussée d’adrénaline. Voilà ce que cherchent ceux qui assistent à ce supplice de la crucifixion : le vertige de la sensation forte. Le cœur de l’homme est malade quand il joue avec la mort, Le cœur de l’homme est malade pour se repaître ainsi de violences et de spectacles dégradants.
J’ai dit cette année aux fiancés que si on n’aime pas la vie ordinaire, il n’est pas sûr qu’il faille se marier.

3ème maladie du cœur de l’homme : son ralliement et sa soumission aux foules déchaînées.

« Je suis innocent de sa mort ! ». On entend ce cri dans le Livre du prophète Daniel (Dn 13, 46), quand une femme innocente, Suzanne, est conduite à la mort, et c’est un enfant, le seul à réagir, à oser, à crier ! Personne ici pour s’opposer, terrible banalité de la meute, de la folie collective, de la perte de conscience et de lucidité.

Voilà trois maladies dont nous pouvons demander au Seigneur la guérison : l’absence de compassion quand nous restons de marbre comme des tombeaux vides. Le goût dépravé des sensations fortes. La folie de la foule, chaque fois que nous hurlons avec les loups.

Nous allons maintenant faire monter vers le Seigneur la grande prière d’intercession de l’Eglise, puis accueillir la Croix du Christ qui nous sauve.
Nous dirons le Notre Père, nous communierons au Corps du Christ, avant de venir vénérer la Croix en vérité.

Nous pourrons alors faire résonner dans notre cœur le Psaume 50, le Psaume par excellence de la conversion et de la pénitence :
Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint.
Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
vers toi, reviendront les égarés.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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