14ème dimanche du temps ordinaire - 5 juillet 2020

Mt 11, 25-30

 

« Ce que tu as caché aux sages et aux savants » : la formulation surprend si on se souvient de l’Epiphanie, des Mages venus adorer l’enfant-Jésus. C’est à ces Mages sages et savants que Dieu s’est révélé en premier dans son humanité, a fait connaître son Fils, par qui Dieu a révélé sa volonté de se faire connaître de toutes les nations : personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.

Les sages et les savants dont il est question ici sont ceux qui se présentent et se prétendent tels, experts en tout sauf en humilité. Quel que soit le domaine, y compris religieux, ils se donnent en spectacle sans cesser de se disputer et se critiquer : ils sont fatigants.

C’est un souvenir heureux que celui de l’Epiphanie, et il faut s’en souvenir en ce début juillet, dix jours après la Noël de l’été, la Nativité de saint Jean Baptiste, en symétrie de Noël et de début janvier. Il y avait naguère, le 2 juillet une fête de la Vierge Marie semblable à celle de sa Maternité divine au 1erjanvier : la Visitation, rencontre de Jésus et de Jean, qu’on fêtait de 1263 à 1969, avant qu’elle soit avancée au 31 mai pour couronner le mois de Marie.

Nous devrions vivre ce tournant de juillet comme celui de janvier à la recherche d’un nouveau souffle, pour repartir de plus belle dans l’année. Nous faisons l’inverse ! Nous avons fabriqué ou laissé s’installer cette coupure effrayante de deux mois, juillet et août, où nous disons aux pauvres, aux chômeurs, aux malades et aux vieillards : attendez la rentrée. Et cette année avec le confinement, ça fait double dose, à vous dégoûter de travailler.

Il faut arrêter de parler de temps de travail en nombre d’heures par semaine : il se calcule en nombre d’heures travaillées par an. Nous prêtres de paroisses sommes bien placés pour le savoir qui subissons le rythme scolaire, avec des vacances toutes les six semaines et cette coupure insensée de deux mois l’été. Sans compter par contrecoup le rythme compressé de l’activité sur quelques mois dans l’année, avec pour beaucoup d’entre vous des journées et des semaines harassantes et disproportionnées au détriment de la vie de famille et de prière.

Lorsque l’encyclique Laudato Siest parue il y a cinq ans, ce fut un événement dans la prise de conscience d’une nécessaire mobilisation générale pour la Création, avec ce mot d’ordre : ‘Tout est lié’, la défense des pauvres, de la terre, de la paix.

Dans l’enthousiasme suscité, notre évêque avait lancé un appel à idées, je me souviens avoir téléphoné à un confrère reconnu et influent, pour lui proposer une action concrète sur nos feuilles de messe : des centaines de milliers de pages photocopiées, distribuées, jetées chaque semaine, une aberration écologique. Dans le bilan carbone de nos messes, même si elles sont, par la grâce de Dieu, « à énergie positive », deux postes sautent aux yeux : le chauffage et le tirage des feuilles. Une solution autre que les missels serait la projection sur écran des paroles des chants et des textes. Mon confrère m’a répondu qu’il ne ferait rien étant ami de la famille Machin, un des grands noms de l’industrie du papier. J’ai raccroché découragé que quoi que nous fassions nous nous heurtions à tant de préjugés ou d’intérêts privés.

Je vous propose pour ce mois de juillet de réfléchir à cette question essentielle du respect de la Création, et tirer quelques leçons de la crise que nous venons de vivre : nous devons réfléchir à nos rythmes de vie. Notre rapport au temps est le cœur de la protection de l’environnement.

« Ce que tu as à faire, fais-le vite », dit Jésus à Judas au dernier repas, et l’évangéliste précise que personne, aucun des convives présents ne comprit pourquoi il dit cela – alors que Jésus venait de montrer qui était le traître, par la bouchée prise dans le plat (cf. Jn 13, 21-28).
« Ce que tu as à faire, fais-le vite » : le contraire de la prière, et du repos dont il est question dans l’évangile de ce dimanche : venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau – et je vous procurerai le repos. Le fardeau est moins un problème de charge que de rythme, de pressions et de délais.

Dans le récit de la Genèse, la création du temps arrive au 4èmejour, après la verdure, les arbres et les fruits. Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit ; qu’ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années ». Dieu fit le grand luminaire comme puissance du jour et le petit luminaire comme puissance de la nuit. Dieu les plaça au firmament du ciel pour commander au jour et à la nuit, pour séparer la lumière et les ténèbres, et Dieu vit que cela était bon (Gn 1, 14-18).
De toutes les créatures, le temps est la seule dont Dieu n’ait pas confié la maîtrise à l’homme. Le temps n’appartient qu’à Dieu.

Quelle est sa raison d’être ? La raison d’être du temps, et je vous renvoie au livre d’un Carme suédois, Wilfrid Stinissen, o.c.d. (ordre des carmes déchaux), ‘L’éternité au cœur du temps’, – sa raison d’être est de nous permettre de nous développer et de grandir. Germer et porter du fruit.
Le temps a été créé par Dieu pour nous apprendre à donner. Dans le récit de la Chute il faut replacer l’interdit dans le temps : l’arbre de vie et de la connaissance sont des biens que Dieu avait le projet de donner. Il en va de beaucoup d’interdits : pas ici ou pas maintenant. Le péché est de s’emparer de ce qui ne peut être donné que progressivement. Il en va ainsi de nos relations de confiance, d’amitié et d’amour. Elles ont besoin de temps. Nous avons besoin de temps pour faire confiance et aimer.

Deuxième critère pour un bon usage du temps : la prière et la lecture de l’évangile, car « une bonne théologie du temps s’enracine nécessairement dans la vie de Jésus » (op. cit. p. 33). Dieu s’est fait homme pour montrer comment mener une vie d’homme en famille, en communauté, dans le travail, la prière, le repos, le partage, et comment l’homme doit rythmer son emploi du temps, pour répartir sa charge, pour que le joug soit facile à porter et le fardeau léger.

Que nous changions de rythme de vie, voilà ce que Dieu veut, dans sa bienveillance.

Il y a pour cela un levier, qui s’appelle la louange. Vous voulez changer de rythme de vie ? Entrez dans la louange.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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