15ème Dimanche du Temps Ordinaire - 13 juillet 2025

Lc 10, 25-37

Dieu savait-il au moment de la Création ce que nous allions en faire ? Que nous allions dégrader la Terre, la martyriser ? Dieu savait-il au moment de notre création que nous allions, à l’image et sous l’influence des anges devenus des démons, nous retourner contre lui, le contraire de la conversion (où nous retournons à lui) ? Savait-il qu’il serait renié et trahi par sa créature qu’il aimait le plus, en qui il avait mis son esprit, et tant d’amour ?

Bien sûr qu’il le savait. Et il a pris ce risque.

On peut utiliser la même expression pour le premier voyageur de la parabole, qui descendait de Jérusalem à Jéricho, et qui était tombé sur des bandits et sous les coups des bandits. Tous les pèlerins le savent : on ne sait pas sur qui on peut tomber. On prend ce risque. Partir seul, y compris pour vivre en ermite, est une aventure avec sa part de risque.

Il n’est pas bon que l’homme soit seul, mais il l’est par nature, expliquait Jean-Paul II dans son commentaire des premières pages de la Bible : il n’y a aucun être dans le monde, et nous pouvons même dire dans la galaxie, qui soit comme nous créé à l’image de Dieu, à la fois unique, sans égal et pour la communion, pour que la conscience de notre différence nous ouvre au monde et aux autres, et non pas nous replie.

Cet homme avait donc pris le risque de partir seul de Jérusalem, la Ville sainte, la Cité du Très-Haut, il n’y aura que Rome pour lui prendre son titre de ville éternelle, pour se rendre à Jéricho, une autre ville tout aussi symbolique, la ville païenne, qui avait été la ville d’entrée du peuple de Dieu en Terre promise.

La chute des remparts de Jéricho, après que le peuple eut traversé à pieds secs le Jourdain, faisant de Josué un nouveau Moïse, est une des grandes pages de la Bible (au chapitre 6 du livre de Josué). Cela prit une semaine, où chaque jour le peuple fit le tour de cette cité fortifiée a priori imprenable. Au 7ème jour les remparts s’effondrèrent.
Quand j’étais séminariste, un drôle de type que je visitais à l’hôpital m’avait exposé sa théorie selon laquelle les remparts s’étaient écroulés au 7ème jour quand toute la ville, intriguée par la clameur soudaine lancée par les assiégeants sur l’ordre de Josué (cf. Jos 6, 10), était montée sur les remparts qui avaient cédé sous le poids. Pourquoi pas.

Revenons au voyageur qui descendait de Jérusalem à Jéricho, dont les Pères de l’Eglise faisaient une lecture allégorique, y voyant le symbole de la descente de Dieu sur terre, comme une icône de l’Incarnation. Ils faisaient endosser à Jésus ces deux rôles, de la victime et du sauveteur.

Le risque que Dieu a pris avec sa Création n’est rien en effet comparé à celui qu’il a pris en se faisant l’un de nous, en venant sur terre, le mystère de la Création n’est rien comparé au mystère du Salut, de son Incarnation pour notre Rédemption.
Les deux personnages du prêtre et du lévite qui passent sans s’arrêter sont bien pâles au regard des chefs des prêtres qui viendront insulter Jésus après l’avoir fait crucifier.

Un des écrits les plus étonnants de la littérature chrétienne sur le sens du risque a été composé au 15ème siècle par un franciscain, saint Bernardin de Sienne, le saint patron des prédicateurs qui pouvait parler pendant des heures à des foules de milliers et milliers de personnes.
Il est connu pour avoir popularisé le Saint Nom de Jésus, sous le sigle IHS ou JHS Jésus Sauveur des Hommes. On a gardé de lui, outre la retranscription un peu décevante de certaines de ses homélies, un traité d’économie ‘sur les contrats et sur l’usure’ – De contractibus et usuris (le premier du genre avait été écrit cent cinquante ans plus tôt par un autre franciscain, Pierre de Jean Olivi † en 1295, Bernardin † en 1444), consacré à la défense de la propriété privée et du commerce qui respecte des valeurs éthiques pour le bien commun.

Bernardin est fils de saint François. Il aime les pauvres. Orphelin à six ans, il avait été élevé par un oncle qui lui avait appris la compassion, notamment pour les malades, si bien qu’à vingt ans, lors de la première épidémie de peste qu’il connut dans sa vie, car elles se succédèrent, il s’engagea pleinement, prenant en charge l’organisation de l’hôpital et des soins. Il abandonne son héritage pour suivre le Christ.
Il y avait à l’époque un fléau aussi terrible que la peste : l’usure ! avec des créanciers plus cruels que les bandits de grand chemin, de véritables vampires du sang des pauvres (l’expression est de Léon Bloy : l’argent est le sang du pauvre).

Non seulement saint Bernardin va s’attaquer à eux comme aux gaspillages des plus riches, les deux relèvent du même mépris, mais il va promouvoir le rôle essentiel des entrepreneurs, des créateurs et chefs d’entreprise pour le bien de toute la société : ils créent des richesses dont toute la société bénéficie. Saint Bernardin, un Franciscain qui admire les entrepreneurs ! Il leur reconnaît quatre qualités essentielles : la recherche de l’efficacité, le sens de la responsabilité, l’amour du travail et la prise de risque.

Mes amis, trois vocations ont particulièrement besoin de nos prières : les vocations sacerdotales et religieuses à la suite du Christ Bon Pasteur ; les professions de soignants et de tous ceux qui se portent au chevet des blessés et des malades, les bons samaritains. Et les entrepreneurs dont les risques qu’ils prennent eux aussi sont de bons risques quand ils sont associés à ces trois autres qualités de l’efficacité, du sens de la responsabilité collective, et du travail bien fait.

Ajoutons une quatrième vocation : à l’engagement politique dont le Pape Léon XIV rappelait le 21 juin dernier pour le Jubilé des Chefs de gouvernement que « l’action politique a été définie à juste titre comme « la forme la plus élevée de charité » (Pie XI, Discours du 18 décembre 1927). En effet, si l’on considère le service qu’elle rend au bien de la société et au bien commun, elle apparaît vraiment comme une œuvre de cet amour chrétien qui n’est jamais une théorie, mais toujours un signe et un témoignage concret de l’action de Dieu en faveur de l’homme » (cf. Pape François, Lettre encyclique, Fratelli Tutti n. 10).

Demandons cette grâce au Seigneur, ce discernement de l’Esprit-Saint, pour savoir et avoir le courage de prendre les bons risques au service de tous et de toute la société.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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